Projet de loi de finances pour 2022

23/09/21

eAlerte Fiscale

Le projet de loi de finances pour 2022 a été déposé le 22 septembre sur le bureau de l’Assemblée nationale. 

A ce stade, le projet de budget comprend un nombre limité de dispositions fiscales intéressant les entreprises. Nous présentons ci-après les principales mesures de ce projet à l’exception de celles concernant la TVA qui seront commentées dans une prochaine e-alerte. 

Sauf indication contraire, ces nouvelles dispositions s’appliqueraient aux exercices clos à compter du 31 décembre 2021 en matière d’IS et à compter de l’impôt dû au titre de l’année 2021 en matière d’impôt sur le revenu.

Mise en conformité avec le droit de l’UE des retenues à la source applicables aux sociétés non-résidentes (PLF art. 7)

L’article 7 du PLF prévoit plusieurs mesures dont l’objectif est d’assurer la mise en conformité avec le droit de l’UE de différents dispositifs de droit interne récemment jugés contraires aux libertés garanties par le traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) par le Conseil d’Etat.  

En effet, dans une première décision du 22 novembre 2019 (n° 423698, SAEM de gestion du Port-Vauban) le Conseil d’Etat a jugé contraire au principe de libre prestation de services garanti par l’article 56 du TFUE, la retenue à la source de l’article 182 B du CGI, en ce qu’elle n’autorisait pas la prise en compte des frais professionnels supportés par un prestataire non-résident dans l’assiette de la retenue à la source, alors qu’un prestataire établi en France était soumis à l’impôt sur une base nette.

Dans une autre décision en date du 11 mai 2021 (n° 438135, UBS Asset management Life Ltd) le Conseil d’Etat a également jugé que l’impossibilité pour une société d’assurance-vie britannique percevant des dividendes de source française de déduire certaines charges (les provisions techniques) de l’assiette de la retenue à la source de l’article 119 bis, 2 du CGI, était contraire au principe de libre circulation des capitaux.  

Les aménagements envisagés visent donc à permettre de calculer l’assiette des retenues à la source sur une base nette, (c’est-à-dire après déduction des charges) et non plus sur une base brute.

Une prise en compte des frais par le biais d’un abattement forfaitaire pour les revenus soumis à la retenue à la source de l’article 182 B du CGI 

Il serait désormais prévu que les personnes morales et les organismes non-résidents établis dans l’UE ou dans un Etat partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, qui perçoivent des revenus entrant dans le champ de l’article 182 B du CGI bénéficieront d’un abattement forfaitaire de charges de 10 %.

Une prise en compte des frais réels  pour les revenus soumis aux retenues à la source des articles 182 A bis, 182 B et 119 bis, 2

Le projet de texte prévoit également la possibilité pour le bénéficiaire de revenus soumis aux retenues à la source prévues aux articles 182 A bis, 182 B et 119 bis, 2 d’obtenir la restitution de l’imposition prélevée, à hauteur de la différence entre cette imposition et l’imposition calculée à partir d’une base nette des charges d’acquisition et de conservation directement rattachées aux revenus. 

Cette possibilité de restitution serait toutefois soumise à la double condition que les charges en cause soient déductibles si le bénéficiaire était établi en France, et que les règles d’imposition dans l’Etat de résidence du bénéficiaire ne lui permettent pas d’imputer la retenue à la source. 

S’agissant de de la retenue à la source des articles 182 A bis et 182 B du CGI la restitution ne concernerait que les personnes morales et organismes non-résidents établis dans l’UE ou dans l’EEE. 

Pour la retenue à la source de l’article 119 bis, 2 du CGI la restitution concernerait non seulement les personnes morales et organismes non-résidents établis dans l’UE ou dans l’EEE mais également ceux établis dans des Etats situés en dehors de l’UE ou de l’EEE sous réserve que l’Etat ne soit pas non coopératif et que la participation détenue dans la société ou l’organisme distributeur ne permette pas au bénéficiaire de participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de cette société ou de cet organisme. 

Les demandes de restitution devraient être déposées dans le délai de réclamation prévu aux articles R.196-1 et R.196-3 du LPF (c’est-à-dire d’une manière générale au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle du prélèvement de la retenue à la source).  

On notera enfin que l’article 7 du projet de loi prévoit également un aménagement des modalités de mise en œuvre du dispositif de restitution et de report d’imposition temporaire de la retenue à la source pour les entités étrangères déficitaires codifié à l’article 235 quater du CGI. Il est notamment prévu que le délai dans lequel le bénéficiaire des revenus pourra demander la restitution soit désormais celui prévu aux articles R.196-1 et R.196-3 du LPF (et non plus un délai de trois mois suivant la clôture de l’exercice au cours duquel est intervenu le fait générateur de la retenue à la source ou du prélèvement dont la restitution est sollicitée). En outre, les personnes morales ou organismes non-résidents bénéficieraient d’un délai porté à six mois (contre trois mois jusqu’alors) pour déposer annuellement la déclaration faisant apparaître un résultat déficitaire permettant le maintien du report d’imposition. 

L’ensemble de ces dispositions s’appliqueraient aux retenues à la source dont le fait générateur interviendrait à compter du 1er janvier 2022.     

Mesures destinées à favoriser les cessions d’entreprises (PLF art. 5)

Dans le cadre du plan en faveur des travailleurs indépendants, le PLF prévoit de faciliter la reprise d’entreprises au travers des mesures suivantes :

  • Les conditions d’application des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprise lors du départ à la retraite du cédant (CGI art. 151 septies A) ou lorsque la valeur des éléments transmis n’excède pas un certain plafond (CGI art. 238 quindecies) seraient assouplies afin que les deux dispositifs puissent dorénavant s’appliquer à la cession d’une activité mise en location-gérance, y compris lorsque la cession est effectuée au profit d’une personne autre que le locataire-gérant, dans le cas où ce dernier ne reprend pas l’activité et sous réserve que la transmission du fonds soit assortie de la cession de l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité mise en location-gérance.

