Projet de Directive VIDA : de nouvelles simplifications et clarifications TVA en perspective

06/01/23

eAlerte TVA & Douanes

Le 8 décembre 2022, la Commission européenne a proposé différentes mesures dans le cadre de son projet de réforme du système de TVA afin de l'adapter aux évolutions de l'économie et des technologies du numérique et de mieux lutter contre la fraude via un nouveau projet de directive ("VAT in the digital age" ou "VIDA"). Ce projet de Directive vise à améliorer la collecte de recettes supplémentaires pour les Etats membres tout en aidant les entreprises dans la simplification de leurs obligations déclaratives en matière de TVA. Ce projet fait par ailleurs partie d'un paquet de propositions comprenant également deux projets de modification de règlements européens au regard (i) des obligations d'informations concernant certains régimes TVA (proposition de modification du Règlement n° 282/2011) ainsi que (ii) des aménagements en matière de coopération administrative rendus nécessaires par l'ère numérique (proposition de modification du Règlement n° 904/2010).

Trois axes de mesures ont été proposés dans le cadre du projet de Directive

  • La modernisation des obligations déclaratives pour les entreprises via la mise en place d'obligations de e-reporting et de e-invoicing ;
  • La mise à jour des règles de TVA et leur clarification pour les plateformes en ligne et en matière de transport de voyageurs ;
  • L’enregistrement unique à la TVA au sein de l'UE. 

Il convient de souligner que ce projet de directive de la Commission européenne se présente comme un bloc indivisible de mesures hétérogènes dont le vote reste encore ouvert au niveau des Etats membres (revue par le Parlement européen et vote définitif par le Conseil de l'Union). Toutefois, il semblerait qu'un certain consensus se dégage entre les gouvernements et qu'il existe donc de fortes chances pour que ce projet aboutisse à court ou moyen terme. 

Les principales mesures sont détaillées ci-après et si certaines n'ont pas été reprises elles peuvent néanmoins présenter un intérêt pour certains opérateurs (par exemple, disparition du régime TVA des ventes en dépôt, modification des conditions d'appréciation du seuil de 10 000 euros en matière de vente à distance intracommunautaire de biens...).   

Axe 1 : modernisation des obligations déclaratives via la généralisation des obligations de e-reporting et de e-invoicing

Ce premier volet du projet de Directive du 08 décembre 2022 confirme la généralisation des obligations de e-Invoicing & e-Reporting en Europe.

A cet égard, trois mesures importantes sont prévues dès le 1er janvier 2024 :

(i) une nouvelle définition de la facture électronique, à savoir "une facture qui contient les informations requises par la présente directive et qui ont été délivrées, transmises et reçues dans un format électronique structuré". Cette nouvelle définition est cependant légèrement différente de la définition de la facture électronique dans le cadre de l'obligation du e-Invoicing en France qui est définie comme "une facture électronique [...] qui comporte les données à transmettre à l'administration sous une forme structurée". Ainsi dans le cadre de la définition proposée par la Commission européenne, une facture électronique doit contenir l'ensemble des mentions fiscales / TVA obligatoires alors que dans le cadre du e-Invoicing en France, seules les données à transmettre à l'administration fiscale (qui ne concerne que certaines des mentions obligatoires) auront vocations à être obligatoirement transmises sous format structuré.

(ii) la suppression de l'obligation d'obtenir l'acceptation du client afin de pouvoir émettre et transmettre une facture électronique. Ainsi, un client ne saurait être en mesure de pouvoir refuser une facture sous format structuré de son fournisseur et devrait par conséquent être en mesure de savoir recevoir et traiter des factures sous format structuré dès le 1er janvier 2024.

(iii) la possibilité pour les Etats membres de mettre en œuvre des obligations de e-Invoicing sans demander au préalable une dérogation à la Commission européenne. Toutefois, l’émission et la transmission de factures électroniques (e-Invoices) ne pourrait pas être conditionnées à une autorisation / validation préalable par l’administration fiscale ("Clearance Model"). 

Le projet de Directive complète ces propositions avec une deuxième vague de déploiement au 1er janvier 2028 avec :

(i) l'instauration d'une obligation de e-Reporting (Digital Reporting Requirements - DRR) pour les flux intracommunautaires couplée à une obligation de e-Invoicing pour ces flux. Les données de ces factures seraient ainsi mises à la disposition de l'ensemble des Etats membres via le DRR.

(ii) la possibilité pour les Etats membres d'instaurer une obligation de e-Reporting pour les flux domestiques qui, en cas de mise en œuvre, serait couplée à une obligation de e-Invoicing pour ces flux.

(iii) l'ajout de quelques nouvelles mentions obligatoires sur les factures : trois nouvelles données / mentions obligatoires (IBAN du fournisseur, date d’échéance du paiement, numéro de la facture initiale en cas d’avoir).

Ces propositions doivent encore faire l'objet d'une acceptation par le Conseil de l'Union et pourraient sensiblement évoluer. Toutefois, il est indispensable pour les opérateurs d'anticiper d'ores et déjà en France ces dernières propositions dans la définition de leur stratégie de mise en conformité de leurs futures obligations en matière de facturation qui entreront en vigueur au 1er juillet 2024.

