Des obligations renforcées pour les professionnels dans les contrats de consommation par la loi du 16 août 2022

17/10/22

eAlerte Juridique

Dans quel contexte la loi du 16 août 2022 sur le pouvoir d’achat s’inscrit-elle ?

C’est dans un contexte d’inflation inédit qu’ont été adoptées des mesures d’urgence, retranscrites au sein de la loi n°2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (ci-après la « Loi »). Cette Loi est entrée en vigueur le 18 août 2022, à l’exception de certains points spécifiques qui s’appliqueront à compter de 2023.

Formant un « paquet pouvoir d’achat » avec la loi de finances rectificative 2022, la Loi s’articule autour de trois axes principaux en vue de répondre aux enjeux actuels :

1.       La protection du niveau de vie des français ;

2.      La souveraineté énergétique ; et

3.      Le renforcement de la protection des consommateurs dans le  cadre de leurs relations contractuelles avec des professionnels

S’agissant de ce dernier axe relatif au renforcement de la protection des consommateurs, l’adoption de ces nouvelles dispositions aura un fort impact en pratique pour de nombreux contrats conclus par les professionnels avec des consommateurs.

Quelles sont les principales mesures visant à renforcer la protection des consommateurs ?

I - Une résiliation des contrats facilitée pour les consommateurs

a.  La possibilité de résiliation en ligne des contrats de consommation

  • Contexte : Afin de restituer indirectement du pouvoir d’achat aux consommateurs en période de forte inflation et de répondre aux difficultés pratiques faisant obstacle à la résiliation de certains contrats, il est apparu nécessaire de permettre aux consommateurs de résilier plus facilement leurs contrats et de choisir ainsi ceux dans le cadre desquels ils souhaitent utilement s’engager.
  • Nouvelle règle : Les professionnels, offrant aux consommateurs la possibilité de conclure des contrats par voie électronique, doivent désormais leur permettre de procéder à une résiliation en ligne de leur contrat. Sont visés les contrats conclus par voie électronique ainsi que ceux conclus par un autre moyen dès lors que le professionnel, au jour de la résiliation par le consommateur, offre plus largement la possibilité aux consommateurs de conclure des contrats par voie électronique.

Ainsi, les professionnels devront mettre à la disposition des consommateurs une fonctionnalité gratuite permettant d’accomplir, par voie électronique, la notification et les démarches nécessaires à la résiliation du contrat. Les professionnels seront tenus de garantir un accès facile, direct et permanent à cette nouvelle fonctionnalité. En pratique, une fois ce « bouton résiliation » actionné par le consommateur, le professionnel devra en accuser réception et sera tenu de l’informer, dans un délai raisonnable, de la date de fin du contrat et des effets d’une telle résiliation. Tout manquement à cette nouvelle disposition est passible d’une amende administrative pouvant atteindre 75 000 euros pour une personne morale.

Un décret viendra préciser les conditions d’application de cette nouvelle obligation, ainsi que sa date d’entrée en vigueur qui interviendra au plus tard le 1er juin 2023.

  • Actions recommandées : La mise en place de cette nouvelle fonctionnalité s’imposera à l’ensemble des professionnels proposant la conclusion de contrats de consommation par voie électronique, tous secteurs confondus et indépendamment du fait que le consommateur concerné ait ou non effectivement conclu le contrat par voie électronique. Un dispositif similaire est prévu pour les contrats d’assurance couvrant les particuliers en dehors de leur activité professionnelle.

Afin de se conformer pleinement à cette nouvelle obligation, il apparaît notamment nécessaire que la présence de ce « bouton résiliation » se retrouve tant sur le site Internet du professionnel que sur son application mobile. Les entreprises devront également veiller à assurer la gratuité du recours à une telle fonctionnalité. Aucune rémunération – y compris de manière indirecte à travers la souscription d’une option supplémentaire – ne saurait ainsi être perçue par le professionnel.

b.  Des frais de résiliation anticipée réduits en matière de téléphonie et d’accès à Internet

  • Contexte : Lorsque la souscription à un contrat de service de communication électronique (i.e. abonnements Internet et téléphonie fixe et/ou mobile) est soumise à une période d’engagement supérieure à 12 mois, le consommateur peut valablement y mettre un terme par anticipation dès la fin du douzième mois. Néanmoins, sous l’empire du droit antérieur, le consommateur à l’origine d’une résiliation anticipée pouvait être redevable d’un montant maximal correspondant à 25% des mensualités restant dues pour la période restant à courir jusqu’à la fin de la durée d’engagement.
  • Nouvelle règle : La Loi limite l’application des frais de résiliation aux seuls contrats ayant permis aux consommateurs d’acquérir un « terminal subventionné » (i.e. un téléphone mobile) et les plafonne désormais à 20% des mensualités restant dues. En conséquence, aucun frais de résiliation anticipée ne pourra être réclamé aux consommateurs pour tout autre contrat.

Par ailleurs, un consommateur ayant formé une demande de traitement de sa situation de surendettement jugée recevable sera en droit de résilier à tout moment et sans frais un abonnement téléphonique ou Internet.

Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2023.

