Nullité des décisions collectives prises en violation d'une clause statutaire de SAS

29/03/23

eAlerte Juridique

Le 15 mars 2023, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que la nullité prévue à l’article L. 227-9 alinéa 4 du Code de commerce vise également « les décisions prises en violation des clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, à tout intéressé d’en poursuivre l’annulation » (Com., 15 mars 2023, pourvoi n° 21-18.324).

La Cour de cassation décidait jusqu’alors que la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du même code ou des lois qui régissent les contrats ou d’une stipulation statutaire qui fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci (Com., 18 mai 2010, pourvoi n° 09-14.855, Bull. 2010, IV, n° 93).

Cette solution avait été appliquée concernant la violation des règles statutaires définissant, en application de l’article L. 227-9, alinéa 1, du Code de commerce, le champ des décisions collectives dans les SAS (Cass. com., 26 avr. 2017, pourvoi n° 14-13.554). En effet, la violation d’une stipulation statutaire délimitant le champ des décisions relevant de la compétence de la collectivité des associés n’était pas sanctionnée par la nullité, car il s’agissait de la méconnaissance d’une stipulation statutaire qui fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci.

En somme, la méconnaissance des stipulations statutaires quant aux décisions devant être adoptées collectivement par les associés (champ délimité par les statuts et formes des décisions adoptées), telles que définies de manière générale par l’alinéa 1er de l’article L.227-9 du Code de commerce, ne pouvait être sanctionnée par la nullité.

Certes, l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 du Code de commerce dispose que « Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ». Mais on considérait que cette nullité « spéciale » ne s’appliquait qu’aux dispositions impératives de l’article L. 227-9, c’est-à-dire celles de l’alinéa 2 de ce texte, visant le champ obligatoire des décisions devant être adoptées collectivement par les associés (en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices) ainsi que celles de l’alinéa 3.

L’arrêt du 15 mars 2023 étend substantiellement le domaine des nullités de l’article L. 227-9 alinéa 4 du Code de commerce. Cette nullité s’applique dorénavant à l’alinéa premier de ce texte, qui dispose que « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient ».

Ainsi, toute violation d’une stipulation statutaire relative aux décisions qui doivent être prises collectivement par les associés sera susceptible d’être annulée si elle a eu une influence sur le résultat du processus de décision. La Cour de cassation élargit substantiellement le domaine des nullités qui peuvent sanctionner la violation des statuts d’une SAS, puisque la nullité s’applique, à présent, à toute stipulation qui concerne les décisions collectives des associés, avec une limitation posée par la Cour de cassation (critère d’effectivité) dans la mesure où cette violation doit néanmoins avoir exercé une influence sur l’adoption de la décision elle-même. La Cour de cassation ajoute ici à la loi, puisque cette condition n’est pas expressément visée.

Toujours est-il, que l’arrêt du 15 mars 2023, décide qu’il faut appliquer l’alinéa 4 de l’article L.227-9 du code de commerce à l’alinéa 1er de ce texte, ce qui est une nouveauté.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi considéré que :

  • Même si l’article L. 227-9, alinéa 1, du Code de commerce offre une liberté statutaire dans l’organisation et le fonctionnement de la SAS, le respect des dispositions des statuts est essentielle au bon fonctionnement de la société et à la sécurité de ses actes,
  • La jurisprudence du 26 avril 2017, en limitant les effets de l’article L. 227-9, alinéa 4, du Code de commerce, conduit à ce que les délibérations prises en violation des dispositions statutaires ne puissent être sanctionnées par la nullité.

La Cour de cassation opère donc un revirement de jurisprudence en jugeant « désormais que l'alinéa 4 de l'article L. 227-9 du code de commerce, institué afin de compléter, pour les sociétés par actions simplifiées, le régime de droit commun des nullités des actes ou délibérations des sociétés, tel qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce, doit être lu comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, à tout intéressé d'en poursuivre l'annulation ».

Si les différents cas de violation pouvant influer sur le résultat du processus de décisions nécessitent clarification (convocation, quorum, etc.), la Cour de cassation confirme l’application de la nullité (nullité relative) aux délibérations prises en violation du premier alinéa de l’article L. 227-9 du Code de commerce, c’est-à-dire en violation des stipulations statutaires déterminant les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’elles prévoient.

La violation des statuts devient une cause de nullité en matière de prises de décisions collectives dans les SAS. Cela participe de l’impérativité formelle reconnue aux statuts de SAS. 

Pour aller plus loin

Suivez-nous !

Contactez-nous

Christophe Guénard

Christophe Guénard

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Crescence  Lebec

Crescence Lebec

Avocat, Manager, PwC Société d'Avocats

Masquer