Une mise à jour « a minima » du BOFIP intégrant les “quick fixes” TVA

08/12/20

eAlerte TVA

Dans une mise à jour du BOFIP en date du 14 octobre 20201, l’administration fiscale a commenté et apporté certaines précisions sur les mesures “quick fixes” prévues par la directive UE/2018/1919 du 4 décembre 2018 et transposées en droit français par l’article 34 de la loi de finances pour 2020.

Si l’administration fiscale apporte certaines réponses en ligne avec les notes explicatives publiées par la Commission Européenne le 19 décembre 2019, les entreprises devront rester vigilantes car toutes les réponses attendues ne sont pas apportées et des zones d’ombre continueront d’exister.   

1. Sur l’exonération de TVA des livraisons intracommunautaires de biens2

Pour rappel, l’article 262 ter I du CGI permet d’exonérer de TVA les livraisons intracommunautaires de biens expédiés ou transportés par le vendeur, l’acquéreur ou pour leur compte, à des assujettis ou des personnes morales non assujetties agissant en tant que tels et les transferts intracommunautaires assimilés à des livraisons si certaines conditions sont respectées.

Dans la mise à jour de ses commentaires administratifs, l’administration apporte certaines précisions quant aux nouvelles conditions de l’exonération :

Concernant l’obligation pour le fournisseur de détenir le numéro d’identification à la TVA de son client

Concernant la validation du numéro de TVA, la doctrine fiscale n’apporte pas de commentaires sur les modalités pratiques de celle-ci ni sur le niveau de contrôle à mettre en œuvre (récurrence des contrôles, type de documentation à détenir). Cette obligation relève donc de la responsabilité du fournisseur qui doit seul décider du niveau suffisant de contrôle. 

Si au moment de la vente l’acquéreur n’a pas pu fournir son numéro d’identification à la TVA, le fournisseur doit émettre une facture avec de la TVA.

Toutefois, si l’acquéreur peut fournir son numéro de TVA postérieurement à la vente, l’administration prévoit la possibilité pour le fournisseur, d’émettre une facture rectificative. Cependant, l’administration semble limiter cette solution au seul cas où le client agit comme un assujetti à la TVA lors de l’opération et qu’il communique ultérieurement un numéro d’identification la TVA dans l’état de destination. Cette régularisation suppose également qu’il n’existe aucun risque de fraude à la TVA.   

Par ailleurs, si le fournisseur se trouve dans l’impossibilité d’émettre une facture rectificative ou que la correction de la facture devient excessivement difficile, la TVA sera récupérable par le client. La doctrine administrative n’apporte pas de précisions sur ces cas de « rectification impossible de la facture » sauf en ce qui concerne la situation d’un fournisseur qui aurait cessé toute activité. Par ailleurs, la récupération de la TVA ne fait l‘objet de commentaires  que pour les sociétés étrangères éligibles aux procédures de remboursement réservées aux entreprises étrangères non établies en France (c’est-à-dire les sociétés étrangères non immatriculées à la TVA en France et ne déposant pas de déclaration de TVA CA3). 

Concernant l’obligation pour le fournisseur de déclarer correctement les informations requises dans l’état récapitulatif prévu à l’article 289 B du CGI (intégré dans la Déclaration d’Echange des Biens – DEB)

Les commentaires n’apportent pas de précisions sur ce que recouvre concrètement la possibilité (tolérance) pour l’administration de ne pas redresser un manquement à cette obligation lorsque le fournisseur peut « justifier son manquement à la satisfaction des autorités compétentes ». Il est seulement indiqué que le vendeur pourra justifier de son manquement à condition qu’il corrige cette erreur. L’influence de la nature de l’erreur, du contexte du manquement ou de la récidive de l’erreur n’est pas commentée.  

Enfin, l’administration reste silencieuse sur la possibilité d’émettre une facture rectificative avec TVA (et la récupération de cette TVA par le client), si une mention obligatoire de l’état récapitulatif s’avérait être manquante. 

Introduction d’un présomption réfragable justifiant de la réalité de l’expédition ou du transport de la marchandise dans un autre Etat membre

Pour rappel, les nouveaux textes prévoient une présomption réfragable de sortie des biens dans les deux cas suivants :

  • Lorsque la livraison ou le transport est organisé par le fournisseur, celui-ci doit être en possession de deux éléments de preuve non contradictoires, visés dans deux types de listes (documents relatifs à l’expédition ou au transport et divers autres documents), délivrés par deux parties différentes qui sont indépendantes l’une de l’autre.
  • Lorsque l’acquéreur prend en charge le transport ou l’expédition, le vendeur doit en outre être en possession de la déclaration écrite de l’acquéreur attestant que les biens ont été expédiés ou transportés par lui, ou par un tiers pour son compte, comportant un certain nombre de mentions. Cette déclaration, établie sur support papier ou sous format électronique, doit être fournie au fournisseur au plus tard le dixième jour du mois suivant la livraison.

