L’administration publie ses commentaires définitifs sur le nouveau mécanisme de déduction des charges financières

03/06/20

eAlerte fiscale

L’administration publie ses commentaires définitifs sur le nouveau mécanisme de déduction des charges financières

Dans un BOFIP mis en ligne le 13 mai 2020, l’administration fiscale publie ses très attendus commentaires définitifs sur la réforme des règles de déduction des charges financières. Ce dispositif, issu de la loi de finances pour 2019 et codifié aux articles 212 bis (société seule) et 223 B bis du CGI (groupe fiscal intégré) avait jusqu’ici fait l’objet de commentaires provisoires dans le cadre d’un BOFIP mis en ligne le 31 juillet 2019, en consultation publique jusqu’au 30 septembre 2019. S’ils n’apportent que peu de précisions nouvelles en ce qui concerne l’assiette des charges financières nettes ou le calcul des plafonds de déduction, les nouveaux commentaires comportent en revanche de nouveaux développements relatifs aux modalités d’établissement des comptes consolidés pro forma à établir pour l’application des clauses de sauvegarde, à la fois concernant la déduction complémentaire de 75 % et les situations de sous-capitalisation. Le régime applicable aux entreprises autonomes, issu de la loi de finances pour 2020, est également commenté.

L’objectif de cette alerte n’est pas d’analyser le mécanisme de l’article 212 bis et 223 B bis dans son ensemble mais uniquement de relever les modifications les plus importantes apportées au BOFIP par rapport à celui du 31 juillet 2019.

  • Périmètre des charges financières nettes

Le périmètre des charges financières nettes entrant dans le champ d’application du dispositif est fixé par l’article 212 bis, III du CGI.

En ce qui concerne les coûts ou produits équivalents à des intérêts, il est précisé que ne doivent pas être prises en compte pour le calcul des charges financières nettes (BOI-IS-BASE-35-40-10 n° 300) :

- les charges de désactualisation des provisions pour démantèlement. L’exclusion ne visait auparavant que la provision pour démantèlement des installations nucléaires ;

- les intérêts rémunérant les sommes bloquées issues de la réserve spéciale de participation des salariés, lorsque la gestion de cette réserve est effectuée directement par l'entreprise soumise à la participation. Corrélativement, les éventuels produits financiers perçus dans ce cadre doivent également être exclus pour le calcul des charges financières nettes.

  • Calcul du plafond de déduction

Pour rappel, le plafond de déduction de droit commun des charges financières nettes (hors mécanisme de sous-capitalisation) correspond à 30 % de l’EBITDA fiscal de l’entreprise. Cet agrégat est déterminé à partir du résultat fiscal déterminé sur l’état 2058 A de la liasse fiscale, retraité de certains éléments, dont les charges financières nettes et les amortissements. Concernant ces derniers, il convient d’après le BOFIP (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 60) :

- d’ajouter les dotations aux amortissements admises en déduction, y compris notamment les dotations aux amortissements dérogatoires et exceptionnels,

- de déduire les reprises d’amortissements imposables, ainsi que toute fraction comprise dans les plus-values et moins-values sur cession d’actifs constatées au cours de l’exercice correspondant à des amortissements déduits, expressément exclus des charges déductibles ou différés en méconnaissance des dispositions de l’art. 39 B du CGI.

Suramortissement Macron - L’administration mentionne dorénavant que les dispositions de déduction exceptionnelle (« suramortissement Macron ») visées aux articles 39 decies et suivants du CGI, qui ne constituent pas des dotations aux amortissements sur le plan comptable, ne doivent donner lieu à aucun retraitement pour la détermination de l’EBITDA fiscal.

Frais d’établissement - A l’inverse, doivent être retraités les frais d’établissement pour lesquels l’entreprise a opté sur le plan comptable pour une déduction échelonnée. Il est également précisé que les subventions d’équipement régies par l’article 42 septies du CGI ne font l’objet d’aucun retraitement spécifique (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 70).

Cession d’immobilisation et mise au rebut - En ce qui concerne les cessions d’immobilisations, il est précisé qu’en cas de constatation d’une moins-value, le montant des amortissements venant minorer l’EBITDA fiscal n’est pas plafonné à hauteur du montant de la moins-value (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 70).

