La compatibilité de la Fairness tax mise en doute par l’avocat général auprès de la Cour de justice de l’Union européenne

18 novembre 2016

L’avocat général J. Kokott estime que la Fairness tax - qui présente des caractéristiques communes avec la contribution de 3% française - est incompatible avec l’article 4 de la directive mère-fille (aff. C-68/15). 

Faits de l’espèce et procédure

Afin de limiter le délitement de la base fiscale auquel conduisent la déduction des intérêts notionnels et le report en avant illimité des pertes, la Belgique a introduit en 2013 une imposition minimale communément appelée Fairness tax.

Cette cotisation - de 5,15% - est distincte de l'impôt sur les sociétés belge. Les modalités de calcul de son assiette conduisent à imposer la fraction des bénéfices distribués qui n'a pas été effectivement soumise à l'impôt sur les sociétés belge.

La conformité de la Fairness tax belge est appréciée au regard de trois fondements différents :

1. Le principe de la liberté d’établissement (article 49 TFUE),
2. L’article 5 de la directive 2011/96/UE (dite « mère-fille) (qualification de retenue à la source),
3. L’article 4 paragraphe 3 de la directive mère-fille (élimination de la double imposition économique).

L’avis de l’avocat général

Sur la liberté d’établissement

Deux griefs d’incompatibilité de la Fairness tax avaient été formulés à l’égard de la liberté d’établissement et sont écartés par l’avocat général. On retiendra notamment que, selon elle, l’inégalité de traitement entre établissement stable et filiale de société étrangère ne se traduit pas, au cas d’espèce, par un traitement désavantageux des situations transfrontalières par rapport aux situations internes.

Sur l’incompatibilité avec l’article 5 de la directive : l’exclusion de la qualification de retenue à la source

L’avocat général rappelle que trois conditions doivent être remplies pour qu’un impôt soit qualifié de retenue à la source au sens de l’article 5 de la directive mère-fille, à savoir :

  1. le fait générateur de l’imposition doit être la distribution de dividendes,
  2. la base de l’imposition doit être liée au montant de la distribution, et
  3. l’assujetti doit être le détenteur des titres.


Dans le cas de la Fairness tax, s’il n’est pas contesté que les deux premières conditions sont remplies, la troisième a été source de débats, dans la mesure où l’assujetti demeure la filiale distributrice et non la société mère bénéficiaire des dividendes.

Sur ce point, l’avocat général retient une interprétation stricte de la retenue à la source, telle que la Cour l’avait notamment adoptée dans l’arrêt Burda (aff. C-284/06) et conclut que la Fairness tax ne peut être qualifiée de retenue à la source au sens de l’article 5 de la directive mère-fille.

Sur l’incompatibilité avec l’article 4 de la directive : l’imposition contraire au principe d’exonération des dividendes perçus

L’avocat général commence par rappeler que l’article 4 par. 3 de la directive mère-fille autorise l’imposition des dividendes reçus à hauteur d’une quote-part de frais et charges maximale de 5%, lorsque la législation nationale fixe les frais de gestion se rapportant à la participation de manière forfaitaire.

Le régime analysé aboutissait à ce que des dividendes perçus d’une filiale et redistribués lors d’un exercice postérieur à celui de leur perception étaient soumis à la Fairness tax à un taux dépassant le seuil prévu à l’article 4 par. 3 de la directive.

Selon l’avocat général « n’est pas compatible avec la directive mère-filiale une situation dans laquelle les bénéfices d’une société sont soumis, dans le chef d’une société qui se trouve à un niveau plus élevé dans la chaîne de participations, à une imposition d’un montant plus élevé que celui qu’autorise l’article 4 de la directive » (point 53).

Soulignons qu’elle précise qu’est dépourvue de pertinence la question de savoir si l’impôt est prélevé à l’occasion de la perception des dividendes ou à l’occasion de la redistribution puisque toute autre interprétation autoriserait les Etats membres à contourner les dispositions de la directive.

Incidences sur la Contribution de 3%

J. Kokott relève que la Fairness tax « présente structurellement des similitudes » avec la contribution de 3% sur les revenus distribués, prévue à l’article 235 ter ZCA du CGI (affaire pendante devant la CJUE, C-365-16, AFEP). Dès lors, ses conclusions viennent corroborer les doutes que l’on peut avoir quant à l’incompatibilité de cette contribution avec l’article 4 de la directive. 

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