Négociations commerciales 2023 : points d’attention à destination des professionnels

16/11/22

eAlerte Juridique

Les négociations commerciales pour l’année 2023 débutent officiellement avec la communication des conditions générales de vente au plus tard le 1er décembre 2022. Les fournisseurs et les distributeurs devront ensuite signer « les conventions uniques » au plus tard le 1er mars prochain. Une vigilance particulière s’impose face au renforcement des contrôles de la DGCCRF et des sanctions prononcées. Le 23 juin dernier, le tribunal administratif de Paris a confirmé une amende de plus de 6 millions d’euros pour manquements d’une centrale d’achat européenne à son obligation de signature des conventions uniques avec ses fournisseurs français dans le délai légal. Cette décision confirme si besoin que les sanctions usuelles relatives au contenu des conventions uniques s’accompagnent de lourdes sanctions en cas de non-respect du calendrier légal.

Il est donc très important d’aligner le calendrier des négociations avec les délais légaux et de vérifier la conformité légale des conventions uniques.

I.  Le calendrier des négociations et de signature des conventions uniques

Au-delà du formalisme propre à la rédaction des conventions uniques variant selon les régimes tel que visé au point II, le calendrier légal doit être strictement respecté.

Les conventions uniques, tous régimes confondus, doivent être signées au plus tard le 1er mars de l’année de leur application ou dans les 2 mois du début de la commercialisation de produits ou services soumis à un cycle de commercialisation particulier.

S’agissant des conditions générales de vente (« CGV ») du fournisseur, le délai de communication au distributeur diffère en fonction du régime applicable :

Pour le régime « socle », le fournisseur doit communiquer ses conditions générales de vente dans un délai raisonnable avant le 1er mars ou avant le point de départ de la période de commercialisation pour les produits soumis à un cycle de commercialisation particulier.

Pour les « produits de grande consommation » (« PGC ») et les « produits alimentaires », la date butoir est fixée au 1er décembre.

En 2020, des amendes respectives de 211 000 euros, 1 140 000 euros et 2 931 000 euros ont été respectivement infligées à trois enseignes de la grande distribution pour manquements au calendrier légal. Plus récemment et tel qu’évoqué, le tribunal administratif de Paris a confirmé le 23 juin dernier une sanction de 6 millions d’euros : certaines conventions, conclues par une centrale d’achat européenne avec ses fournisseurs français, n’avaient pas été signées avant le 1er mars de l’année de leur application, étant précisé que les CGV avaient bien été communiquées avant le 1er décembre.

  • Points d’attention : dans ce contexte de renforcement des contrôles et des sanctions, il est recommandé d’organiser les négociations des conventions uniques le plus en amont possible afin de pouvoir respecter le calendrier légal.

Pour rappel, tout manquement aux règles encadrant le formalisme et le calendrier de ces négociations est passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

Les sanctions sont susceptibles de se cumuler en présence de plusieurs manquements, y compris de même nature. Le 25 mars dernier, le Conseil Constitutionnel a validé le cumul de ces amendes administratives au regard des exigences constitutionnelles.

Par conséquent, les agents de la DGCCRF peuvent imposer plusieurs sanctions administratives pécuniaires à un même distributeur ayant violé une même disposition impérative dans le cadre de ses négociations annuelles avec plusieurs de ses fournisseurs.

II.  La conclusion d’une convention unique conforme aux exigences légales

Les fournisseurs et les distributeurs ou prestataires de services doivent formaliser le résultat de leur négociation commerciale dans une convention écritesuivant un cadre formel fixé par le Code de commerce plus ou moins strict selon la nature des produits concernésSi l’on parle communément de « convention annuelle », sa durée peut néanmoins être fixée à 1, 2 ou 3 ans.

a.     Régime « socle »

Les conventions uniques doivent répondre à un formalisme très spécifique. Elles doivent notamment mentionner les éléments suivants :

- Les conditions de l’opération de vente telles que les réductions de prix ;

- Les services de coopération commerciale, par exemple la mise en avant de produits en tête de gondole ou la publicité sur les lieux de vente ;

- Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre les parties, par exemple la fourniture de statistiques de caisse ; et

Les services relevant d’un accord conclu avec une entité internationale liée – directement ou non – au distributeur. Depuis la loi ASAP du 7 décembre 2020, les conventions uniques doivent mentionner les sommes versées par le fournisseur à une entité juridique située en dehors du territoire français et liée au distributeur lorsqu’elles sont rattachables à des produits mis sur le marché au sein d'une surface de vente du distributeur implantée en France. L'administration devrait ainsi pouvoir vérifier plus facilement si ces accords internationaux présentent un caractère disproportionné, voire fictif, au regard des pratiques restrictives de concurrence comme l'avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné et le déséquilibre significatif.

Chacun de ces éléments doit être complété de mentions obligatoires spécifiques prévues légalement. Il existe également des exigences de révision du prix convenu selon la durée de la convention unique.

