La réforme du dédouanement en France : le nouveau DELTA Import/Export (I/E)

31/01/23

eAlerte Douane

Le Code des douanes de l’Union (communément appelé « CDU »), entré en vigueur le 1er mai 2016 prévoyait, dès l’origine[1], la mise en œuvre de systèmes d’informations nationaux inter-opérationnels, dont la structure et les données sont établies par l’annexe B du règlement délégué (UE) 2015/2446.

Toutefois, le CDU[2] ainsi que son règlement délégué[3] ont accordé une période transitoire aux Etats-membres afin de développer et d’adapter, d’ici le 31 décembre 2025, leurs systèmes informatiques dans le but de dématérialiser et de faciliter l’échange d’informations entre eux.

Ironiquement, c’est le Royaume-Uni qui, au lendemain de sa sortie de l’Union européenne, a initié la mise en place d’un nouvel environnement informatique relatif aux déclarations d’importation et d’exportation. Ce système dit Customs Declaration Service (« CDS ») a vocation à progressivement remplacer le système de dédouanement HMRC’s Customs Handling of Import and Export Freight (« CHIEF »).

C’est désormais au tour de la France de proposer un nouveau service de dédouanement, DELTA I/E (import/export). Ce service s’imposera graduellement, et remplacera, à terme, l’ensemble des applicatifs de dédouanement existants (DELTA G, ECS BC, DELTA X import et DELTA X export).

Les impacts sur le format des nouvelles déclarations en douane

La nouvelle déclaration en douane sera émise comme un message électronique, et non plus à partir d’un document modèle, comme l’est actuellement le Document Administratif Unique (ci-après « DAU »).

La déclaration en douane suivra une structure commune avec les autres types de déclarations et notifications, dans une optique d’harmonisation avec les autres Etats-membres et afin de faciliter le partage d’informations entre les différents applicatifs douaniers.

Les données seront obligatoires ou facultatives en fonction du type de déclaration ou de marchandise. L’annexe B du règlement délégué 2015/2446 précité prévoit ainsi trois types de données :

  • Les données obligatoires, qui seront exigées par tous les Etats-membres,
  • Les données qui pourront être obligatoires ou facultatives, selon les Etats-membres. Ceux-ci auront donc la possibilité de déterminer si ces données seront exigées, ce qui pourrait amener à une distorsion entre les déclarations en douane selon les Etats-membres. Or, nous comprenons que l’éventuelle distorsion sera limitée, puisque seules des informations mineures sont concernées, telles que le document précédent à l’exportation par exemple.
  • Les données facultatives, et ce pour tous les Etats-membres. Les Etats-membres ne pourront pas exiger leur remplissage par les opérateurs.

Il apparaît ainsi que les éventuels écarts entre les différents Etats Membres devraient notamment concerner le formalisme éventuellement adopté pour les documents en version PDF.

Les opérateurs devront donc s’assurer que les données obligatoires sont correctement renseignées au risque de voir leurs déclarations en douane rejetées ou bloquées.

Ainsi, les 56 cases du DAU telles que les opérateurs les connaissent depuis des années disparaitront afin de laisser place à environ 80 données regroupées par thématiques. Certaines données seront supprimées, d’autres modifiées ou encore créées.

Peuvent être cités en exemples de thématiques les groupes suivants :

  • Groupe 12 sur les références (régime sollicité, régime précédent…),
  • Groupe 13 sur les intervenants (importateur, exportateur, déclarant...),
  • Groupe 14 sur l’évaluation et les impositions (détermination de la valeur en douane, de la valeur statistique, droits dus et modalité de paiement des droits),
  • Groupe 18 sur les marchandises (quantité, description…).

Les avantages avancés par l’Administration des douanes de ce nouveau service de dédouanement

L’Administration des douanes française met en avant plusieurs avantages de cette réforme, notamment :

  • Simplification de l’inscription dans les écritures du déclarant (« IED »)[4], laquelle pourra, par ailleurs, concerner un nombre plus important d’opérateurs;
  • Facilitation de la mise en œuvre effective de certains avantages proposés aux Opérateurs Economiques Agréés (« OEA ») : choix du lieu des contrôles, réception des notifications préalables de contrôle ou informatisation du dédouanement centralisé communautaire. Il conviendra d’attendre plus d’éléments de la part de l’Administration des douanes sur ces sujets et s’assurer qu’il s’agit de réelles avancées ;
  • Un délai de dépôt des demandes de rectification et d’invalidation en mode EDI étendu à trois ans (contre douze mois actuellement) ;
  • La communication des mises sous contrôle aux opérateurs via DELTA I/E.

