Accord européen sur la nouvelle directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive)

30/06/22

eAlerte ESG

Le 21 juin dernier, le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne ont trouvé un accord sur la nouvelle directive relative aux informations extra-financières qui doivent être fournies par les entreprises. Par le biais de ce nouveau texte sur le reporting extra-financier, les entreprises sont appelées à devenir des acteurs d’une politique sociale et environnementale responsable.

Le député européen Pascal Durand, qui a mené les négociations pour le Parlement sur la directive « Corporate Sustainability Reporting Directive » (dite CSRD) a indiqué que « désormais, il sera tout aussi important d'avoir un bilan irréprochable en matière de droits de l'homme que d'avoir un bilan (comptable) irréprochable ».

C’est dans ce contexte que la Commission européenne a publié le 21 avril 2021 une proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité. Cette directive CSRD est destinée à remplacer la directive 2014/95/UE sur les informations non financières dite « Non Financial Reporting Directive » (NFRD).

Cette proposition de directive vise à combler les lacunes des règles existantes en matière de d’informations extra-financières.

L’état du droit antérieur

La Directive Européenne sur le Reporting Non financier a été adoptée par le Parlement européen en 2014. Elaborée par la Commission européenne, elle vise à favoriser la transition vers une économie mondiale durable, tenant compte de la justice sociale et de la protection de l'environnement.

En application de cette directive, les sociétés concernées devaient présenter dans leur déclaration une description du modèle commercial de l'entreprise, leur politique sociale et environnementale, les principaux risques liés à ces domaines, ou encore des indicateurs de performance.

Cette directive s’appliquait aux entités d'intérêt public de plus de 500 salariés et laissait les Etats membres de l'Union européenne libres d'étendre son champ d'application à d'autres sociétés.

Le calendrier

Le projet actuel de directive prévoit une première application à compter du 1er janvier 2024 sur l’exercice 2023 (avec un délai supplémentaire de 3 ans pour les PME).

La proposition devrait être modifiée pour prévoir un report d’un an pour son entrée en application : la future directive serait ainsi applicable pour la première fois à compter du 1er janvier 2025 pour l’exercice 2024, avec un échelonnement possible selon les types d’entreprises.

L’application de la directive se fera en trois étapes :

  • dans un premier temps à partir du 1er janvier 2024, elle s’appliquera à toutes les entreprises déjà soumises à la directive sur les rapports non financiers,
  • puis dans un second temps, à partir du 1er janvier 2025 aux grandes entreprises qui ne sont pas actuellement soumises à la directive sur les rapports non financier,
  • enfin, à partir du 1er janvier 2026, aux PME cotées, les petits établissements de crédit non complexes et les entreprises d’assurances captives. 

La proposition de directive CSRD devrait être adopté au cours du deuxième trimestre 2022 à l’issue de la procédure de trilogue au cours de laquelle le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne s’accorderont sur un texte commun. Une fois adoptée, la directive devra encore être transposée dans les différents droits nationaux des Etats membres de l’Union européenne.

Le texte de la directive devrait être voté le 29 juin par les Etats membres de l'Union européenne et le 30 juin par la commission des affaires juridiques au Parlement européen.

L’objet de la directive « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD)

La directive CSRD a pour vocation d’imposer aux entreprises européennes un reporting extra-financier précis et complet à insérer dans un rapport à publier annuellement. Ce rapport extra-financier, tel que prévu par la nouvelle directive, a pour but de permettre d’améliorer la diffusion et la communication, la fiabilité et la qualité des informations environnementales, sociétales et de gouvernance de l’entreprise.

Ce rapport doit intégrer les critères ESG (Environnement, Social et de bonne Gouvernance) dans le cadre de la présentation de leur performance extra-financière et présenter les informations nécessaires à la compréhension des incidences de l'entreprise sur les questions de « durabilité », terme un peu obscur qui apprécie les conséquences des décisions prises par l’entreprise au regard des enjeux sociaux au sens large (notamment en ce qui concerne les droits de l’homme et les mesures en faveur de l’égalité et de la non-discrimination), environnementaux  et de gouvernance.

