DAC 6 : premiers commentaires administratifs

13/03/20

eAlerte Fiscale

Le 9 mars 2020, l’administration fiscale a mis en ligne et en consultation publique (jusqu’au 30 avril) ses premiers commentaires relatifs à la déclaration des dispositifs transfrontières, apportant ainsi des précisions attendues sur les règles mises en place par la directive DAC 6 (directive 2018/822 du 25 mai 2018), telle que transposée en droit interne par l’ordonnance 2019-1068 du 21 octobre 2019, codifiée aux articles 1649 AD à 1649 AH du CGI (voir notre eAlerte en date du 23 octobre 2019).

Nous présentons ici les principales précisions apportées par l’administration.

Entrée en vigueur

Conformément à la directive, les dispositifs dont la première étape a été mise en œuvre avant le 25 juin 2018 mais produisant leurs effets après le 25 juin 2018 ne doivent pas être déclarés. L’administration précise toutefois que toute modification apportée à ces dispositifs est déclarable si cette modification peut être qualifiée de dispositif transfrontière déclarable. Le fait que ce changement ait été anticipé et prévu dans les dispositions contractuelles du dispositif originel est indifférent (BOI-CF-CPF-30-40 n° 1).

Impôts concernés

S’agissant des impôts concernés, il est précisé que les dispositions des articles 1649 AD à 1649 AH du CGI ne s’appliquent pas : à la TVA, aux droits de douane, aux droits d’accise et à certains prélèvements sociaux et cotisations obligatoires (BOI-CF-CPF-30-40-10 n° 1).

Notion de dispositif

La notion de dispositif est entendue de manière très large. Selon l’administration, ce terme recouvre notamment la constitution, l’acquisition ou la dissolution d’une personne morale, la souscription d’un instrument financier et même la simple attribution d’un revenu (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 10).

Deux exemples de dispositifs sont en outre présentés par l’administration (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 20) :

  • Dispositif reposant sur une opération de financement ou refinancement intra-groupe. Dans ce cas, le dispositif comprend les étapes suivantes :

- la transaction initiale qui permet d’injecter le nouveau capital (notamment apport en capital, prêt, etc) dans le groupe ;

- l'ensemble des étapes subséquentes ;

- ainsi que les transactions intra-groupe qui permettent de connaître et comprendre l’utilisation de ce capital, notamment les transactions effectuées en vue ou en conséquence du financement ou refinancement ;

  • Dispositif reposant sur l'acquisition d’une nouvelle société ou groupe de sociétés. Dans ce cas, le dispositif inclut l’acquisition, le financement et toute restructuration antérieure ou postérieure à l’acquisition (notamment les scénarios possibles de sortie de la structure mise en place lorsque ceux-ci ont été définis).

En revanche, l’administration considère que le fait pour un contribuable d’attendre simplement l’expiration d’un délai ou d’une période légale pour réaliser une transaction en exonération d’impôt ne constitue pas un dispositif (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 30).

Caractère transfrontière du dispositif

Un dispositif est transfrontière s’il concerne la France et un autre Etat et répond à une condition de résidence ou d’activité des participants en France et dans un autre Etat, que l’autre Etat soit ou non membre de l’UE.

Sont considérés comme des participants au dispositif : les intermédiaires, les contribuables concernés, les entreprises associées ainsi que toute autre personne ou entité susceptible d’être concernée par ce dispositif (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 70).

Selon l’administration, le caractère transfrontière prend ainsi en compte la localisation des intermédiaires (e.g. un dispositif impliquant deux résidents fiscaux français avec un intermédiaire prestataire de service établi à l’étranger).

A titre d’exemple, constituent selon l’administration des dispositifs transfrontières (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 80) :

  • L’achat par une société établie en France de 50 % des actions d'une société établie en Finlande auprès d'une société française, car la société établie en Finlande est une entreprise associée (participation excédant 25 % des droits de vote, du capital ou des droits à bénéfices) et constitue donc un participant au dispositif dont le siège est situé hors de France. A contrario, la cession entre sociétés établies en France des titres d’une société étrangère détenue à moins de 25% ne serait pas considérée comme une opération transfrontière (sous réserve que la société étrangère ne soit pas « concernée » par le dispositif) ;
  • La souscription d’un prêt par une société établie en France auprès d’une société établie en Allemagne.

