Perception de dividendes et droit à récupération de la TVA : le Conseil d’Etat assouplit sa jurisprudence en faveur des sociétés holding (décision « Ginger II »)

Paris, 03 juin 2016 

CE 20 mai 2016  n° 371940, 8e et 3e ch réunies., min. c/ SA Groupe Ingénierie Europe Ginger dite Sté Ginger

Dans un arrêt récent du 20 mai 20161, le Conseil d’Etat revient sur sa jurisprudence antérieure en matière de déduction de la TVA grevant les dépenses engagées par les sociétés holding pour les besoins de leurs opérations.

Pour rappel, dans cette même affaire, le Conseil d’Etat avait, dans un premier temps2, posé le principe selon lequel la perception de dividendes est une « activité non économique » susceptible de limiter le droit à déduction de la TVA grevant les dépenses d’investissement et de fonctionnement supportées par les sociétés holding.

Saisi d’un deuxième pourvoi sur cette affaire, le Conseil d’Etat précise sa position, cette fois en faveur du contribuable, en décidant que :

  • une société holding qui rend des services de gestion et d’assistance administrative à ses filiales s’immisce dans la gestion de ses filiales et doit être regardée comme exerçant une activité économique entrant dans le champ d’application de la TVA.
  • elle dispose donc d’un droit à récupération de la TVA dont il convient de déterminer le quantum.
  • les dépenses de fonctionnement et d’investissement en cause font partie des frais généraux affectés intégralement à cette activité économique et, à ce titre, ouvrent droit à récupération intégrale de la TVA [à hauteur du coefficient de déduction] si l’ensemble des filiales bénéficie des services de gestion et d’assistance administrative.
  • la perception de dividendes non imposables à la TVA n’impacte pas le droit à récupération de la TVA grevant ces dépenses.

Le Conseil d’Etat se réfère directement à la solution posée par la CJUE dans son arrêt récent Larentia + Minerva et Co.KG3 confirmant la récupération de la TVA grevant les frais d’acquisition de titres par des sociétés holding participant à la gestion de leurs filiales, nonobstant la perception de dividendes.

Portée de l’arrêt « Ginger II »

Cette décision confirme le droit à récupération de la TVA grevant les dépenses supportées par les sociétés holding qui, à la fois, s’immiscent dans la gestion de leurs filiales au travers de prestations de gestion et d’assistance administrative et perçoivent des dividendes. 

Inversement, si la société holding ne s’immisce pas dans la gestion de ses filiales en leur rendant des prestations de services imposables (cas d’une société holding pure) et en dehors de toute autre activité économique, il ne peut exister un droit à récupération de la TVA d’amont.    

Cette solution qui était jusque-là admise par le Conseil d’Etat et l’administration fiscale4 pour les frais engagés pour le besoin des opérations en capital nous parait désormais être acceptée – sans ambiguïté – pour l’ensemble des dépenses des sociétés holding.  

Toutefois, il convient de souligner que cette solution doit être appliquée au cas par cas et qu’elle n’a pas résolu toutes les questions soulevées pour l’exercice du droit à déduction des sociétés holding.

Ainsi, et bien que la situation ne soit pas directement traitée dans la présente décision du Conseil d’Etat, le droit à déduction de la TVA grevant les frais de fonctionnement et d’investissement pourrait rester partiel dans la mesure où la société holding ne s’immisce pas dans la gestion de toutes ses filiales. Dans ce cas, et comme précisé dans l’arrêt précité Larentia de la CJUE  en ce qui concerne les frais d’acquisition de titres, il conviendrait de déterminer la proportion de déduction adéquate. 

Par ailleurs, le droit à déduction de la TVA peut également être discuté par l’administration fiscale dans certaines situations telles que : 

  • la société se contente d’acheter et de refacturer des services à ses filiales sans aucune valeur ajoutée de sa part ou de facturer un montant très limité de prestations de services (en comparaison avec les dépenses grevées de TVA engagées en amont),
  • la société de rend pas de services taxables à ses filiales (et ne s’immiscerait donc pas dans la gestion de ses filiales au sens des jurisprudences précitées) mais exerce pour autant d’autres activités taxables ouvrant droit à déduction (ex : activité de vente de produits, location immobilière taxable).

Toutefois, et si ces écueils sont évités, cet arrêt ouvre pour certaines sociétés holding la possibilité d’améliorer leur droit à récupération de la TVA et de contester certaines positions prises par les services de vérification.  

 

Si les conditions de récupération de la TVA sont remplies, les sociétés holding – qui n’ont pas jusqu’alors déduit intégralement la TVA grevant leurs dépenses - auraient la possibilité de récupérer jusqu’au 31 décembre 2016 la part de TVA encore non déduite depuis le 1er janvier 2014 (délais du 31 décembre de la deuxième année qui suit la date à la laquelle le droit à déduction de la TVA est né).

1 - CE 20 mai 2016  n° 371940, 8e et 3e ch réunies., min. c/ SA Groupe Ingénierie Europe Ginger dite Sté Ginger

2 - CE 27 juin 2012 n° 350526, 8e et 3e s.-s., min. c/ SA Groupe Ingénierie Europe Ginger dite Sté Ginger

3 CJUE 16 juillet 2015 - Aff. C-108/14 et C-109/14 - Affaires jointes Larentia + Minerva Co.KG, et Marenave

4 - CJUE 27 septembre 2001 – Aff. C-16/00 Cibo Participations SA et BOI TVA-DED-20-10-20-20130610 § 480 et 490

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