  •  Actions recommandées : Les entreprises devront, avant la fin de l’année, mettre en conformité les conditions régissant l’ensemble de leurs contrats ainsi que les mentions sur leur site Internet relatives aux frais de résiliation. Par ailleurs, il serait opportun de sensibiliser à ces nouvelles dispositions l’ensemble des opérationnels, notamment les services dédiés à la résiliation ainsi que les services clients.

c.   Des règles spécifiques applicables aux contrats de services de télévision et média audiovisuels à la demande (dits « VàD »)

  • Règle : Par principe, un consommateur peut uniquement résilier un contrat de prestations de services à durée déterminée contenant une clause de tacite reconduction à sa date d’anniversaire, sous réserve que le consommateur ait été préalablement informé de la possibilité de ne pas reconduire le contrat.

La Loi instaure un nouveau tempérament à cette règle concernant les contrats de fourniture de services de télévision ainsi que les contrats de fourniture de services de médias audiovisuels à la demande dits « VàD » (tels que Netflix, Amazon Prime, Apple TV ou encore Disney+). Ainsi, les consommateurs pourront désormais procéder à la résiliation gratuite de ces contrats, à tout moment à compter de la première reconduction, en cas de déménagement ou d’évolution de leur foyer fiscal.

  • Actions recommandées : Les professionnels concernés devront ici encore veiller à mettre leurs conditions générales et autres documents contractuels en conformité avec cette nouvelle mesure.

II - Pratiques commerciales illicites : des moyens de sanction et d’action renforcés

a.  Un alourdissement des sanctions encourues en matière de pratiques commerciales illicites

  • Règle : La Loi instaure deux circonstances aggravantes en cas de pratiques commerciales trompeuses ou agressives. Les sanctions pénales encourues par les professionnels sont alourdies, la peine d’emprisonnement passant de 2 ans à :

- 3 ans en cas de pratique commerciale trompeuse ou agressive ayant abouti à la conclusion d’un ou de plusieurs contrats ; et

- 7 ans en cas de pratique commise en bande organisée.

En outre, la Loi porte de 2 à 3 ans la peine d’emprisonnement encourue en cas de tromperie ou tentative de tromperie intervenue dans le cadre d’un contrat ou d’un acte à titre onéreux.

  • Actions recommandées : Les entreprises sont invitées à vérifier, au regard des pratiques commerciales trompeuses, l’ensemble des mentions/présentation des produits/offres (prix, disponibilité, etc.) figurant sur leur site Internet, application mobile, conditions générales, prospectus ...

b.  Publicité des injonctions prononcées par le Ministre de l’Economie et les agents de la DGCCRF

  • En cas de constat d’infraction au droit de la consommation, les agents de la DGCCRF peuvent enjoindre aux entreprises de se « conformer à leurs obligations » et de « cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite ». Désormais, toutes ces injonctions sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure de publicité aux frais du professionnel mis en cause.
  • Par ailleurs, depuis la loi DDADUE du 3 décembre 2020, la DGCCRF peut émettre des ‘injonctions numériques’ pour les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement d’au moins 2 ans susceptibles de porter atteinte à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs, sous réserve que l’auteur de la pratique n’ait pas pu être identifié ou n’ait pas déféré à une injonction. Le 23 novembre 2021, la DGCCRF a ainsi prononcé pour la première fois une injonction de déréférencement à l’égard d’une plateforme de e-commerce pour non-respect d’une injonction visant à remédier à des manquements relatifs à la sécurité des produits ainsi qu’à la défaillance des procédures de retrait et de rappel.

En cas de constat effectué à partir d’une interface en ligne d’une infraction aux règles relatives notamment à l’obligation précontractuelle d’information, aux pratiques commerciales ou encore aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits, les agents de la DGCCRF peuvent notamment ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne de prendre toute mesure utile pour faire cesser le référencement des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites. 

La Loi renforce le dispositif initialement prévu par la loi DADDUE. En effet, ces injonctions interviendront dorénavant par voie de réquisition et pourront désormais faire l’objet d’une publicité dont les conditions seront prochainement fixées par décret.

  • En outre, au-delà du droit de la consommation, la Loi prévoit que les injonctions prononcées par les agents de la DGCCRF en matière de pratiques restrictives de concurrence ou par le Ministre de l’Economie pour mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles locales peuvent dorénavant faire l’objet d’une mesure de publicité aux frais du professionnel. Surtout, les éventuelles transactions conclues dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles locales entre le Ministre de l’Economie et l’entreprise visée peuvent désormais également faire l’objet d’une mesure de publicité.
  • Ces mesures de publicité renforcent le risque réputationnel susceptible de porter atteinte à l’image des entreprises.

En synthèse, les professionnels doivent d’ores et déjà intégrer les incidences de la loi du 16 août 2022. Une vigilance particulière s’impose dans un contexte de renforcement des pouvoirs de la DGCCRF, d’autant que l’accélération du commerce numérique constitue l’un de ses sujets de préoccupation majeure avec notamment 16 000 contrôles de site internet réalisés en 2021.

Les professionnels sont ainsi tenus d’adapter leurs conditions générales et autres documents contractuels ainsi que les applications mobiles et sites internet. Plus largement, la conformité de leurs pratiques mérite d’être revue au regard de cette nouvelle réglementation et de la législation applicable (réglementation RGPD, droit de la concurrence, obligations sociales, environnementales, fiscales et TVA…).

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Claire Rey

Claire Rey

Avocat, Senior Manager, PwC Société d'Avocats

Déborah Quenton

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Avocat, Associate, PwC Société d'Avocats

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