Absence d’unanimité sur la proposition de directive mettant en œuvre Pilier 2 (Conseil Ecofin 5 avril 2022)

05/04/22

eAlerte Fiscale

Le 5 avril 2022, le Conseil Ecofin s’est réuni pour adopter une orientation générale sur la proposition de directive mettant en œuvre Pilier 2. 26 Etats membres se sont prononcés en faveur d’une adoption mais la Pologne s’y est opposée.

Le Coreper, organe chargé de la préparation des travaux du Conseil,  dans un document du 2 avril 2022 (https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-7709-2022-INIT/fr/pdf) avait prévenu : deux Etats membres n’avaient pas encore accepté le texte de compromis de la présidence française en date du 28 mars 2022 (dernière version publiée : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-7495-2022-INIT/en/pdf).

Pour mémoire, des concessions significatives avaient déjà été consenties mi-mars :

  • La modification la plus significative qui a permis d'obtenir l'adhésion de plusieurs Etats membres (sans susciter d'opposition) est la date de mise en œuvre des règles qui s'appliqueraient, dans la plupart des cas, en 2024 (voir notre e-alert du 15 mars pour plus de détails).  
  • Les Etats membres n'ayant pas plus de 10 entités mères ultimes (UPE) entrant dans le champ d'application de cette directive sur leur territoire disposaient d'un délai supplémentaire de 3 ou 5 ans. Lors du Conseil Ecofin du 5 avril 2022, Bruno Le Maire a fait part de deux différences : le délai supplémentaire serait accordé aux Etats membres n’ayant pas plus de 12 UPE sur leur territoire et la période transitoire serait fixée à 6 ans.

Concernant ce délai supplémentaire, un Etat membre souhaitait obtenir des clarifications techniques sur les obligations qui lui incomberaient s’il mettait en œuvre une telle option. Pour répondre à ces préoccupations, un nouveau considérant serait introduit dans la directive, ainsi qu’une modification de l’article 47 bis (lequel prévoit cette option). La Commission s’est aussi engagée à aider les Etats membres dans le cadre des travaux de transposition.

Le seul blocage qui apparaissait ne pouvoir être résolu aisément résidait dans l’exigence par la Pologne d’un lien contraignant conditionnant l’entrée en vigueur de Pilier 2 à celle de Pilier 1. Une telle demande posait des difficultés juridiques et n’était pas acceptable pour une majorité d’Etats membres.

La présidence française avait déjà proposé d’accompagner l’accord sur le projet de directive d’une déclaration du Conseil, confirmant l’implication de tous les Etats membres dans les discussions en cours au sein du Cadre inclusif concernant le Pilier 1, dans le respect du calendrier de mise en œuvre approuvé en octobre 2021 et appelant les autres Etats au respect de cet engagement.

Cette déclaration politique a été jugée insuffisante par la Pologne qui a dès lors bloqué l’adoption de ce texte.

On scrutera la réaction de l’Union européenne , des Etats membres (certains tenteront-ils de faire cavalier seul ?) et des autres Etats (décaleront-ils eux aussi la mise en œuvre du Pilier 2 ?). A ce stade, lors de la conférence de presse, Bruno Le Maire a déjà annoncé qu’un nouveau débat aurait lieu au prochain Conseil Ecofin prévu le 24 mai. Aucun « plan B » ne semble, pour le moment, sur la table au niveau de l’Union même si des pistes constitutionnelles existent pour contourner l’écueil de l’unanimité (par exemple le recours à la procédure de coopération renforcée ou celui de la « clause passerelle » ; interrogé sur l’emploi de ce dernier mécanisme, on notera que le commissaire européen Valdis Dombrovskis ne l’a pas définitivement écarté). Quoi qu'il en soit, les groupes devront être attentifs aux évolutions législatives dans les pays tiers afin de s’assurer qu’ils ne tombent pas dans le champ d’application de leur règle d’inclusion des revenus dès 2023.

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Emmanuel Raingeard de la Blétière

Emmanuel Raingeard de la Blétière

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Delphine Bocquet

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Jérôme Leroux

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