  • Les plafonds d’exonération prévus par l’article 238 quindecies du CGI seraient augmentés et passeraient ainsi de 300 K€ à 500 K€ pour l’exonération totale, tandis que l’exonération partielle s’appliquerait dorénavant entre 500 K€ et 1 M€ (alors qu’elle s’appliquait précédemment sur une tranche allant de 300 K€ à 500 K€). Pour l’application de ces seuils, serait pris en compte le prix stipulé des éléments transmis, ou leur valeur vénale, augmenté des charges en capital et des indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit.

  • Le dispositif de l’article 238 quindecies serait dorénavant soumis à la règle de minimis, laquelle plafonne les aides relevant de ce cadre à un montant maximum de 200 K€ sur une période glissante de trois exercices fiscaux (règlements UE 1408/2013, 717/2014 et 1407/2013).

  • Le délai de cession prévu par l’article 151 septies A du CGI serait assoupli afin de tenir compte des mesures de restriction sanitaire, notamment les fermetures administratives de certaines entreprises liées à la pandémie de covid-19. Alors qu’il est actuellement prévu que le cédant doit faire valoir ses droits à la retraite dans les 24 mois suivant ou précédant la cession, ce délai serait allongé à 36 mois. Cette mesure s’appliquerait aux entrepreneurs ayant fait valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021. Par cohérence un ajustement similaire serait opéré pour les dirigeants de PME partant à la retraite, au regard de l’abattement fixe de 500.000 euros dont ils peuvent bénéficier jusqu’au 31 décembre 2021, sur les plus-values de cession des titres de la société soumise à l’IS qu’ils dirigent (CGI art. 150-0 D ter). Le délai séparant le départ à la retraite de la cession serait ainsi porté de 24 à 36 mois. Le dispositif serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2024.

Dispositif temporaire d’amortissement fiscal des fonds commerciaux (PLF art. 6)

Le poste « fonds commercial » comprend, aux termes du PCG, les éléments incorporels du fonds de commerce acquis qui ne font pas l’objet d’une évaluation et d’une comptabilisation séparées au bilan et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’entité.

En application de l’article 214-3 du PCG, le fonds commercial ainsi défini est présumé avoir une durée d’utilisation non limitée. Il n’est donc en principe pas amortissable sur le plan comptable. Toutefois, aux termes du même article, la présomption ainsi établie peut être réfutée. Dans ce cas, le fonds commercial est amorti sur sa durée d’utilisation ou, si cette durée ne peut être déterminée de manière fiable, sur 10 ans. Par ailleurs, dans leurs comptes individuels, les petites entreprises peuvent amortir sur 10 ans tous leurs fonds commerciaux, sans avoir à justifier d’une utilisation limitée. Les petites entreprises sont celles ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : total du bilan de 6M€, montant net du chiffre d'affaires de 12 M€ et nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice de 50.

Comme très récemment jugé par le Conseil d’Etat (CE Avis 8 septembre 2021, n° 453458), la loi fiscale est sur ce point déconnectée de la règle comptable, de telle sorte que les amortissements comptabilisés en application de l’article 214-3 du PCG par les petites entreprises ne pouvaient jusqu’ici pas être admis en déduction sur le plan fiscal. 

A titre exceptionnel, et après avoir confirmé le principe général de non-déductibilité fiscale de l’amortissement comptable des fonds commerciaux, le PLFR prévoit la possibilité d’admettre en déduction cet amortissement, pour les fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023. Le projet de texte prévoit également, en corollaire, les conditions dans lesquelles s’articuleraient les provisions pour dépréciation et les amortissements constatés au titre d’un même fonds commercial, de façon à éviter toute double déduction fiscale.

Principales autres mesures

  • Le dispositif de suramortissement des navires propres serait aménagé : le champ des équipements pouvant donner droit à l’application du dispositif serait étendu, les critères relatifs au nombre d’escales ou au temps de navigation dans la zone économique exclusive française seraient supprimés et le montant des coûts d’investissement supplémentaires éligibles serait plafonné à hauteur de 15 M€ ou 10 M€ par navire, selon les sources d’énergies utilisées par les équipements (PLF art. 8).

  • Le dispositif d’exonération d’IS ou d’impôt sur les bénéfices applicable aux sociétés créées entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2021 pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté (CGI art. 44 septies) ne serait pas reconduit. Il en serait de même des exonérations correspondantes de taxes locales (CFE, CVAE, et taxe foncière sur les propriétés bâties). Les entreprises qui y étaient déjà éligibles continueraient à bénéficier de ces exonérations pour leur durée restant à courir (PLF art. 10).

  • Le crédit d’impôt en faveur de la formation des dirigeants (CGI art. 244 quater M) serait doublé pour les microentreprises (moins de dix salariés et chiffre d’affaires ou total du bilan annuel ne dépassant pas 2 M€). Ces dispositions s’appliqueraient aux heures de formation effectuées à compter du 1er janvier 2022. Le montant du crédit d’impôt serait en outre encadré par la règle de minimis (règlements UE précités) (PLF art. 5).

  • Une nouvelle taxe serait mise à la charge des opérateurs de plateforme de mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport. Cette taxe aurait pour objet de financer la nouvelle Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Cette taxe s’appliquerait à compter de l’année 2022 (PLF art. 32).

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Emmanuel Raingeard de la Blétière

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Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Philippe Durand

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