Brexit : quelle incidence sur les flux entre la France et le Royaume-Uni ?

Principal effet du Brexit en matière de flux entre la France et le Royaume-Uni, les dividendes de source française seront dorénavant soumis à une retenue à la source de 15 % lorsqu’ils seront versés par une filiale française détenue à au moins 5% et moins de 10 % par sa société mère britannique. S’agissant des intérêts et redevances, le régime conventionnel dont le champ d’application est plus large que celui de la directive intérêts-redevances continuera à s’appliquer.

Le 31 décembre 2020 a marqué la fin de la période de transition durant laquelle le droit de l’Union européenne continuait à s’appliquer au Royaume-Uni. Depuis le 1er janvier 2021, la directive mère-fille (DMR) et la directive intérêts et redevances (DIR) ne s’appliquent en principe plus dans les relations avec le Royaume-Uni. Sous réserve de quelques atténuations prévues par l’administration et commentées dans un Bofip en date du 11 mars 2021 (BOI-INT-DG-15-20-20210311), les flux de dividendes, intérêts ou redevances entre les deux pays seront dorénavant gouvernés par le droit interne, sous réserve bien entendu des dispositions de la convention fiscale franco-britannique qui continuent à s’appliquer comme auparavant, pour les personnes ayant la qualité de bénéficiaire effectif des flux.

L’on peut encore souligner que s’agissant de l’article 209 B du CGI, la clause de sauvegarde applicable sera désormais celle applicable aux Etats tiers. Les groupes devraient donc s’interroger sur l’incidence que ce changement pourrait avoir. 

Avant toute chose, il est utile de préciser que la CML (Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices) signée par la France le 7 juin 2017, ne modifie pas les dispositions de la  convention fiscale franco-britannique relatives aux dividendes, intérêts et redevances.

S’agissant plus particulièrement de l’article 11 concernant les dividendes, on notera que contrairement à la France, le Royaume-Uni a choisi d’émettre une réserve sur les dispositions de la CML (article 8) qui prévoient que l’exemption d’impôt ou l’application d’une retenue à la source à un taux réduit sur les dividendes prévue par la convention bilatérale ne s’applique que si les conditions de détention qu’elle prévoit sont satisfaites tout au long d’une période ininterrompue de 365 jours, incluant le jour du paiement des dividendes. En conséquence, aucune durée minimale de détention n’est nécessaire pour que les taux de retenue à la source mentionnés ci-après soient applicables en cas de distribution de dividendes.   

Dividendes

S’agissant des dividendes de source française, l’art. 119 bis, 2 du CGI prévoit l’application d’une retenue à la source au taux de 26,5 % (taux applicable aux sommes payées à compter du 1er janvier 2021). 

L’administration admet toutefois que l’exonération de retenue à la source prévue à l’art. 119 ter du CGI (texte de transposition de la DMF) s'applique à l’ensemble des distributions mises en paiement par une société française au profit de sa société mère britannique durant un exercice ouvert avant le 31 décembre 2020, sous réserve du respect des conditions prévues à l'article 119 ter du CGI, et à l'exception de la condition de localisation de la société mère dans l'UE ou l'EEE (BOI précité n° 70). Pour les sociétés françaises dont l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile, les distributions mises en paiement durant l’exercice en cours au 31 décembre 2020 continueront donc à bénéficier de l’exonération prévue par la directive.

En dehors de cette tolérance, les distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2021 seront soumises aux règles prévues par la convention fiscale franco-britannique.  Cette dernière prévoit une exonération de retenue à la source, sous réserve, notamment, d’une détention d’au moins 10 % du capital de la société distributrice par la société bénéficiaire de la distribution.  En cas de détention inférieure à 10 %, la convention autorise l’application d’une retenue à la source au taux maximum de 15 % (convention art. 11).  Ce régime s’avère ainsi moins favorable que précédemment, puisque les dispositions de l’art. 119 ter du CGI permettaient une exonération de retenue à la source française sur les dividendes, à partir d’une détention minimale de 5 % du capital de la société distributrice, sous réserve du respect des autres conditions prévues par le texte. 