Concernant cette nouvelle présomption de sortie des biens, il convient de souligner l’approche pragmatique de l’administration qui applique une définition large du critère d’indépendance entre les parties : “ La notion de parties indépendantes implique que les opérateurs disposent de personnalités juridiques distinctes. Ainsi, est sans incidence sur le caractère probant des éléments produits la circonstance qu’il existe entre les parties « des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques » au sens de l’article 80 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée”.

Toutefois, consciente des difficultés que peuvent rencontrer les opérateurs pour satisfaire à cette liste documentaire, l’administration confirme la possibilité pour les opérateurs qui ne peuvent bénéficier de cette présomption de produire tout document prouvant cette sortie selon la technique du faisceau d’indices déjà en vigueur avant cette réforme. On peut néanmoins regretter qu’à cette occasion, l’administration n’ait pas pris le soin d’apporter des précisions sur cette partie de sa doctrine en proposant, par exemple, une hiérarchie dans la valeur probante de ces documents et en apportant des exemples concrets de dossiers documentaires satisfaisants.

Enfin, en cas de transport des biens par le client, l’administration fiscale n’apporte quasiment aucune précision (en dehors du format) quant à l’attestation de réception des biens par le client qui fait partie de la présomption de sortie et qui peut aussi être très utile en cas de faisceau d’indices (doctrine antérieure toujours en vigueur).  

2. Sur les ventes en chaîne intracommunautaires

Pour rappel, en cas de ventes en chaine intracommunautaire impliquant une seule expédition avec plusieurs ventes successives, la livraison intracommunautaire exonérée dans l’état membre (EM) de départ est en principe celle effectuée à l’opérateur intermédiaire. Toutefois, à titre de dérogation, la livraison intracommunautaire est attribuée à la livraison effectuée par l’opérateur intermédiaire lorsque ce dernier fournit à son fournisseur son numéro d'identification à la TVA dans l’EM de départ.

L’opérateur intermédiaire sera celui qui organise le transport.

Les commentaires de l’administration reprennent les positions décrites dans les notes explicatives de la Commission européenne.

A cet égard, l’administration confirme également l’articulation entre ce régime de ventes en chaine et la possibilité d’appliquer le régime de simplification TVA en cas d’opération triangulaire afin d’éviter à l’un des opérateurs impliqués dans la chaîne une immatriculation à la TVA dans l’EM d’arrivée des biens (article 258 D du CGI).

Toutefois, certaines questions restent sans réponse. Il en va ainsi de l’application de ce régime lorsqu’un commissionnaire (intermédiaire opaque assimilé à un acheteur-revendeur de biens en application de l’article 256 V du CGI) est impliqué dans la chaine de revente, du traitement TVA à appliquer lorsque le transport est réalisé par le premier ou le dernier de la chaîne, de la possibilité ou non pour un opérateur intermédiaire étranger de s’immatriculer volontairement à la TVA en France (EM de départ) pour seulement bénéficier de la dérogation et donc déclarer une livraison intracommunautaire de biens. 

3. Sur le régime des transferts et ventes de stocks sous contrat de dépôt3

Pour rappel, le régime de simplification permet de ne pas faire application du régime des transferts intracommunautaires des biens en cas de constitution d’un stock déporté dans un autre EM et ainsi d’alléger les obligations déclaratives des opérateurs qui seront dispensés de s’identifier à la TVA dans l’EM de stockage des biens.

Les commentaires de l’administration confirment les conditions requises (en particulier les obligations documentaires dont celle d’émettre une facture proforma lors de l’envoi des biens) pour l’application de ce régime.  

Par ailleurs, la tolérance de 5 % en cas de faibles pertes de biens (permettant de garantir le maintien du régime) est également commentée. Il s’agira des pertes découlant de la nature même des biens (biens périssables), d’un cas fortuit ou par suite d’une autorisation ou d’une instruction des autorités compétentes.  

Enfin, la doctrine fiscale confirme et précise les modalités de bénéfice du régime dans un schéma avec l’intervention d’un commissionnaire. Ainsi, lorsque l’ensemble des conditions d’application du régime des stocks sous contrat de dépôt seront réunies, l’intermédiaire opaque ou «commissionnaire» sera regardé comme l’«assujetti auquel les biens sont destinés à être livrés».  

En revanche, alors que des précisions étaient attendues, l’administration n’a pas donné ou n’a donné que des réponses partielles sur certains points. Ainsi, les opérateurs devront notamment rester vigilants sur l’étendue de la remise en cause du régime de simplification, sur les modalités de stockage des biens en cas de pluralité de contrats de vente en dépôt, ainsi que sur les risques liés à l’éventuelle présence d’un établissement stable (les commentaires sur ce sujet restant très généraux).

***

En conclusion, ces commentaires sont les bienvenus et permettent d’assoir la compréhension des fondamentaux de ces nouveaux régimes. Toutefois, il est regrettable que cet exercice n’ait pas donné lieu à un travail de mise à jour/complément d’informations sur des problématiques connexes et à un exercice d’illustration plus poussé avec des exemples plus concrets.

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José Manuel Moreno

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Avocat, Associé TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

Laurent Poigt

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Avocat, Associé, TVA & Indirect Tax Technology, PwC Société d'Avocats

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