L'administrateur de société anonyme doit connaître le motif de sa révocation

Paris, 22 août 2013 

Un principe bien connu du droit des sociétés veut que les administrateurs de sociétés anonymes puissent être révoqués à tout moment par l’assemblée générale des actionnaires, sans préavis, ni indemnité et sans qu’il soit nécessaire de donner un motif à cette révocation. Ce principe de « révocabilité ad nutum » des administrateurs s’applique également, dans les sociétés anonymes, au président du conseil d’administration et au directeur général qui cumule cette fonction avec celle de président. Dans les SAS, les statuts peuvent prévoir la révocabilité ad nutum du dirigeant.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai 2013, semble infléchir ce principe en décidant que « la révocation d'un administrateur … n'est abusive que si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation ». La Cour de cassation précise que la révocation est abusive s’il n’est pas démontré que l'administrateur révoqué « avait eu connaissance des motifs de sa révocation avant qu'il fût procédé au vote ». 
Ainsi, il semble que le dirigeant révoqué doive désormais avoir une connaissance préalable des motifs de sa révocation et que, par conséquent, il faille les lui communiquer avant qu’il ne soit statué sur sa révocation. 

Il peut sembler paradoxal que doivent être communiqués les motifs d’une révocation qui peut être décidée ad nutum, sans motifs objectifs. 

On pourrait être tenté de limiter la portée de la décision à une simple obligation de communication des motifs de la révocation avant qu’il ne soit procédé au vote, sans que ces motifs constituent nécessairement une juste cause de révocation. 

Le fondement implicite de cette communication préalable des motifs de révocation repose en réalité sur le respect du principe du contradictoire : l’administrateur doit avoir été informé des motifs de sa révocation pour être à même de présenter ses éventuelles observations. Le principe de révocation ad nutum ne peut donc signifier une absence totale de motif de révocation, mais seulement l’existence d’un motif quelconque à l’origine de la révocation qui devra être préalablement indiqué au dirigeant. On ne pourra donc pas écrire "n’importe quoi". Et on peut par conséquent se demander si la Cour de cassation va s’arrêter là. En effet, cet arrêt annonce-t-il un contrôle des motifs de révocation par le juge ? Quelle sera la réaction du juge face à un motif purement discrétionnaire ne reposant pas sur des critères objectifs ? Car si le dirigeant doit être à même de présenter ses observations en assemblée, comment peut-on organiser sa défense face à un motif purement discrétionnaire ? Ne s'agit-il pas en soi d'une révocation vexatoire qui serait par nature abusive ? 

Cet arrêt, même s’il se contente d’imposer une communication formelle et préalable des motifs, risque d'ouvrir la voie à un contrôle des motifs de révocation qui devront dès lors constituer un "juste motif". 

Quoi qu’il en soit, la marge de manœuvre devient étroite et, outre l’obligation de lui communiquer les motifs de sa révocation "en temps utile", il conviendra de libeller avec précision les motifs de révocation d’un administrateur.

 


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