La réforme du droit des sûretés est adoptée !

20/09/21

eAlerte Juridique

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 vient réformer le droit français des sûretés. L’objectif de cette réforme était de simplifier et de moderniser le droit des sûretés toujours dans le souci de renforcer l’attractivité du droit français. Cette réforme touche tant les sûretés personnelles (le cautionnement) que les sûretés réelles.

Même si on aurait aimé qu’elle soit d’une plus grande ampleur, cette réforme modifie assez substantiellement le droit des sûretés. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2022 (s’appliquant à toutes les sûretés consenties à partir de cette date).

Tout d’abord, le régime du cautionnement est revu en profondeur. Concernant la formation du contrat, le régime de la mention devant être apposée par la caution personne physique est unifié et inséré dans le Code civil, bénéficiant d’ailleurs à toutes les cautions personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier avec lequel elles contractent. Disparaissent ainsi toutes les dispositions spéciales du Code de la consommation. La mention n’étant plus nécessairement manuscrite, ce type de cautionnement pourra être conclu par voie électronique. L’obligation d’information annuelle qui pèse sur le créancier professionnel à l’égard de la caution personne physique est aussi unifiée et intégrée dans le Code civil.

En outre, le principe de proportionnalité du cautionnement (par rapport aux ressources de la caution) qui bénéficie à la caution personne physique qui contracte avec un créancier professionnel est retouché et intégré dans le Code civil, puisque si ce cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date. Le devoir de mise en garde qui s’applique également dans les relations entre créancier professionnel et caution personne physique parties contractantes voit, quant à lui, son domaine se rétrécir (même si est abandonnée la distinction entre caution avertie et non avertie), puisqu’il ne porte plus que sur l’inadaptation de l’engagement du débiteur principal à ses capacités financières.

Autre innovation, la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette, à l'exception de l'incapacité. Ce texte modifie le droit positif en application duquel la caution ne pouvait opposer que les exceptions inhérentes à la dette, cette notion ayant été d’ailleurs été interprétée de manière restrictive. Cette modification est toutefois conforme au caractère accessoire du cautionnement et à l'économie de l'opération. En revanche, les exceptions liées à la défaillance ou à l’insolvabilité du débiteur sont en principe inopposables par la caution, car le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance ou une telle insolvabilité.

D’autres mesures codifient certaines solutions jurisprudentielles, notamment en ce qui concerne le maintien de l’obligation de règlement et l’extinction de l’obligation de couverture en cas de décès de la caution, ou en cas de fusion-absorption du créancier ou de la caution personne morale, tandis que la solution du maintien de l’engagement de la caution en cas d’absorption de la caution est consacrée par le nouveau dispositif légal. On le voit le régime du cautionnement est substantiellement modifié, par un nombre important de nouvelles mesures qu’il est impossible de lister en intégralité ici.

Les sûretés réelles ne sont pas en reste, même si les modifications qui s’y appliquent sont un peu en deçà de qu’on pouvait attendre. La définition légale de la sûreté réelle intègre à présent les sûretés-propriétés, puisque sont visées toutes les sûretés qui confèrent un droit de préférence ou un droit exclusif sur le bien affecté en garantie. Le régime des privilèges mobiliers subit un toilettage, tandis que les privilèges immobiliers sont transformés en hypothèques légales.

Le droit du gage est quant à lui retouché. Il peut à présent porter sur des immeubles par destination, tandis que le régime du gage de choses fongibles (avec ou sans dépossession) est modernisé notamment en ce qui concerne la faculté d’aliéner les choses affectées en gage. Le gage sur véhicule automobile est intégré dans le giron du gage de droit commun, mais avec une mesure de publicité spécifique. Par ailleurs, diverses sûretés spéciales visées dans le Code de commerce sont abrogées : le gage commercial, le warrant hôtelier et le warrant pétrolier, le nantissement (le gage) d’outillage et de matériel d'équipement ainsi que le gage de stocks. En effet, le gage de droit commun répond parfaitement aux besoins de la pratique, de sorte que le maintien de ces suretés spéciales ne se justifiait plus. Il en résulte sur ce point une simplification importante du droit des sûretés.

Le nantissement de créance subit aussi quelques modifications : possibilité de nantissements successifs, droit à récupérer les sommes objets de la créance nantie qui auraient été versées dans de mauvaises mains, octroi d’un droit de rétention au créancier nanti, possibilité pour le constituant de continuer avec l’accord du créancier nanti à encaisser les sommes de la créance nantie après notification du nantissement au débiteur de la créance nantie, régime des exceptions opposables par le débiteur de la créance nantie au créancier nanti, création d’un compte bancaire à affectation spéciale lorsque le créancier nanti encaisse les sommes de la créance nantie avant l’échéance de la créance garantie.

Les sûretés immobilières subissent aussi des modifications, en particulier concernant le régime de l’hypothèque : possibilité d’une hypothèque sur un bien immobilier futur, modernisation des dispositions relatives à la réalisation de l’hypothèque.

Est précisé également le régime des sûretés réelle pour autrui qui se voit appliquer certaines des dispositions du cautionnement, marquant par la spécificité que cette sûreté est consentie pour garantir la dette d’autrui.

Enfin sont concernées les sûretés-propriétés. En matière de réserve de propriété, le nouveau texte prévoit que le sous-acquéreur pourra opposer au vendeur réservataire les exceptions inhérentes à la dette ainsi que les exceptions nées de ses rapports avec le débiteur avant qu'il n’ait eu connaissance du report du droit de propriété du vendeur réservataire sur la créance de prix de revente. Pour la fiducie-sûreté, il est expressément prévu que la fiducie peut garantir des dettes futures qui doivent alors être déterminable, tandis qu’est supprimée l’obligation d’évaluer les biens qui sont transférés dans le patrimoine fiduciaire.

Surtout sont créées deux nouvelles sûretés-propriétés : la cession de créance de droit commun à titre de garantie (hors fiducie-sûreté) et le gage-espèces qui correspond au transfert de la propriété d’une somme d’argent à titre de garantie entre les mains du créancier (ce transfert se fait là aussi hors fiducie-sûreté). Ces cessions de créance et de somme d’argent à titre de garantie sont plus simples à mettre en place qu’une fiducie-sûreté (absence d’un fiduciaire professionnel, pas de patrimoine d’affectation) et devraient être souvent utilisées en pratique.

On le voit cette réforme touche l’ensemble des sûretés et les praticiens devront rapidement se familiariser avec ces nouvelles dispositions qui offrent de nouvelles possibilités pour sécuriser le paiement de leurs créances. 

En synthèse, voici les principaux points :

  • Refonte du régime du cautionnement ; 
  • Protection du constituant d’une sûreté réelle pour autrui ; 
  • Disparition des gages spéciaux et renforcement du gage de droit commun (notamment le gage de choses fongibles) ;  
  • Renforcement du régime du nantissement de créance ; 
  • Création de deux nouvelles sûretés-propriétés (la cession de créance de droit commun à titre de garantie et le gage-espèces) qui devraient, au moins pour la première, être très utilisées en pratique (plus simple que la constitution d’une fiducie-sûreté). 

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Frédéric Danos

Frédéric Danos

Professeur des universités en droit privé, Of Counsel, PwC Société d'Avocats

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