Marqueurs répondant au critère de l’avantage principal

L’administration reporte à l’issue de la consultation publique la publication de ses commentaires concernant les marqueurs (généraux et spécifiques) eux-mêmes.

Elle précise en revanche la notion d’avantage fiscal principal, indiquant que cette notion doit s’apprécier au regard du dispositif pris dans son ensemble, en considérant ses effets dans les Etats de l’UE et hors UE (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 120).

Répondrait par exemple au critère de l’avantage principal un prêt hybride donnant lieu à un paiement déductible (intérêt) conformément à la législation de l’Etat du payeur et non taxable (dividende) conformément à la législation de l’Etat du bénéficiaire alors même que cet avantage est obtenu conformément à la législation des deux Etats concernés (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 130).

L’appréciation du caractère principal se fait, selon l’administration, de manière objective. Ainsi, le fait qu’une personne ne recherche pas l’obtention d’un avantage fiscal principal est estimé indifférent au regard du critère de l’avantage principal. L’importance de l’avantage fiscal est notamment déterminée en fonction de la valeur de l’avantage fiscal obtenu par rapport à la valeur des autres avantages retirés du dispositif, le caractère principal résultant notamment du fait que le dispositif transfrontière n’aurait pas été élaboré de la même façon sans l’existence de cet avantage (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 150).

Par exception, si l’avantage principal obtenu en France au moyen du dispositif transfrontière résulte de l’utilisation d’un dispositif d’incitation fiscale conforme à l'intention du législateur français, cet avantage principal n’est a priori pas considéré comme un avantage fiscal principal au sens de l’article 1649 AH du CGI, sous réserve du respect de l’intention du législateur. Par exemple, la détention d’un PEA en France est a priori exclue du champ d’application de la déclaration, sauf si les produits ou placements financiers concernés s’inscrivent dans un dispositif transfrontière plus large dont l’avantage fiscal retiré ne correspond pas à l’intention du législateur français (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 160). Le sens et la portée de cette exclusion mériteraient à notre avis d’être davantage précisés.

Notion d’intermédiaire

L’administration précise qu’un intermédiaire peut être toute personne, professionnelle ou non. Peu importe que l’intermédiaire ait ou non la personnalité juridique ou qu’il soit ou non rémunéré. Il est par ailleurs indiqué que lorsqu’une personne physique est salariée d’une entreprise et agit au nom de cette entreprise, c’est l’entreprise qui est considérée comme intermédiaire (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 30).

Selon la terminologie employée par le Bofip, l’intermédiaire peut être « concepteur » (CGI art. 1649 AE, I-1° al. 1) ou « prestataire de services » (CGI art. 1649 AE, I-1° al. 2).

L’administration précise qu’un prestataire de services intervenant ou prenant connaissance d’un dispositif a posteriori n’est en principe pas considéré comme un intermédiaire. Ne sont donc en principe pas visés (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 80) :

  • Un commissaire aux comptes, qui, lors de la réalisation de l'audit légal d'un des participants à un dispositif transfrontière déclarable, prendrait connaissance de celui-ci postérieurement à sa mise en œuvre
  • Une banque dépositaire accompagnant un contribuable dans ses démarches pour réclamer un trop-perçu de retenue à la source ;
  • Un conseil, différent du conseil à l’origine du dispositif, dont la mission consisterait uniquement à se prononcer sur le caractère déclarable ou non d’un dispositif.

Lorsque l’intermédiaire est soumis au secret professionnel, il ne peut souscrire sa déclaration qu’avec l’accord de son client, conformément à l’art. 1649 AE du CGI.