L’administration prévoit par ailleurs un traitement spécifique en cas de mise au rebut d’une immobilisation:

- lorsque l’immobilisation est totalement amortie, aucun retraitement n’est à effectuer au titre de l’exercice de la mise au rebut. Il est précisé à cet égard qu’ « en effet, aucune charge n’est constatée au titre de cet exercice et la mise au rebut n’a également aucune incidence sur la détermination de l’EBITDA fiscal ».

- lorsque l’immobilisation n’est pas totalement amortie et que l’opération entraine la comptabilisation d’une dotation aux amortissements exceptionnels, le résultat doit seulement être retraité de la dotation aux amortissements exceptionnels de l’exercice,

- enfin, si le traitement comptable retenu conduit à la constatation d’une moins-value (c’est à dire en l’absence de dotation aux amortissements exceptionnels), il est admis de neutraliser le montant de la moins-value correspondant à la valeur nette comptable du bien et de ne pas tenir compte de la fraction des amortissements compris dans cette moins-value pour la détermination de l’EBITDA.

En pratique, les mises au rebut ne sont donc pas considérées comme des cessions à prix nul et n’entrainent ainsi, selon l’administration, aucune minoration de l’EBITDA fiscal au titre des amortissements antérieurement déduits au titre de l’actif mis au rebut.

Exemple

Une société qui, à l’occasion de la mise au rebut d’une immobilisation acquise pour 10 K€ et partiellement amortie (VNC de 6 K€), enregistre comptablement cette mise au rebut par la constatation d’un produit de cession négatif de - 6 K€ doit simplement, pour le calcul de son EBITDA fiscal, réintégrer 6 K€ à son résultat fiscal. L’opération est donc sans impact sur l’EBITDA fiscal de l’exercice (exemple extrait du BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 90).

A notre avis, en cas de cession de cette immobilisation pour 1€, la société aurait dégagé une moins-value de 5 999 € et déduit en sus les amortissements antérieurs de 4 000 € pour le calcul de son EBITDA fiscal, avec un impact négatif de 9 999 K€ sur son EBITDA fiscal.

  • Clause de sauvegarde pour les membres d’un groupe consolidé

Plusieurs précisions importantes sont ajoutées au BOFIP s’agissant des comptes consolidés requis pour l’application de la clause de sauvegarde. Rappelons que cette clause, qui conditionne le bénéfice de la déduction complémentaire de 75 %, repose sur la comparaison du ratio d’autonomie financière de la société (ou du groupe intégré) avec celui du groupe consolidé. Ce ratio correspond au rapport entre les fonds propres et les actifs, déterminés respectivement au niveau de la société (ou du groupe intégré) et à celui du groupe consolidé.

Périmètre de consolidation pro forma - Il est notamment indiqué que le périmètre du groupe consolidé retenu pour l’application de la clause de sauvegarde s’entend de celui établi au niveau de la société consolidante ultime, c’est-à-dire de la société dont les comptes ne peuvent pas être inclus dans les comptes consolidés d’une autre entreprise. Lorsqu’un groupe établit des comptes consolidés à plusieurs niveaux, il n’est donc pas possible de retenir des comptes établis à un niveau intermédiaire (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 120), et le référentiel utilisé au niveau de la société mère consolidante ultime doit être utilisé. A cet égard, il est précisé que les comptes consolidés en UK GAAP resteront admis durant la période de transition prévue à l’article 126 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni du 12 novembre 2019 (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 200).

Comptes pro forma et validation par les commissaires aux comptes - En ce qui concerne la nécessité d’une validation des comptes consolidés par les commissaires aux comptes (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 130) :

- Lorsque des comptes consolidés sont établis à titre obligatoire, aucune validation supplémentaire n’est exigée des commissaires aux comptes pour les comptes établis spécifiquement pour les besoins du dispositif (comptes consolidés des seules entités consolidées par intégration globale).

- Si des comptes consolidés sont établis volontairement, un seul jeu de comptes consolidés doit être validé par un ou plusieurs commissaires aux comptes. Il peut s’agir au choix de l’entreprise, soit de ceux établis pour les seules entités consolidées par intégration globale, soit de ceux établis pour la totalité du groupe consolidé. Par ailleurs, le champ de la mission d’audit contractuel peut en pratique être limité à la validation du bilan consolidé qui sert seul de base à la détermination des ratios d’autonomie financière.

