De nouvelles contraintes pour les plateformes en ligne

04/01/21

eAlerte juridique

De nouvelles contraintes pour les plateformes en ligne issues du Règlement (UE) 2019/1150, des lignes directrices de la Commission européenne du 7 décembre 2020, de la loi DDADUE du 3 décembre 2020 et de la loi 2020-1525 d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020

L’économie des plateformes en ligne compte environ 7000 plateformes numériques ou places de marché exerçant des activités dans l'Union européenne. Ces plateformes en ligne semblent vraiment s’inscrire de plus en plus dans le collimateur des réglementations nationales et européennes. La loi DDADUE du 3 décembre 2020, visant à transposer plusieurs réformes importantes en matière économique et financière récemment introduites par la législation de l'Union européenne, complète notamment la liste des pratiques restrictives de concurrence du Code de commerce pour tenir compte des dispositions du Règlement 2019/1150 Platform to Business du 20 juin 2019 (ci-après ‘le Règlement’). Pour information, cette loi DDADU comprend d’autres dispositions en droit économique qui méritent un point d’attention dédié. Nous nous limiterons ici aux principales mesures impactant spécifiquement les plateformes en ligne.

Parallèlement, les lignes directrices de la Commission européenne publiées le 7 décembre 2020 explicitent notamment l’obligation pour les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne et les fournisseurs de moteurs de recherche en ligne d’indiquer aux entreprises utilisatrices et aux utilisateurs de sites internet d’entreprise les principaux paramètres déterminant le classement, et les raisons justifiant l’importance relative de ces paramètres par rapport aux autres paramètres.

Pas simple pour les plateformes en ligne de s’y retrouver dans ce puzzle de réglementations issues du code civil, du code de commerce, du code de la consommation et des réglementations européennes.

Obligations du Règlement Platform to Business précisées et complétées par les lignes directrices de la Commission européenne du 7 décembre 2020

- Pour rappel, le Règlement Platform to Business impose de nombreuses obligations aux fournisseurs (i) de services d'intermédiation en ligne et (ii) de moteurs de recherche en ligne, dans le cadre de leurs relations avec leurs utilisateurs professionnels établis ou ayant leur lieu de résidence dans l'Union européenne et proposant des biens ou des services à des consommateurs situés dans l'Union européenne au moins pour partie de la transaction.

Ces obligations visent notamment :

  • Les informations devant figurer dans les conditions générales des plateformes, les modalités de changement des conditions générales, l’interdiction de modifier rétroactivement les conditions générales ;
  • Les modalités de résiliation ou de suspension des services ;
  • L’accès aux données à caractère personnel ou non ;
  • Les informations générales sur les effets des conditions générales sur la propriété et le contrôle des droits de propriété intellectuelle des entreprises utilisatrices ;
  • Les dispositions relatives à l’accès et au fonctionnement du système interne de traitement des plaintes des utilisateurs de la plateforme et au recours à la médiation…

Selon ce Règlement, les fournisseurs de services d’intermédiation et de moteurs de recherche en ligne doivent également indiquer les principaux paramètres déterminant le classement ainsi que les raisons justifiant l’importance relative de ces paramètres par rapport aux autres paramètres. Ils doivent aussi mentionner toute influence éventuelle d’une rémunération directe ou indirecte sur le classement. 

- Les lignes directrices de la Commission européenne du 7 décembre 2020 précisent et complètent les principales exigences de transparence des classements prévues par le Règlement. La Commission énonce notamment une série de considérations générales :

  • Une approche axée sur les utilisateurs : les fournisseurs doivent fournir les principaux paramètres de classement utilisés, en tenant compte de la nature, de la capacité technique et des besoins des utilisateurs « moyens » d’un service donné, ces paramètres pouvant varier selon les types de services ;
  • Une évaluation individuelle : les fournisseurs doivent déterminer individuellement les mesures qu’ils doivent prendre, et en principe séparément pour chaque service en cas de services multiples d’intermédiation en ligne et/ou de recherche en ligne fournis dans le cadre d’une structure d’entreprise unique, voire d’une interface utilisateur unique. Pour établir l’ensemble des paramètres principaux, les fournisseurs peuvent se fonder sur ce qui a motivé la conception de l’algorithme, par exemple la volonté d’offrir aux consommateurs des biens ou services locaux, bon marché, de qualité élevée… ;
  • Une approche technologiquement neutre : la technologie particulière utilisée dans le cadre du processus de classement n’est pas déterminante ;
  • Un niveau de détail adéquat : la description doit aller au-delà d’une simple énumération des principaux paramètres de classement et comporter des informations explicatives, tout en évitant les descriptions trop longues ou complexes. Par exemple, si la qualité figure parmi l’un des principaux paramètres, il convient de décrire exactement ce qui constitue la « qualité » pour les mécanismes de classement. Dans l’hypothèse d’un paramètre fondé sur une note obtenue, les facteurs pris en considération dans l’attribution de la note méritent d’être précisés ;
  • Le respect des modalités de description et de communication des paramètres de classement, de modification et mise à jour de la description des principaux paramètres …

Prise en compte du Règlement Platform to Business dans le Code de commerce avec la loi DDADUE du 3 décembre 2020

- L’article 9 de la loi DDADUE n°2020-1508 du 3 décembre 2020 assure notamment la mise en conformité du droit français avec le Règlement Platform to Business. Ainsi, l’article L. 442-1 du Code de commerce, relatif aux pratiques restrictives de concurrence, est enrichi et complété d’un point III : toute personne proposant un service d’intermédiation en ligne au sens du Règlement Platform to Business engage sa responsabilité et doit réparer le préjudice causé en cas de non-respect des obligations expressément prévues par ledit Règlement. Il convient de rappeler que les auteurs de pratiques restrictives encourent une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des 3 montants suivants : 5 millions d’euros, le triple du montant des avantages indument perçus ou 5% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

Désormais, les pratiques restrictives de concurrence prohibées par les articles L. 442-1 et suivants du Code de commerce incluent également (i) le non-respect du Règlement Platform to Business depuis la loi DDADUE et (ii) depuis la nouvelle loi 2020-1525 d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020 de nouvelles pratiques restrictives comme notamment le fait d’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels. Pour information, cette loi du 7 décembre 2020 comprend d’autres dispositions en droit économique qui méritent un point d’attention dédié.

