eAlerte TVA

Régularisation par le fournisseur d'une TVA facturée à tort : nouveaux commentaires publiés au BOFIP

Administration fiscale
  • Publication
  • 10 janv. 2025

Par une publication en date du 9 janvier 2025, l’administration fiscale est venue préciser les conditions et modalités de régularisation de la taxe facturée à tort. Cette mise à jour doctrinale du BOFIP vise à harmoniser les pratiques avec la jurisprudence européenne et nationale. Quelques incertitudes demeurent toutefois. 

Pour rappel, en application de l’article 283, 3 du Code général des impôts (CGI), toute personne qui mentionne la TVA sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. Ainsi, toute TVA acquittée à tort est due par le fournisseur dès lors qu’elle a été facturée (quand bien même, cette facturation est intervenue en application d’un taux erroné ou à l’occasion d’une opération non passible de la TVA). 

Parallèlement, en application de l’article 271, II-1 a du CGI, le client n’est pas en droit de déduire cette TVA dans la mesure où seule est déductible la TVA pouvant légalement figurer sur la facture. 

Ces règles légales ont fait l’objet d’assouplissements de la part des juridictions et de l’administration fiscale permettant à l’émetteur de la facture de procéder à sa régularisation de son propre chef ou sur demande du client indûment facturé, dans des conditions toutefois strictement encadrées. La présente publication vise à clarifier les modalités de régularisation et harmoniser les pratiques au vu des récentes évolutions.   

1. Régularisation d’une TVA trop collectée à l’initiative du fournisseur  

Principe

Sur la base des nouveaux commentaires publiés au BOFIP et conformément au principe de neutralité de la TVA, lorsque la taxe a été facturée par erreur au titre d’une opération exonérée ou à un taux supérieur à celui dont était passible l’opération, l’administration précise désormais « qu’elle peut faire l’objet d’une régularisation dans les conditions décrites au IV-A &370 et suivants du BOI-TVA-DECLA-30-20-20-30 ».L’Administration fiscale supprime à cette occasion la condition de bonne foi des parties à laquelle était subordonnée cette régularisation.2  

Modalités d’application

S’agissant des modalités de régularisation de la TVA indûment facturée, l’administration fiscale indique « que la régularisation de la TVA […] suppose l’émission préalable d’une facture rectificative adressée au client, afin d’éliminer le risque de perte de recettes fiscales ».3

A cet égard, l’administration fiscale ajoute que cette régularisation ne peut s’effectuer, pour le fournisseur, que dans les délais prévus par l’article R. 196-1 du LPF 4 (i.e., délai de 2 ans à compter du versement de l’impôt contesté).   

De manière similaire à sa position selon laquelle l’émission d’une facture rectificative par un fournisseur qui fait l’objet d’un redressement au titre d’une TVA initialement non collectée constitue un évènement nouveau (autorisant ainsi le client à récupérer dans un délai de deux ans cette TVA nouvellement facturée) 5 , l’administration fiscale admet que «  la remise en cause par l’administration fiscale de la déduction de la TVA chez un assujetti constitue un élément nouveau au sens de ces dispositions, de nature à ouvrir, au bénéfice du fournisseur, un nouveau délai de réclamation jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de cet événement (I-C § 60 et suivants du BOI-CTX-PREA-10-30), permettant ainsi la rectification des factures erronées et, le cas échéant, dans la limite de ce même délai, la régularisation de la déduction opérée par le destinataire ». 6

En d’autres termes, selon le BOFiP, le délai fiscal de prescription d'une action en restitution, par le fournisseur, d'une TVA facturée à tort expire au 31 décembre de la seconde année suivant soit i) celle du paiement de la TVA (article R*196-1 du LPF), soit ii) du redressement de son client en ce qu’il constitue un événement nouveau au sens de l’article R*196-1 c du LPF.