- Pour les groupes fiscaux intégrés, les comptes consolidés pro forma du sous-groupe « intégration fiscale » n’ont pas à faire l’objet d’une validation par un ou plusieurs commissaires aux comptes (BOI-IS-GPE-20-20 n° 90).

Absence de coïncidence entre exercices social et consolidé - L’administration indique en outre que, lorsque la date de clôture de l'exercice social de l'entreprise (ou du groupe intégré) ne coïncide pas avec celle de l'exercice du groupe consolidé, l'ensemble des données servant de base au calcul et à la comparaison des ratios est systématiquement issue des derniers comptes consolidés disponibles à la date de clôture de l'exercice social. Ainsi, l'entreprise (ou le groupe intégré) peut retenir, en vertu du choix qui lui est offert par l’administration, soit les données issues du bilan consolidé disponible à l'ouverture de l'exercice concerné (c'est-à-dire du bilan de clôture de l'exercice précédent), soit celles du bilan consolidé disponible à la clôture de l'exercice concerné (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 220 et BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 90). Des règles similaires s’appliquent pour l’application de la clause de sauvegarde propre au mécanisme de sous-capitalisation (BOI-IS-BASE-35-40-20 n° 320 et BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 140).

Calcul du ratio d’autonomie financière

En ce qui concerne la détermination des fonds propres  

En ce qui concerne la détermination des fonds propres de l’entreprise, les nouveaux commentaires indiquent que doivent être retenus les capitaux propres retraités de l’entreprise en application des normes de consolidation appliquées par le groupe. Ces capitaux propres s’entendent des capitaux propres et le cas échéant des autres fonds propres consolidés, avant élimination des opérations internes et avant élimination des titres de participation détenus sur des entités membres du groupe consolidé ou que détiennent d’autres entreprises du groupe consolidé sur l’entreprise concernée (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 290). En pratique, il s’agit du contributif de la société aux comptes consolidés, avant toute élimination.

Par ailleurs,  dans ses précédents commentaires, l’administration avait indiqué que les intérêts minoritaires, qui sont considérés comme des fonds propres par les normes IFRS,  doivent être exclus pour déterminer les fonds propres consolidés du groupe. Elle précise désormais que par cohérence la même approche doit être retenue pour déterminer le montant des fonds propres de l’entreprise (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 290).

Toujours en ce qui concerne les intérêts minoritaires pour le calcul des fonds propres, l’administration précise qu’aucun retraitement ne doit intervenir lorsque les comptes sont établis selon les normes françaises, dans la mesure où ces intérêts sont exclus des capitaux propres.  (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 250).

En ce qui concerne les actifs

Concernant la valorisation des entités exclues du périmètre d’intégration globale dont seule la valeur des titres est retenue pour la détermination des actifs du groupe, leur valeur est déterminée comme s’il s’agissait de titres d’entités non consolidées. L’administration précise que cette valeur doit être déterminée en fonction des règles applicables au référentiel de consolidation retenu par le groupe. Par exemple, en cas de comptes consolidés en normes IFRS, une évaluation à la juste valeur est pratiquée (BOI-IS-BASE 35-40-10-20 n° 270).

L’administration précise en outre que, lors de la valorisation des titres à la juste valeur pour les besoins de l’établissement des comptes consolidés de l’intégration fiscale, la contrepartie de cette revalorisation doit être prise en compte dans les fonds propres de l’intégration fiscale (BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 90).

Des précisions sont également apportées concernant les écarts d’acquisition. Ces derniers sont à retenir parmi les actifs du groupe consolidé lorsqu’ils sont affectables à l’entreprise. S’agissant des écarts d’acquisition qui ne sont que partiellement affectables à l’entreprise, ils sont éliminés à la fois des actifs de l’entreprise et des actifs du groupe. L’administration apporte toutefois une précision complémentaire en indiquant que l’entreprise peut décider de procéder volontairement à l’affectation précise de l’ensemble des écarts d’acquisition, en utilisant notamment des données qui ne figurent pas dans les comptes consolidés (données extra-comptables). Dans cette situation, la société doit être en mesure de présenter tous les éléments permettant de justifier de l’affectation retenue (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 300).

