Code des douanes : éclaircissements sur le nouvel et très attendu article 60

01/08/23

eAlerte Douane

Le 19 juillet 2023, le législateur a publié la loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Elle a notamment pour objectif de remédier à l’inconstitutionnalité de l’article 60 du Code des douanes national (ci-après « CDN »), déclarée par le Conseil constitutionnel le 22 septembre 2022. L’effet avait été reporté au 1er septembre 2023 dans le but de permettre au législateur d’opérer les modifications nécessaires et au motif que son abrogation immédiate entraînerait des conséquences manifestement excessives.

En réaction, en avril 2023, Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances et Monsieur Gabriel Attal, ministre de l’Action et des Comptes publics, ont dévoilé le plan qui constitue une réforme majeure du code des douanes depuis 1948, visant à mettre en conformité le droit de visite douanière et à moderniser l’action douanière en fournissant aux agents des nouveaux moyens d’action et d’enquête.

L’inconstitutionnalité de l’article 60 du Code des douanes

Pour rappel, le Conseil Constitutionnel a considéré que le cadre de l’article 60 du CDN n’était pas suffisamment précis. En ce sens, le législateur devait trouver un équilibre entre la prévention des infractions et la protection des droits constitutionnelles tels que la liberté d’aller et de venir et le respect de la vie privée.[1]

Le Conseil Constitutionnel déclarait alors dans un considérant explicite qu’en ne “précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée.

Le nouveau cadre de l’article 60 CDN et les nouvelles mesures

L’ancien et succinct article 60 du CDN[2] a été remplacé par onze articles (articles 60 à 60-10) précisant notamment les contours du droit de visite en exposant les compétences territoriales et matérielles.

Le droit de visite est maintenant encadré et présente des limites géographiques (zones géographiques, frontières terrestres, maritimes et aériennes) ainsi que les lieux soumis au contrôle (dont la majorité sera désignée par arrêté). Pour autant, le droit de visite sera permis en dehors de ces limites géographiques et à toute heure, en cas de raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière ou pour la recherche de certaines infractions graves.

Dans le cadre de la recherche de marchandises soumises à accises, expédiées sous un régime suspensif ou certaines marchandises spécifiquement contrôlées (dangereuses pour la santé, la sécurité ou la moralité publiques, des marchandises contrefaisantes, des marchandises prohibées etc.), les agents des douanes pourront exercer leur droit de visite en dehors des cas limitativement prévus.

Également, il est intéressant de relever plusieurs caractéristiques encadrant le droit de visite, parmi lesquelles :

  • L’encadrement du droit de visite afférent aux marchandises placées sous surveillance douanière ;
  • La limitation temporelle du droit de visite qui peut être exercé par les agents des douanes pour une durée n’excédant pas douze heures consécutives dans la plupart des cas. En outre, des modalités de fouilles ou d’immobilisation des personnes physiques, des bagages ou des moyens de transport encadrent son exercice ;
  • L’obligation de la présence physique de l’intéressé, de son représentant ou d’un tiers.

Enfin notons que l’article 60-10 du CDN prévoit une souplesse, permettant aux agents des douanes de procéder à des opérations de visite même en dehors des cas visés dans les articles précédents, au motif d’une constatation d’infraction, sans que cela cause de nullité des procédures incidentes.

La réforme attendue de l’article 60 du CDN entraîne donc un encadrement strict du droit de visite des agents des douanes, ne laissant que peu de marge d’interprétation contrairement à l’ancienne rédaction de l’article.

Néanmoins, au regard des diverses prérogatives dont jouissent les agents des douanes, pour l’exercice du droit de visite, le législateur a souhaité conserver le plus possible les facultés dont ces agents disposaient sous l’empire de la loi ancienne.

Enfin, relevons que cette réforme s’inscrit dans le cadre de la loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, qui prévoit de nombreuses autres mesures. On peut notamment noter la saisie par les agents des douanes des substances chimiques servant à la fabrication des drogues de synthèse, l’amélioration de la lutte contre la fraude à la détaxe de la TVA, la réforme du délit de blanchiment douanier pour couvrir le blanchiment par le biais de crypto-actifs, etc.).

Il convient donc pour les opérateurs d’anticiper ces modifications qui encadrent le droit de visite. Il faudra ainsi par exemple toujours garantir l’accès aux documents douaniers, se tenir à disposition des agents, définir les interlocuteurs en mesure de répondre aux premières sollicitations des agents…


[1] Décision n°2022-1010 QPC du Conseil Constitutionnel

[2] Pour rappel, l’article 60 dans son ancienne version était rédigé comme suit : « Pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ».

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José Manuel Moreno

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Avocat, Associé TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

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Directeur, Douanes, PwC Société d'Avocats

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