CE 26 janvier 2021, n° 437802, SA Accor, Mentionné au recueil Lebon
Une société, mère d’un groupe intégré, fait l’objet d’un rehaussement en matière d’IS, notifié le 3 août 2011 et portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010. A la suite de ce rehaussement, la société dépose en septembre 2015, sur le fondement des dispositions de l’art. R.196-3 du LPF, une réclamation contentieuse visant à obtenir, à la suite de la décision Stéria de la CJUE, la neutralisation de la QPFC afférente aux dividendes perçus de ses filiales européennes et une restitution partielle de l’imposition primitive à l’IS acquittée au titre des exercices 2008, 2009 et 2010.
(Ndlr : aux termes de cet article « Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ».)
L’administration rejette la réclamation portant sur l’exercice 2008,l’estimant tardive. Selon elle, le délai dont disposait la société pour déposer sa réclamation au titre de 2008 expirait le 31 décembre de la 3ème année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification a été notifiée, soit le 31 décembre 2014. La société soutient au contraire que le délai dont elle disposait pour déposer sa réclamation courait à compter de la réception, en février 2014, de l’AMR relatif aux rehaussements notifiés, soit jusqu’au 31 décembre 2017.
La CAA annule le jugement du TA qui avait donné raison au contribuable.
Le CE confirme la position de la CAA et juge que :
Arrêt : lien
La solution retenue par le Conseil d’Etat est conforme à la doctrine administrative (BOI-CTX-PREA-10-40, n° 20). La question du caractère interruptif de certains actes de procédure vis-à-vis du délai spécial de l’art. R. 196-3 du LPF s’était déjà posée et le Conseil d’Etat avait pu dans le passé se montrer hésitant sur ce sujet (voir CE 14 avril 1986 , n° 45177 et en dernier lieu CE 28 novembre 1986, n° 47147- plénière - cette dernière décision mettant fins aux hésitations et jugeant que le point de départ du délai est bien constitué par la date de réception de la proposition de rectification). Plus récemment, la rédaction maladroite d’une décision de juillet 2017 (CE 12 juillet 2017, n° 400834) avait semé le trouble en énonçant que le contribuable disposait en vertu de l’art. R.196-3 « d’un délai qui courait jusqu’à l’expiration du délai de reprise de l’administration, lequel avait été interrompu par la proposition de rectification puis par la notification de l’avis de mise en recouvrement » pour contester les impositions supplémentaires et primitives. La présente décision clarifie donc la question en jugeant que le délai « égal » dont dispose le contribuable est donc, seulement, un délai égal au délai initial dont dispose l’administration, sans que ce délai puisse être rallongé du fait d’actes interruptifs postérieurs à la proposition de rectification.
Dans ses conclusions sous la présente décision, le rapporteur public Romain Victor souligne que le délai de l’art. R. 196-3 du LPF est un délai de forclusion et non un délai de prescription, et qu’il est donc conforme à la nature de ce premier délai de ne pas être susceptible d’être interrompu par des actes de procédure émanant de l’administration.
Catherine Cassan, Avocat associée et Valérie Aelion, Avocat