  • Points d’attention : Les entreprises concernées doivent vérifier la conformité de leurs accords aux exigences réglementaires très formalistes et anticiper les modalités de révision du prix, surtout dans le contexte actuel d’inflation. Une vigilance particulière s’impose lorsqu’il existe des flux financiers avec des sociétés étrangères. Aux termes de son bilan pour l’année 2020, la DGCCRF avait annoncé des contrôles en lien avec le formalisme contractuel imposé en cas de sommes versées par les fournisseurs aux centrales internationales. A titre d’illustration, un acteur de la grande distribution s’est vu infliger une amende de 19,2 millions d’euros en février dernier pour ne pas avoir mentionné dans ses conventions uniques les éléments relatifs aux services de coopération commerciale rendus en France et facturés par ses centrales d’achat internationales.

b.     Régimes spécifiques « PGC » et « alimentaires »

Au-delà du respect des mentions obligatoires issues du socle général, la commercialisation de certains produits spécifiques est soumise à un formalisme plus strict.

i. La convention « produits de grande consommation » ou « PGC »

Des règles spécifiques sont prévues pour les conventions relatives à la distribution des produits de grande consommation. Ces « produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation » visent notamment les produits alimentaires, les produits d’entretien, d’hygiène et de beauté, les piles électriques ....

La convention unique « PGC » doit mentionner des éléments additionnels, notamment le barème des prix unitaires et le chiffre d’affaires prévisionnel. Des informations spécifiques relatives aux nouveaux instruments promotionnels (dits « NIP ») à destination des consommateurs doivent également être prévues.

  • Point d’attention : des règles spécifiques additionnelles s’appliquent pour les conventions uniques portant sur la commercialisation de PGC. L’ensemble des canaux de distribution – et pas seulement les super/hypermarchés – peuvent ainsi être soumis à ce régime particulier. Ce régime additionnel n’est toutefois pas applicable aux grossistes.

ii. La convention « produits alimentaires »

Les produits alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie sont désormais soumis au nouveau régime de convention des « produits alimentaires » issu de la loi Egalim 2 du 18 octobre 2021.

Cette convention est conclue entre le fournisseur et son acheteur, la notion d’acheteur plus large que celle de distributeur incluant par exemple des entreprises du secteur de la restauration hors domicile.

Cette convention ne s’applique pas aux produits exclus par le décret n°2021-1426 du 29 octobre 2021 tels que les fruits et légumes frais, miels naturels, céréales ou encore certaines huiles végétales. Les grossistes sont également exclus du champ d’application de cette convention.

De plus, la négociation commerciale ne doit pas porter sur la part – dans le tarif du fournisseur – du prix des matières premières agricoles (« MPA ») et des produits transformés.

Cette convention « produits alimentaires » doit notamment reprendre les éléments fournis au sein des CGV si le fournisseur a fait le choix d’indiquer au sein de ses CGV l’une deux premières « options de transparence » sur le prix : soit (i) la part de chaque MPA et de chaque produit transformé entrant dans la composition du produit concerné (option 1), soit (ii) la part agrégée des MPA et des produits transformés entrant dans cette même composition (option 2). Il est également possible de prévoir dans les CGV une troisième option faisant intervenir un tiers indépendant chargé de certifier que la négociation n'a pas porté sur la part de l’évolution du tarif du fournisseur du produit qui résulte de celle du prix des MPA ou des produits transformés.

La convention doit également comporter une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation des coûts des MPA.

  • Points d’attention : Lorsque l’acheteur est un distributeur, les obligations issues des régimes « socle » et « PGC » peuvent s’appliquer concomitamment si le produit alimentaire concerné répond en parallèle à la définition des PGC. En conséquence, les trois régimes juridiques (régimes « socle », « PGC » et « produits alimentaires ») peuvent s’appliquer de manière cumulative. Les entreprises doivent donc veiller à bien recenser la nature des produits qu’elles commercialisent en vue de se conformer à l’ensemble des règles applicables.

En synthèse, il est important d’entamer les négociations commerciales 2023 le plus en amont possible. Dans ce cadre, les professionnels concernés doivent veiller à la conformité de leurs pratiques aux exigences légales de calendrier et de contenu de leurs accords.

Il est à noter que, lors de ses contrôles, la DGCCRF vérifie également (i) l’absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, (ii) l’absence d’obtention par l’une des parties d’un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné et (iii) l’absence de pratique abusive, notamment en matière de pénalités logistiques.

La récente enquête de la DGCCRF relative aux pénalités logistiques conduite auprès de 200 fournisseurs a mis en évidence des pratiques abusives de certains distributeurs. Plusieurs enseignes de la grande distribution ont reçu des injonctions administratives de mise en conformité sous peine d’astreintes financières de plusieurs millions d’euros. Le contrôle de la bonne application des dispositions de la loi Egalim 2 représente une priorité d’action de la DGCCRF dans le cadre des négociations commerciales 2023, en particulier dans le contexte actuel d’inflation et de perturbation des chaînes logistiques.

Ainsi, au-delà des contraintes légales relatives aux conventions uniques, les professionnels concernés doivent veiller à l’absence de pratiques abusives ou déséquilibrées également susceptibles d’être lourdement sanctionnées.

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Claire Rey

Claire Rey

Avocat, Senior Manager, PwC Société d'Avocats

Déborah Quenton

Déborah Quenton

Avocat, Associate, PwC Société d'Avocats

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