- En outre, l’article L. 470-1 du Code de commerce, relatif aux injonctions et sanctions administratives, est complété d’une disposition autorisant les agents de la DGCCRF à enjoindre à tout professionnel de se conformer aux dispositions du Règlement et de cesser tout agissement ou de supprimer toute clause contraire aux dispositions du Règlement.

- Au-delà de la seule prise en compte du Règlement, les pouvoirs de la DGCCRF sont renforcés afin de lutter contre les pratiques restrictives de concurrence. L’article L. 470-1 du Code de commerce prévoit ainsi, pour toute injonction notifiée à raison d’un manquement passible d’une amende civile, la possibilité pour les  agents :

  • D’assortir leur mesure d’une astreinte journalière, ne pouvant excéder 0,1 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos
  • De procéder à la liquidation de l’astreinte en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, sans que le total des sommes ne puisse excéder 1 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes
  • De publier cette injonction sur le site de l’autorité administrative et, au frais de la personne sanctionnée, sur un support habilité à recevoir les annonces légales ainsi que sur tout autre support.

Autres mesures de la loi DDADUE du 3 décembre 2020 impactant les plateformes en ligne dans le Code de la consommation

La loi DDADUE du 3 décembre 2020 prévoit également d’autres mesures impactant spécifiquement les plateformes en ligne.

- La loi DDADUE habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance dans un délai de 14 mois à compter de la publication de la loi pour transposer la directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 (dite directive Omnibus).  

Cette transposition conduira à introduire dans le Code de la consommation plusieurs dispositions visant à une adaptation et meilleure effectivité des règles de protection des consommateurs. S’agissant plus particulièrement des plateformes en ligne, elle visera à imposer aux places de marché des obligations d’information à l’égard des consommateurs, à renforcer la lutte contre les « faux avis » de consommateurs sur les plateformes et à informer les consommateurs sur l’application d’un prix personnalisé à partir d’un algorithme ...

- La loi DDADUE reprend, au sein du Code de la consommation, le règlement (UE) ‘Géoblocage’ 2018/302 du 28 février 2018 qui vise à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur. A ce titre, le nouvel article L. 121-23 du Code de la consommation interdit à tout professionnel de bloquer ou de limiter l’accès d’un consommateur à son interface en ligne, par l’utilisation de mesures technologiques ou autres, pour des motifs liés au lieu de résidence sur le territoire national de ce consommateur. Il lui est également interdit de rediriger, pour de tels motifs, un consommateur vers une version de son interface en ligne différente de celle à laquelle ce dernier a voulu initialement accéder, sauf s’il y a expressément consenti au préalable. La violation de ces dispositions (y compris à l’encontre de consommateurs situés en outre-mer) est sanctionnée d’une amende administrative pouvant atteindre 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.

- La loi DDADUE renforce les pouvoirs de la DGCCRF en matière de lutte contre la fraude en ligne dans le Code de la consommation :

  • En cas de manquement aux règles de protection des consommateurs à partir d’une interface en ligne et lorsque l’auteur de cette pratique ne peut être identifié ou n’a pas déféré à une injonction, l’autorité administrative peut désormais ordonner aux plateformes en ligne d’afficher un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu’ils accèdent au contenu manifestement illicite du site concerné.
  • Lorsque l'infraction de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs est passible d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement, l’autorité administrative peut notamment imposer le déréférencement de son auteur auprès de la plateforme concernée ou encore ordonner aux opérateurs d’enregistrement de domaine de prendre une mesure de blocage temporaire du nom de domaine concerné, voire sa suppression si le manquement persiste.

En synthèse, les plateformes en ligne doivent intégrer les nombreuses incidences du règlement Platform to Business, complétées par les lignes directrices de la Commission européenne du 7 décembre 2020 et suivies en France de la loi DDADUE du 3 décembre 2020 et de la loi 2020-1525 du 7 décembre 2020. Les plateformes en ligne semblent dans le collimateur. A cet égard, la Commission européenne a proposé le 15 décembre 2020 une ambitieuse réforme de l'espace numérique, un ensemble complet de nouvelles règles, qui s'appliqueront à tous les services numériques, notamment les médias sociaux, les places de marché en ligne et d'autres plateformes en lignes actives dans l'Union européenne. Le Digital Market Act et le Digital Services Act définiront ainsi un nouveau cadre de régulation applicable aux plateformes numériques. Pour sa part, l’Autorité de la concurrence fera du numérique une de ses priorités 2021. Elle continuera d’ailleurs à participer activement aux discussions menées au niveau européen sur la régulation du numérique.

Dans l’immédiat et face à cet arsenal juridique, les plateformes en ligne sont tenues de vérifier la conformité de leurs conditions générales, de leur site internet et de leurs pratiques au regard de l'articulation de ces différentes réglementations ainsi que de l'ensemble de la législation applicable (mentions sur le site, réglementation RGPD, droit de la concurrence, obligations sociales, fiscales et TVA…).

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Claire Rey

Claire Rey

Avocat, Senior Manager, PwC Société d'Avocats

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