Les évolutions intervenues ou à intervenir (selon la date de clôture de la société distributrice) se résument de la manière suivante :

Taux de détention du capital

Retenue à la source

Exercices en cours au 31 décembre 2021

Retenue à la source

Exercices ouverts à compter du 31 décembre 2021

Inférieur à 5 %

15 %
(convention fiscale France-Royaume-Uni)

15 %
(convention fiscale France-Royaume-Uni)

Au moins égal à 5 % et inférieur à 10 %

Exonération
(art. 119 ter CGI / DMF)

15 %
(convention fiscale France-Royaume-Uni)

Au moins égal à 10 %

Exonération
(art. 119 ter CGI / DMF ou convention fiscale France-Royaume-Uni )

Exonération
(convention fiscale France-Royaume-Uni)

Les entreprises détenant une participation comprise entre 5 et 10% pourront néanmoins s’interroger sur la possibilité de se fonder sur l’application de la libre circulation des capitaux (applicable aux Etats tiers)  pour contester l’application de la retenue à la source. 

Ces modifications s’accompagnent d’un certain alourdissement du formalisme requis, puisque l’application des dispositions de la convention fiscale nécessite la souscription d’une attestation de résidence (n° 5000-SD), voire en cas de versement initial de la retenue à la source suivi d’une demande de remboursement, des formulaires 5000-SD et 5001-SD (demande à déposer avant le 31 décembre de la seconde année suivant celle du versement). Dans le cadre de la DMF, le formalisme se limitait à la production d’une attestation sur papier libre établie par l'entité bénéficiaire des revenus et attestant du respect de l'ensemble des conditions requises pour l'application du dispositif.

S’agissant des dividendes de source britannique, aucun changement n’est à anticiper dès lors que le droit interne britannique prévoit dans la plupart des cas une exonération de retenue à la source.  

Au regard du régime mère-fille tel que défini par les articles 145 et 216 du CGI, la quote-part de frais et charges sera imposée au taux de 5 % pour les distributions réalisées par des sociétés britanniques, perçues pendant un exercice ouvert à compter du 31 décembre 2020 (sous réserve que les conditions d’application du régime soient remplies).  Par tolérance, le Bofip admet que les distributions effectuées par des sociétés britanniques “intégrables” (i.e. réunissant les conditions de l’intégration fiscale hormis l’assujetissement à l’IS français), ou par des sociétés européennes elles-mêmes détenues par l’intermédiaire de sociétés britanniques “intégrables”, continuent à relever du taux de quote-part de frais et charges de 1% pour les exercices clos au 31 décembre 2020 ou en cours à cette date (BOI-RES-IS-000035).

Intérêts

S’agissant des intérêts de source française, le droit interne français ne prévoit pas de retenue à la source, sauf lorsque les revenus sont payés hors de France dans un ETNC (CGI art. 125 A). Dans ces conditions, les intérêts versés à leurs créanciers britanniques par des sociétés françaises devraient continuer à ne subir aucune retenue à la source.

S’agissant des intérêts de source britannique, le droit interne britannique prévoit, sous réserve de quelques exceptions, l’application d’une retenue à la source au taux de 20 %. Cette dernière pourra cependant être supprimée en application des dispositions conventionnelles, sous réserve du respect du formalisme prévu par le droit interne britannique qui suppose le dépôt d’un formulaire comportant notamment une attestation de résidence fiscale.

Redevances

S’agissant des redevances de source française, l’article 182 B du CGI prévoit une retenue à la source au taux de 26,5 % (taux applicable aux sommes payées à compter du 1er janvier 2021). Néanmoins, la convention fiscale franco-britannique prévoit une exonération de retenue à la source, sans condition de détention capitalistique, avec une imposition dans le seul Etat du bénéficiaire du versement (convention art. 13). Ces dispositions sont plus favorables que celles de la DIR et continueront donc à s’appliquer sans modification. Pour qu’elles puissent s’appliquer, les bénéficiaires souscriront le formulaire n° 5000-SD, complété du n° 5003-SD spécifique aux redevances.

S’agissant des redevances de source britannique, le droit interne britannique prévoit, dans la plupart des cas, l’application d’une retenue à la source au taux de 20 %. Cette dernière pourra cependant être supprimée en application des dispositions conventionnelles, sous réserve du respect du formalisme prévu par le droit interne britannique, étant précisé qu’en matière de redevances, le contribuable peut apprécier sous sa propre responsabilité si les conditions d’application du taux conventionnel de retenue à la source sont remplies.

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Emmanuel Raingeard de la Blétière

Emmanuel Raingeard de la Blétière

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Marie-Hélène Pinard-Fabro

Marie-Hélène Pinard-Fabro

Avocat, Directeur, PwC Société d'Avocats

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