Il est en outre précisé qu’en cas d’élimination des écarts d’acquisition au niveau des actifs du groupe et de l’entreprise, il convient également de corriger le passif du même montant afin d’équilibrer les bilans à l’issue de ces retraitements. L’administration ne précise pas le poste de passif concerné qui pourrait, à l’instar de la solution admise pour la revalorisation des titres à la juste valeur, être les fonds propres.

Enfin, l’administration fournit un exemple illustrant le calcul du ratio d’autonomie financière dans le cadre d’une intégration fiscale horizontale (BOI-IS-GPE-20-20 n° 100).

  • Régime applicable aux entreprises autonomes

L’administration apporte dans un nouveau BOFIP (BOI-IS-BASE 35-40-40-20200513) des commentaires sur le régime spécial de déduction des charges financières nettes supportées par les entreprises autonomes.

L’article 45 de la loi de finances pour 2020 a mis en place un mécanisme de déduction automatique des charges financières semblable à la clause de sauvegarde dont peuvent se prévaloir les groupes. Ainsi, lorsque la règle générale aboutit à la non-déduction d’une partie des intérêts, le mécanisme spécial permet, pour les entreprises, leur déduction à hauteur de 75 % de leur montant (article 212 bis VI bis du CGI).

Les entreprises répondant à la définition de l’entreprise autonome sont celles :

- qui ne sont pas membres d’un groupe consolidé par intégration globale ; 

- et qui ne disposent d’aucun établissement situé hors de France, ni d’aucune entreprise associée au sens des quatre premiers alinéas du 4 de l’article 2 de la directive (UE) 2016/1164 du 12 juillet 2016.

Contrairement aux entreprises membres d’un groupe consolidé, les entreprises autonomes qui bénéficient de ce mécanisme de déduction complémentaire ne peuvent bénéficier des mécanismes de report des charges financières nettes non admises en déduction et des capacités de déduction inemployée prévus au VIII de l’article 212 bis du CGI. Elles ne peuvent pas non plus bénéficier du régime spécial de déduction pour les charges financières nettes afférentes à des emprunts utilisés pour financer des projets d’infrastructures publiques à long terme prévu par le IV de l’article 212 bis.

Compte tenu de ces restrictions prévues par la loi, la question s’est posée du caractère optionnel de ce nouveau mécanisme. Les commentaires administratifs viennent clarifier ce point en précisant que le nouveau régime s’applique de plein droit à toute entité qualifiée d’entreprise autonome, sans possibilité pour cette dernière de renoncer à son application.

  • Situations de sous-capitalisation

Peu de modifications sont apportées aux commentaires administratifs relatifs aux situations de sous-capitalisation.

En ce qui concerne la clause de sauvegarde permettant d’éviter l’application du plafond de déduction restreint, à condition que la société apporte la preuve que le ratio d’endettement du groupe consolidé auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d’endettement global au titre de l’exercice considéré, il est précisé que ne sont pas considérés comme des dettes du groupe consolidé ou de l’entreprise les produits constatés d’avance, les impôts différés passifs ainsi que les provisions (BOI-IS-BASE-35-40-20 nos 330 et 350).

Par ailleurs, si le ratio d’endettement de l’entreprise et celui du groupe sont négatifs du fait de l’existence de fonds propres négatifs, la preuve contraire est réputée apportée si le ratio du groupe apparait moins négatif que celui de l’entreprise.

Ces nouvelles précisions sont transposables dans le cadre des groupes fiscaux intégrés (BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 120).

  • Mécanismes de report

Enfin, aucune modification n’est apportée en ce qui concerne les mécanismes de report des charges financières nettes et de la capacité de déduction inemployée (BOI-IS-BASE-35-40-10-30 et BOI-IS-GPE-20-20-110 nos 210 s.). Néanmoins, en ce qui concerne la capacité de déduction inemployée, le BOFIP précise que dans l’hypothèse où l’entreprise dégage un produit financier net au titre d’un exercice donné, le calcul de l’EBITDA fiscal lui permet de se constituer une capacité de déduction inemployée reportable sur les cinq exercices suivants (BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 1). Cette précision figurait déjà dans le BOFIP en consultation publique, mais uniquement au regard du régime des groupes de sociétés (BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 40).

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