CE 26 janvier 2021, n° 438217, SA Vicat, Mentionné au recueil Lebon
Une société, mère d’un groupe intégré, fait l’objet d’un rehaussement en matière d’IS, notifié le 17 décembre 2013 et portant sur ses résultats propres, au titre des exercices clos les 31 décembre 2010 et 2011. A la suite de ce rehaussement, la société dépose en décembre 2016, en application des dispositions de l’art. R.196-3 du LPF, une réclamation contentieuse visant à obtenir, sur le fondement de la décision Stéria de la CJUE, la neutralisation de la QPFC afférente aux dividendes, perçus au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2010 par une de ses filiales intégrées, d’une sous filiale italienne, et la restitution partielle de l’IS qu’elle a acquittée au titre de ce même exercice.
(Ndlr : art. R.196-3 LPF : « Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ».)
L’administration rejette la réclamation l’estimant tardive. Le TA puis à son tour la CAA confirment la position de l’administration.
Le CE confirme la position de la CAA et juge que :
Arrêt : lien
Devant la cour administrative d’appel la société s’appuyait sur une précédente décision du Conseil d’Etat qui avait jugé que la notification régulière à une société membre d’un groupe fiscal des rehaussements apportés à son bénéfice imposable interrompt la prescription à l’égard de la société mère en tant que redevable de l’IS dû sur le résultat d’ensemble (CE 13 décembre 2013, n° 338133, EURL Pub Finances). Toutefois, cette décision qui posait le principe de l’interruption de la prescription à l’égard de la société mère ne précisait pas la portée de cette interruption.
Comme le souligne le rapporteur public Romain Victor dans ses conclusions sous la présente décision, la lettre même de l’art. R. 196-3 du LPF ouvre le délai spécial au contribuable qui « fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification » ce qui conduit à tunneliser le délai spécial dans un groupe fiscal. La solution inverse serait, selon le rapporteur, de nature à créer un effet d’aubaine.
Le tribunal administratif de Montreuil dans une précédente décision concernant un litige identique avait jugé que si la notification régulière à une société membre du groupe des rehaussements apportés à son bénéfice imposable interrompt bien la prescription à l’égard de la société mère en tant que redevable de l’IS dû sur le résultat d’ensemble, cette interruption ne vaut qu’en ce qui concerne la part des résultats de la société membre du groupe ayant fait l’objet de la procédure de rectification (TA Montreuil, 11 mai 2017, n° 1602983, Sté Colgate Palmolive). Cette approche du tribunal administratif est donc validée par la présente décision.
On peut se demander si la solution aurait été différente dans l’hypothèse où la société mère aurait fait l’objet d’une rectification portant non pas sur ses propres résultats mais sur le retraitement du résultat d’ensemble.
Valérie Aelion, Avocat