09/04/20
Dans une réponse ministérielle publiée le 10 mars dernier (question n° 24723), le Ministre de l'économie et des finances apportait des précisions sur la réglementation relative aux factures signées et sur un éventuel risque d’insécurité fiscale pour les entreprises, « dû à un décalage entre la règlementation actuelle et des textes anciens n'ayant pas encore été modifiés à ce jour ».
Le débat portait sur l’alignement entre le règlement européen (n°910/2014) du 23 juillet 2014 sur les services de confiance et la signature électronique dit « eIDAS », applicable le 1er juillet 2016, et la réglementation française actuelle en la matière.
Cette réponse s’inscrit également dans le contexte de généralisation en France et à l’étranger de la facturation électronique dans le secteur public (obligatoire en France depuis le 1er janvier 2020/ Directive 2014/55/UE) ou dans le secteur privé (obligatoire en France dès 2023 (art. 153 de la loi de finances pour 2020) et applicable ou en projet également dans différents pays comme l’Italie, la Grèce, les pays de la zone LATAM ou encore récemment l’Espagne ou la Turquie).
Actuellement, en France, la réglementation fiscale / TVA relative aux factures transmises par voie électronique et sécurisées au moyen d'une signature électronique au sens de l'article 289 VII 2° du CGI (BOI-TVA-DECLA-30-20-30-30-20131018) précise que seules (i) les signatures électroniques avancées fondées par un certificat qualifié et créées par un dispositif sécurisé de création de signature, et (ii) les signatures électroniques conformes au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau 2** ou 3***, garantissent de façon autonome l'authenticité de l'origine et l'intégrité du contenu des factures.
Ces factures tiennent lieu de facture d'origine et dispensent les assujettis de l’obligation de piste d’audit fiable (article 289 VII 1° du CGI) en cas de contrôle.
De son côté, le règlement européen « eIDAS », qui a instauré un cadre européen en matière d’identification électronique et de services de confiance (tels que la signature électronique, le cachet électronique – pour les personnes morales – ou encore l’horodatage électronique), commente également le dispositif de signature avancée fondée par un certificat qualifié et mis en œuvre grâce à un dispositif de création de signature électronique qualifié, équivalent à celui issu de la seconde Directive facturation n° 2010/45/UE du 13 juillet 2010 et transposé en droit français, depuis le 1er janvier 2013, à l’article 289 VII 2° du CGI susvisé.
Ce dispositif, qui fait l’objet d’une décision de certification par une autorité nationale (ANSII en France) garantit, avec un très haut niveau de confiance (niveau 3), non seulement que la signature ne peut être réalisée que par le signataire légitime (personne physique ou morale) mais également une présomption d’intégrité et d’exactitude de l’origine des données. Son effet juridique est équivalent à celui d’une signature manuscrite (article 25 du règlement eIDAS).
A cet égard, il est rappelé en pratique que le règlement eIDAS distingue différents niveaux de signatures électroniques variant selon le niveau de sécurité du dispositif : (i) signature simple ou logiciel, (ii) signature avancée fondée sur un certificat qualifié ou non et enfin (iii) signature qualifiée, reposant sur un certificat et un dispositif de création de signature qualifiés (dispositions reprises aux articles 3, 26, 28, 29 et Annexes I et II du règlement).
Cependant, si le règlement eIDAS est d’application immédiate pour tous les Etats membres, et contrairement au droit civil qui a vu sa doctrine mise à jour (art. 1367 du Code Civil en matière de preuve électronique, issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 pris en application du règlement), aucun commentaire particulier, équivalence claire avec les « pratiques RGS » ou encore mise à jour, n’existe à l’heure actuelle dans la réglementation fiscale/TVA à ce sujet, ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés d’interprétation pour les assujettis.
Dans ce contexte, le Ministre de l'économie et des finances rappelle, qu’en matière de TVA, la réglementation française régissant les factures sécurisées au moyen d'une signature électronique, au sens de l’article 289 VII 2° et du CGI et à l'article 96 F de l'annexe III, renvoie notamment à la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA qui renvoie elle-même à la directive originelle 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques.
Or, si l’application du règlement « eIDAS » est venue abroger la directive 1999/93/CE susvisée, étant donné le constat d’échec de cette dernière dans sa transposition au sein des Etats membres (application de solutions techniques différentes entre états et absence d’interopérabilité nécessaire au développement des échanges transfrontaliers), une société qui recourt pour ses factures au dispositif de signature électronique « qualifiée » au sens du règlement eIDAS est réputée « de facto » remplir les conditions fixées par la réglementation française en matière de facturation électronique, conférant ainsi aux factures échangées une valeur probante fiscale et légale.
Ce constat est rendu possible par l’application de l’article 50 du règlement eIDAS qui énonce que « les références faites à la directive abrogée s’entendent comme faites au présent règlement ».
Le Ministre rappelle enfin que la réglementation n’impose pas que les signatures électroniques soient conformes au référentiel RGS de niveau 2 ou 3 étoiles, s'il s'agit de signatures électroniques dites « qualifiées ».
Ces éclairages seront bientôt mis en lumière dans le cadre d’une mise à jour attendue de la doctrine administrative (BOFIP) relative aux factures électroniques assorties d'une signature électronique et intégrés dans le projet de facturation dématérialisée B2B obligatoire à compter de 2023, prévu à l’article 153 de la loi de finances pour 2020.