L’amende de 50 % en cas de défaut de délivrance d’une facture est contraire à la Constitution

31/05/21

eAlerte Fiscale

Dans une décision QPC du 26 mai 2021 (décision n° 2021-908 QPC), le Conseil constitutionnel censure les dispositions du 4ème alinéa de l’article 1737 du CGI pour méconnaissance du principe de proportionnalité des peines. L’abrogation des dispositions contestées est toutefois reportée au 31 décembre 2021.

Le Conseil constitutionnel a été saisi en février dernier par le Conseil d’Etat (CE 24 février 2021, n° 443476) de la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 1737, I, du CGI telles qu’issues de l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, qui sanctionnent d’une amende égale à 50 % du montant de la transaction le fait de ne pas délivrer de facture. En vertu de ces mêmes dispositions, le client est solidairement tenu au paiement de cette amende. Toutefois, lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l‘administration fiscale, la preuve que l’opération a été régulièrement comptabilisée, il encourt une amende réduite à 5 % du montant de la transaction.

Au soutien de son grief selon lequel les dispositions en cause méconnaitraient le principe de proportionnalité des peines, la société faisait notamment valoir le fait que l’amende de 50 %, le cas échéant ramené à 5 %, s’appliquait quand bien même les sommes afférentes à la transaction n’auraient pas été soustraites à la TVA. 

Après avoir rappelé que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il lui incombe en revanche de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue, le Conseil constitutionnel énonce tout d’abord qu’en sanctionnant d'une amende fiscale les manquements aux règles de facturation, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale.

Puis il relève à cet égard  :

  • qu’en l'absence de délivrance d'une facture, le législateur a prévu l'application d'une amende, dont le montant n'est pas plafonné, dont le taux de 50 % est fixe, et qui reste due, alors même que la transaction a été régulièrement comptabilisée, si le fournisseur n'apporte pas la preuve de cette comptabilisation dans les trente jours suivant la mise en demeure de l'administration fiscale ;
  • que le législateur a également prévu l'application d'une amende réduite dont le montant n'est pas non plus plafonné et dont le taux de 5 % est fixe, quand bien même le fournisseur justifierait d'une comptabilisation régulière de la transaction ;
  • que par conséquent les dispositions contestées peuvent donner lieu à une sanction manifestement disproportionnée au regard de la gravité du manquement constaté, comme de l'avantage qui a pu en être retiré.

Il juge donc que si elles poursuivent l'objectif de répression des manquements aux règles relatives à l'établissement des factures, les dispositions contestées méconnaissent le principe de proportionnalité des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel précise toutefois que l’abrogation immédiate des dispositions jugées non conforme entraînerait des conséquences manifestement excessives et qu’il y a lieu de reporter au 31 décembre 2021 la date de leur abrogation. Ainsi, les mesures prises avant cette date en application de l’article 1737, I-3 du CGI ne pourront être contestées sur le fondement de leur inconstitutionnalité.

En retenant une telle date d’effet, le Conseil constitutionnel prive donc les contribuables de la possibilité de contester l’application de cette pénalité, sur ce fondement, dans le cadre notamment des instances en cours. Nul doute que d’ici le 31 décembre 2021 le législateur travaillera à l’élaboration d’un nouveau texte susceptible, cette fois, de passer sans encombre sous les fourches caudines du juge constitutionnel. 

Nous reviendrons plus en détail sur cette décision et sur sa portée dans notre prochain eMag.

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