Pilier 1 : Lancement effectif de la phase de mise en œuvre

16/02/22

eAlerte Fiscale

Le 4 février 2022, avec la publication d’un premier projet de « Règles types » pour commentaires du public[1] , l’OCDE inaugure le processus de mise en œuvre effective du Pilier 1, lequel devra, selon un calendrier exigeant mais confirmé, s’appliquer dès 2023, tout comme le Pilier 2.

Contexte

Pour mémoire, une Déclaration d’octobre 2021, par laquelle 137 pays[2] adhèrent à un ambitieux projet de réforme des règles fiscales internationales, a marqué l’aboutissement de réflexions initiées par l’OCDE dès 2015 sur les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie. La solution retenue repose sur deux piliers, d’une part, la création et l’attribution aux juridictions dites « de marché » de nouveaux droits d’imposer une partie des profits des plus grands groupes multinationaux (Pilier 1 en ses « Montants A et B »), et d’autre part, l’instauration d’un niveau d’imposition minimum mondial (Pilier 2 dans ses deux composantes : les règles « GloBE » et de l’assujettissement « RAI »).

Après plusieurs évolutions depuis 2015, la Déclaration de 2021 fixait finalement le périmètre définitif des entreprises concernés par le Pilier 1 :

  • Groupes réalisant un chiffre d’affaires annuel consolidé supérieur à 20 Mld € ; ET
  • Générant un bénéfice consolidé avant impôts excédant 10% du chiffre d’affaires.

Elle figeait également les modalités générales du Montant A[3], le principal nouveau droit d’imposer, à savoir, le partage avec les juridictions de marché sur lesquelles les groupes « opèrent » d’une portion (25%) de la part de leur profit consolidé excédant ledit taux de 10%.

Processus et premier projet de dispositions effectives

Au-delà d’un simple questionnement du public à caractère exploratoire, le premier projet de Règles types semble constituer une ébauche assez aboutie de ce que seront les nouvelles normes. Il apporte également un cadre au processus devant permettre une application toujours prévue pour 2023.

Sur le processus

Le projet est clairement conçu et présenté comme devant constituer le socle à la fois de la future Convention multilatérale dédiée visant à une mise en œuvre du Pilier 1 élargie, homogène et rapide à l’international, ainsi que des nouvelles dispositions législatives nationales permettant l’application locale des nouvelles normes.

Dans la mesure où le projet de février 2022 se concentre sur les Règles types relatives à l’attribution du nouveau droit d’imposer (« lien » ou « Nexus »), puis à sa répartition (« source du chiffre d’affaires »), de nouvelles propositions de mesures relatives au Montant A[4] sont attendues à court terme, notamment sur :

  • La détermination des bases imposables ;
  • Les règles et mécanismes de réallocation des profits au sein du groupe ;
  • L’élimination de la double imposition et le règlement des différends spécifiques au Pilier 1;

Sur le Nexus et la répartition du nouveau droit d’imposer

Les Règles types qui, assorties de « notes explicatives » devraient former un corpus à caractère contraignant, portent en premier lieu confirmation du critère commandant au Nexus, c’est-à-dire à l’attribution du droit d’imposer, à savoir les juridictions sur lesquelles le groupe considéré génère plus de 1M€ de revenus [5].       

Il est précisé que lesdits revenus s’entendent des recettes tirées des transactions avec les tiers[6], dont les éventuelles problématiques liées à l’actuel libellé en monnaie unique devront être traitées dans le cadre de la future Convention multilatérale.

Quant à la répartition de ce nouveau droit d’imposer entre les différentes juridictions via les règles de la source des revenus, le projet précise et clarifie plusieurs modalités, au premier rang desquelles :

  • La priorisation d’une approche transactionnelle, où pour une juridiction donnée, le chiffre d’affaires sera catégorisé en fonction de la nature et de la substance économiques de la ou des différentes sources de revenus, ce, indépendamment de la forme juridique apparente[7] ; et
  • Le principe selon lequel l’intégralité des revenus du groupe devra être « sourcé », en sorte qu’une entreprise ne saurait s’abstenir d’allouer une catégorie de chiffre d’affaires au motif qu’aucun critère ou indicateur pertinents et « fiables » n’auraient été identifiés. Cette disposition trouve un écho particulier notamment dans les cas où le groupe recourrait à des partenaires locaux ou régionaux indépendants, et disposerait donc de facto d’une information très limitée quant à la répartition effective des débouchés de ses produits et services.

Ces principes centraux étant posés, le projet nous semble établir à ce stade une hiérarchie des Règles types en établissant, dans un premier temps, une liste de différents critères d’allocation applicables à 8 catégories différentes de revenus. Dans un second temps, et si les indicateurs préétablis se trouvaient inapplicables[8], les contribuables pourraient recourir à des indicateurs transactionnels suffisamment « fiables » qu’ils auraient élaborés, ou à défaut et en dernier recours, à des clés de répartition globales.

Par ailleurs, l’étendue même de la liste des catégories et sous-catégories de revenus proposées, ainsi que le nombre correspondant des critères d’allocation nous semblent témoigner de la force de l’accent mis sur l’approche transactionnelle. Sont ainsi notamment couverts : les ventes de produits finis, de produits digitaux, de composants, un large panel de services traditionnels, dématérialisés, ou de financement, l’usage ou la disposition d’actifs incorporels, l’immobilier, les subventions publiques …  

En conclusion, même si certaines mesures proposées tendent à une simplification du nouveau dispositif, notamment la règle « du principal et de l’accessoire »[9] en cas de pluralité de transactions économiquement liées, ou encore la proposition d’une approche dite systémique en matière de compliance[10], d’aucuns pourraient s’interroger à ce stade sur l’atteinte de l’objectif affiché de limitation de la charge administrative et des coûts de mise en œuvre, notamment liés aux systèmes d’information, qui pèsent sur les entreprises.

Par ailleurs, certains facteurs et circonstances tels que la pluralité de revenus catégoriels pas forcément liés au sein d’un même groupe, ou le recours à des critères de répartition hors de la liste proposée, semble conférer une importance toute particulière aux mécanismes de résolution des différents et d’élimination de la double-imposition qui restent à préciser.       


[1] Les commentaires du public sur ce premier jeu de dispositions sont attendues pour le 18 février 2022, un délai extrêmement contraint.

[2] « Cadre inclusif OCDE » / G20

[3] Le Montant B consiste en une rentabilité minimum attribuée aux activités de distribution et de marketing locales, lequel est indépendant des profits consolidés du groupe.

[4] Les règles relatives au Montant B sont développées indépendamment et devraient également être publiées à court terme.

[5] Seuil rabaissé à 250K€ pour les pays au PIB inférieur à 40 Mlds €

[6] Après exclusion du chiffre d’affaires éventuellement tiré des activités financières réglementées ou des industries extractives.

[7] Ainsi et notamment le fait générateur et la proportion du revenu alloué ne se réduira pas à la seule facturation, mais devra bien refléter d’autres critères tenant au lieu effectif d’utilisation / consommation. 

[8] Impossibilité de réunir une information « fiable », catégories non listées …

[9] Dites « transactions supplémentaires » et notion de « caractère prédominant » dans le projet.

[10] Documentation des mesures de contrôle interne prises pour une application adéquate et constante des critères d’allocation, plutôt que l’obligation de constitution et de conservation de données comptables transactionnelles détaillées. 

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