Il conviendra évidemment d’anticiper au plus vite les contraintes opérationnelles effectives afin de bénéficier des avantages théoriques attendus de cette réforme.

La chronologie de la réforme

Dès le second trimestre 2023, trois téléservices seront mis en service au sein de DELTA I/E : ICS2 pour l’aérien, PNTS, DELTA Import, tandis que DELTA Export sera mis en service en fin d’année 2023.

"source : site internet de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI)"

Les changements à anticiper

Au-delà du nouveau format de déclaration en douane par un envoi électronique d’un jeu de données et d’une nouvelle interface du système de dédouanement, une relation de dédouanement sera mise en place, par bureau de déclaration et liée au SIREN.

De plus, si les informations à renseigner seront globalement similaires, certaines devront faire l’objet d’une attention toute particulière. Il s’agit notamment des informations relatives :

  • aux acteurs du dédouanement. Le déclarant et le représentant seront ainsi clairement distingués, contrairement à la case 14 actuelle du DAU. Il sera possible d’indiquer d’autres acteurs au flux que l’importateur et l’exportateur (tels que l’acheteur ou le vendeur par exemple) ;
  • à la valeur en douane, s’agissant notamment de l’intégration de frais à ajouter ou à déduire par le déclarant ;
  • à la séparation des éléments indiqués en case 44 en plusieurs sous-rubriques (notamment les rubriques 12 02, 12 03, 12 04, 19 09 etc) ;
  • à la possibilité d’indiquer une seule devise par déclaration, rendant impossible la déclaration de plusieurs marchandises sous différentes devises.

Plus que jamais, il conviendra de s’assurer que les instructions transmises par les opérateurs à leurs représentants en douane comprennent l’intégralité des éléments obligatoires à renseigner au sein de la déclaration en douane.

Il s’agira également de vérifier si l’adaptation aux nombreux changements de la réforme impliquera une éventuelle hausse du coût de la déclaration établi par le représentant en douane.

A noter que des changements sont prévus en ce qui concerne les déclarations simplifiées, la fin de la déclaration complémentaire globale (DCG) étant notamment prévue dans ce cadre.

De même, le D48 - procédure qui permet d'effectuer le dédouanement de marchandises en l’absence d’un document qui sera produit ultérieurement - sera probablement amené à disparaître, au profit de la déclaration simplifiée. Néanmoins, cela reste à confirmer par l’Administration des douanes.  

Il convient également de noter que DELTA H7, mis en place récemment et permettant le dédouanement des envois de valeur inférieure à 150€ - notamment dans le cadre du e-commerce -, ne sera pas modifié dans le cadre de cette réforme.

Autres points d’attention

Nous attirons l’attention des opérateurs sur l’importance de vérifier, à l’instar du DAU, la cohérence des informations déclarées pour leur compte par les représentants en douane dans les déclarations déposées. Bien entendu, la dématérialisation de la déclaration ne doit pas faire obstacle à la transmission de celle-ci par le représentant en douane.

Il est également primordial de récupérer la preuve de dédouanement, afin d’être en mesure de démontrer le bénéfice de l’exonération de TVA à l’exportation.

A ce propos, il apparaît que la preuve du dédouanement sera le message électronique transmis par la douane en réponse au message de dépôt. Ce message sera enregistré dans les systèmes de la douane et de l’opérateur. Si la Commission européenne n’a pas prévu de format harmonisé au niveau européen pour générer cette preuve au format PDF, il convient de noter que la France proposera une édition PDF imprimable, dont le modèle est encore en cours d’élaboration.

Ces nouveautés seront amenées à être précisées au gré des mois à venir, et probablement amendées lors de la mise en pratique du nouveau service de dédouanement, en fonction des difficultés rencontrées par les opérateurs.

Il est donc important de suivre les évolutions afin d’être en mesure d’anticiper le mieux possible les changements qui devraient intervenir dès le second trimestre 2023.


[1] Article 6§1

[2] articles 278 et suivants

[3] 2016/341 du 17 décembre 2015 relatifs à la conception de systèmes électroniques

[4] Prévu à l’article 182 du CDU, les autorités douanières peuvent, sur demande, autoriser une personne à déposer une déclaration en douane, y compris une déclaration simplifiée, sous la forme d'une inscription dans les écritures du déclarant. En pratique, cela permet ainsi de substituer la déclaration déposée dans le logiciel de la douane par une inscription en comptabilité.

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José Manuel Moreno

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Avocat, Associé TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

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Directeur, Douanes, PwC Société d'Avocats

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Avocat, Manager, Douanes, PwC Société d'Avocats

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