Axe 2 : clarification des règles TVA en matière de e-commerce et des plateformes (marketplaces)

Le deuxième volet de la proposition de directive concerne le commerce électronique et les obligations des plateformes facilitant des transactions (de type marketplace​s​ - intermédiaires transparents). Ces mesures entreront, à quelques exceptions près, au 1er janvier 2025.

A cet égard, en matière de livraisons de biens, il est notamment prévu que le champ d'application de la fiction d'achat-revente par les plateformes facilitatrices sera étendu : désormais, pour toutes les livraisons de biens facilitées par une plateforme, cette dernière sera réputée acheter et revendre les marchandises au client. Ceci s'appliquera indifféremment (i) du statut TVA du client (assujetti ou non) et (ii) de l'Etat de départ des marchandises. Cette extension de la fiction devrait donc couvrir - outre celles déjà couvertes par cette mesure, (1) les opérations domestiques et intracommunautaires réalisées par des vendeurs établis dans l'UE et (2) les opérations B2B (en plus des B2C). Pour rappel, les plateformes facilitatrices sont actuellement réputées acheter et revendre les marchandises dans deux cas : (i) ventes à distance de biens importés d'une valeur inférieure à 150 € et (ii) ventes à distance domestiques ou intracommunautaires de biens lorsque le vendeur est établi en dehors de l'UE. Elles sont donc tenues de collecter la TVA sur les ventes réalisées auprès du client, impliquant de significatives obligations en matière de TVA et de conformité. 

Par ailleurs, les plateformes facilitatrices de ventes à distance de biens importés seront tenues d'opter au guichet unique IOSS et ce sans limitation de seuil de valeur d'importation, alors qu'actuellement, ce guichet est un régime optionnel. Pour rappel, le guichet permet aux assujettis réalisant des ventes de biens d'origine hors UE pour des clients UE de déclarer ces ventes via un guichet unique, limitant les obligations d'immatriculation à la TVA. L'option pour ce guichet permet également de bénéficier d'une exonération de TVA d'importation. Néanmoins, le bénéfice du guichet IOSS est actuellement limité aux envois de moins de 150 €.  

De plus, le régime des ventes à distance serait applicable aux ventes de biens d’occasion ainsi qu’aux œuvres d’art, d’antiquité et de collection soumises au régime de la marge. En conséquence, les ventes à distance portant sur ces biens seront en principe taxables dans l'Etat membre de destination des biens à l'image des ventes à distance de biens portant sur des biens standards. Pour rappel et actuellement, le régime de TVA des ventes à distance ne s'applique en principe pas aux biens d'occasion et assimilés : ces ventes sont réputées réalisées (et donc taxables) dans l'Etat membre de départ des marchandises.

Enfin, en matière de prestations de services, il est prévu que les plateformes facilitatrices seront également réputées agir comme acheteur-revendeur pour certains services, à l'image de ce qui existe en matière de livraisons de biens. Sont visés les cas où une plateforme facilite des services (i) de transport et (ii) d’hébergement de courte durée (moins de 45 jours) lorsque le prestataire n’est pas établi dans l’Union européenne ou n’est pas imposable à la TVA. A ce titre, il est par ailleurs prévu que le régime spécial des agents de voyages ne s'appliquera pas aux plateformes facilitatrices rendant ces services.

Axe 3 : simplification des obligations d'enregistrement à la TVA

Le troisième volet de la proposition de la Commission européenne est de permettre aux entreprises opérant sur le marché européen d’éviter d’avoir à procéder à des immatriculations multiples à la TVA dans plusieurs Etats membres de l’UE dans l’exercice de leurs activités transfrontalières. Ces mesures entreront, à quelques exceptions près, au 1er janvier 2025.

Les entreprises établies dans un Etat membre qui effectuent des opérations taxées dans d'autres États membres peuvent en effet aujourd’hui être confrontées à des charges et à des coûts de mise en conformité considérables en matière de TVA, ce qui constitue, pour la Commission européenne, un obstacle au marché unique. A titre d'illustration, la Commission européenne relève que le coût minimal d’une immatriculation à la TVA dans un autre État membre est de 1 200 euros et que le coût minimum annuel de mise en conformité avec la réglementation TVA dans un autre État membre est de 8 000 euros pour une ETI et de 2 400 euros pour une PME.

Afin de pallier cet obstacle au marché unique, la Commission européenne propose d’introduire dans le droit européen un système d’immatriculation unique à la TVA (« Single VAT Registration ») qui permettrait, entre autres, de réduire les charges administratives et les coûts connexes pour les entreprises qui effectuent des opérations transfrontalières dans le marché unique européen. 

La poursuite de l'objectif d'immatriculation unique à la TVA devrait notamment passer par l’amélioration et l’extension des systèmes existants de guichet unique (OSS)/guichet unique à l'importation (IOSS) ainsi que par le recours accru au mécanisme d’autoliquidation de la TVA par le preneur (qui deviendrait obligatoire lorsque ce dernier est immatriculé à la TVA dans l’Etat membre d’imposition et que son fournisseur n’y est pas établi) afin de réduire au minimum les cas dans lesquels un assujetti immatriculé à la TVA dans un Etat membre doit s'enregistrer dans un autre État membre.

Compte tenu des nombreuses modifications des règles TVA envisagées par ce projet de Directive et de leurs impacts pour les assujettis, une attention particulière devra ainsi portée à son adoption par les Etats membres.

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