L’article 1er, paragraphe 1 de la proposition de directive prévoit ainsi l’obligation d’inclure dans le rapport de gestion ou le rapport sur le gouvernement d’entreprise une déclaration comprenant des informations nécessaires à la compréhension de l'évolution de l’activité, des performances, de la situation de l'entreprise et des incidences de son activité, relatives au moins aux questions environnementales, aux questions sociales et de personnel, de respect des droits de l'homme et de lutte contre la corruption, y compris :

  • une brève description du modèle commercial de l'entreprise ;
  • une description des politiques appliquées par l'entreprise en ce qui concerne ces questions, y compris les procédures de diligence raisonnable mises en œuvre ;
  • les résultats de ces politiques ;
  • les principaux risques liés à ces questions en rapport avec les activités de l'entreprise, y compris, lorsque cela s'avère pertinent et proportionné, les relations d'affaires, les produits ou les services de l'entreprise, qui sont susceptibles d'entraîner des incidences négatives dans ces domaines, et la manière dont l'entreprise gère ces risques ;
  • les indicateurs clés de performance de nature non financière concernant les activités en question.

Et en l’absence de tels politiques, une explication claire et motivée des raisons le justifiant.

La directive prévoit aussi que les États membres pourront limiter cette obligation de communication dans des cas exceptionnels où, de l'avis dûment motivé des membres des organes d'administration, de gestion et de surveillance, la communication de ces informations nuirait gravement à la position commerciale de l'entreprise.

Le paragraphe 3 de l’article 1er de la directive prévoit un mécanisme d’exemption pour les filiales des entreprises comprises dans le rapport consolidé de gestion ou le rapport distinct d'une autre entreprise.

Concrètement, la directive CSRD permet de mieux évaluer et d’améliorer la communication des performances non financières de l’activité ou des activités d’une entreprise, dans l’optique d’entamer une transition écologique et sociale responsable.

Le champ d’application de la directive « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD)

Les entités concernées par cette obligation de transparence, sont celles remplissant deux des trois critères suivants :

  • avoir un bilan de 20 millions d’euros,
  • réaliser 40 millions d’euros de chiffre d’affaires,
  • employer au moins 250 salariés.

Cela prend également en considération les entreprises cotées sur le marché européen.

A ce jour, près de 50 000 entreprises seront concernées par cette nouvelle obligation d’information extra-financière.

Par ailleurs, les PME non cotées pourront aussi publier ces mêmes informations sur la base du volontariat.

Cependant, la Commission souhaiterait adopter des normes distinctes et « proportionnées » pour les PME dépassant deux des trois critères suivants :

  • un bilan de 4 millions d’euros,
  • un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros,
  • un effectif de 50 salariés.

Les obligations de transparence de cette directive CSRD s’imposeront aussi aux entreprises étrangères qui exercent une activité en Europe. Point important, les informations fournies par les entreprises concernant l'impact sur le climat ou les droits de l'homme feront l'objet d'un audit et d'une certification indépendants.

Enfin, cette directive répond à une nouvelle priorité stratégique des acteurs du private equity, qui selon une récente étude, se déclarent à près de 95 % « très concernées par les questions de gouvernance spécifiques comme l'éthique, les valeurs et la culture d'entreprise, la prévention de la corruption ou encore la cybersécurité et la protection des données » et confirment que les sujets d’Environnement, Sociétaux et de Gouvernance (ESG) sont désormais abordés plus d'une fois par an en conseil d’administration chez 56 % des sociétés de capital-investissement[1].

Avec cette directive, les sociétés – et plus largement les entreprises – ne sont plus des groupements uniquement tournés vers la réalisation de bénéfices à partager entre leurs actionnaires ou leurs membres, mais des personnes juridiques responsables qui prennent en considération les enjeux majeurs de la Société en général. Ou comment l’intérêt social d’une « entreprise » dépasse les intérêts particuliers de ses membres pour placer son ou ses activités dans le sillage de l’intérêt général et du bien commun.


[1]  Private Equity Responsible Investment 2021 – Etude PwC

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Frédéric Danos

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Professeur des universités en droit privé, Of Counsel, PwC Société d'Avocats

Lionel Yemal

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Avocat, PwC Société d'Avocats

Fabien Radisic

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Avocat, Associé, ESG Leader, PwC Société d'Avocats

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