La reconnaissance explicite par l’administration fiscale de la remise en cause du droit à déduction du client en tant qu’évènement nouveau justifiant l’émission d’une facture rectificative est à saluer et pourra permettre de mettre fin aux débats pratiques sur la prescription que pouvait opposer le fournisseur. 

Difficultés rémanentes

Il semble que ce nouveau dispositif de régularisation ne soit toujours pas ouvert en cas de régularisation spontanée du fournisseur (i.e. sans redressement de la TVA déductible du côté de son client) pour la période dépassant le délai de 2 ans prescrit par l’article R. 196-1 du LPF. En effet, l’émission d’une facture rectificative est entendue par l’administration fiscale uniquement comme la condition préalable pour procéder à la régularisation mais n’est pas évoquée comme un évènement nouveau justifiant la réouverture du délai de réclamation de la TVA collectée à tort. Dans ces conditions, il conviendra de rester prudent avant d’engager une régularisation spontanée de la TVA dans ce scenario. 

2. Demande par le client d’une régularisation d’une TVA indûment facturée

S’agissant du client qui solliciterait auprès du fournisseur le remboursement d’une TVA indûment facturée, en dehors de tout contexte de redressement, l’administration fiscale s’aligne sur la jurisprudence récente adoptée tant sur le plan national que communautaire en matière de répétition de l’indu. 7

En particulier, il est précisé que « l’acquéreur doit prioritairement s’adresser, y compris le cas échéant par la voie juridictionnelle, à son fournisseur si celui-ci n’a pas pris l’initiative de lui rembourser l’indu correspondant, et, seulement à titre subsidiaire, à l’administration fiscale si l’obtention de la restitution de la taxe indue auprès du fournisseur est impossible ou excessivement difficile ». Ainsi, le client doit en principe exercer prioritairement son recours à l’encontre de son fournisseur, et à titre subsidiaire à l’encontre de l’administration fiscale dans des circonstances limitées. Sont fournies à titre d’illustration les cas jurisprudentiels communautaires tels que les situations d’insolvabilité du fait de l’ouverture d’une procédure de faillite, les cas de liquidation judiciaire ou de prescription de toute action civile à l’encontre du fournisseur. 8

En l’absence de précision apportée par l’administration fiscale s’agissant du délai encadrant une telle action en répétition, les règles de droit commun de 5 ans devraient trouver à s’appliquer. A cet égard, on rappellera que si le délai de l’action civile en répétition de l’indu est plus long que celui prévu à l’article L 190 du LPF dont dispose le fournisseur, ce point a été considéré par le Rapporteur public sous la décision du Conseil d’Etat précitée comme relevant d’un autre litige. On attendra avec impatience les nouveaux commentaires de l’administration fiscale sur ce point. 


[1]BOI-TVA-DED-40-10-10-20231009 n° 60

[2] Transposition au &390 de la jurisprudence communautaire – BOI-TVA-DECLA-30-20-20-30-20190925

[3] BOI-TVA-DECLA-30-20-20-30-20190925 n°380

[4] BOI-TVA-DECLA-30-20-20-30-20190925 n°410

[5] BOI-TVA-DED-40-20-20130803 n°90

[6] BOI-TVA-DECLA-30-20-20-30-20190925 n° 410

[7] Voir en ce sens notamment CE, 29 novembre 2023 n° 4691111, EFS c/ Polyclinique des Fleurs

[8] BOI-TVA-DED-40-10-10-20241009 n° 60

Inscrivez-vous à nos eAlertes

Actualités juridiques et fiscales

Actualités juridiques et fiscales

Suivez-nous !

Contactez-nous

José Manuel Moreno

José Manuel Moreno

Avocat, Associé TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

Muriel Illouz-Charonnat

Muriel Illouz-Charonnat

Avocat of Counsel, Directrice TVA, PwC Société d'Avocats

Astrid Louvigné

Astrid Louvigné

Avocat, Senior Manager, TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

Romain Froment-Canivet

Romain Froment-Canivet

Manager, TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

Masquer