Parmi les personnes soumises au secret professionnel, l’administration vise notamment les avocats, notaires, experts-comptables et établissements de crédit ou autres organismes visés au I de l’art. L 511-33 du CoMoFi (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 160).

Lorsqu’il ne souscrit pas la déclaration faute d’accord du contribuable concerné, l’intermédiaire doit notifier l’obligation aux personnes à qui elle incombe et dont il a connaissance, qu’il s’agisse d’un autre intermédiaire ou, à défaut, au contribuable concerné. La notification ne lie pas son destinataire qui est libre de réviser l’analyse initiale rendue par l’intermédiaire soumis au secret professionnel sur le caractère déclarable du dispositif (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 210).

En cas de pluralité d’intermédiaires, le délai de déclaration du dispositif à l’administration par l’ensemble des intermédiaires est porté à 90 jours maximum à compter de la date d’envoi de la première notification (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 180).

En l’absence d’autre intermédiaire, la notification est faite au contribuable concerné et doit alors être accompagnée de toute information dont l’intermédiaire a connaissance, qui se trouve en sa possession ou en son contrôle, lui permettant de souscrire la déclaration (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 190).

Contribuable concerné

Le Bofip précise que le contribuable concerné est l’utilisateur ou est partie au dispositif transfrontière déclarable (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 230).

A cet égard, l’administration précise que dans un groupe, la société qui conçoit un dispositif déclarable utilisé par d’autres sociétés du groupe est considérée comme un intermédiaire concepteur. De plus, une même société peut être qualifiée à la fois d’intermédiaire concepteur et de contribuable concerné si elle-même utilise également le dispositif (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 240).

Autres précisions

L’administration précise enfin que l’obligation de déclaration s’applique indépendamment de la circonstance que les dispositifs transfrontières déclarables seraient en conformité avec les dispositifs anti-abus applicables existants ou que les informations ont déjà été déclarées en application d’autres dispositions que celles prévues à l’article 1649 AD du CGI (BOI-CF-CPF-30-40-20 n° 110). Cette obligation déclarative est, par ailleurs, sans préjudice de la déclaration de soupçons en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dont le respect ne constituera pas, le cas échéant, une divulgation au sens de l’article L.561-18 du CoMoFi (BOI-CF-CPF-30-40-20 n° 120)

D’autres commentaires du Bofip concernent les délais, les modalités et le contenu de la déclaration que le déclarant remplira sur la base des informations à sa disposition à la date du fait générateur de l’obligation déclarative. Il est notamment précisé que la valeur du dispositif, qui désigne l’évaluation des montants en jeu dans le cadre du dispositif, s’apprécie au cas par cas en fonction de la nature de ce dispositif. Il peut notamment s’agir du montant de la transaction à l’origine d’un dispositif, celle-ci étant constituée par exemple d’une vente, d’une acquisition, d’un prêt ou d’un investissement en capital (BOI-CF-CPF-30-40-20 n° 300).

La déclaration entrainera l’attribution simultanée d’une « Référence dispositif » attachée à chaque dispositif déclaré, diffusée par le déclarant auprès des autres intermédiaires et contribuables concernés, qui devra être rappelée par la suite par toute autre personne souscrivant une déclaration relative au même dispositif du fait de sa participation à celui-ci (sous réserve que ce dispositif n’ait pas déjà fait l’objet d’une déclaration par une autre personne) et d’une « Référence Déclaration » unique et propre à chaque déclaration (BOI-CF-CPF 30-40-20 n° 190 et ss).

Enfin, l’administration prend le soin d’indiquer que si la déclaration d’un dispositif déclarable ne vaut pas prise de position de l’administration fiscale sur ce dispositif, réciproquement, elle ne vaut pas reconnaissance par le déclarant du caractère potentiellement agressif du dispositif déclaré (BOI-CF-CPF-30-40-20, n° 150).

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Emmanuel Raingeard de la Blétière

Emmanuel Raingeard de la Blétière

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Marie-Hélène Pinard-Fabro

Marie-Hélène Pinard-Fabro

Avocat, Directeur, PwC Société d'Avocats

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