Intégration fiscale

La neutralisation de la QPFC de 5 % sur les dividendes en provenance de sociétés établies dans l’UE, qui rempliraient les conditions pour être membres d’un groupe fiscal, peut bénéficier à une société française non intégrée quand bien même elle détiendrait des filiales françaises réunissant les conditions pour être membres d’une intégration fiscale 

CAA Versailles 27 mai 2021, n° 18VE02710, Sté Manitou BF

Une société française perçoit au titre de son exercice clos en 2011, des dividendes de ses filiales belge, italienne, allemande, anglaise et portugaise qui, si elles étaient établies en France, rempliraient les conditions pour être membre d’un groupe fiscal. La société demande, sur le fondement de la décision Stéria de la CJUE (CJUE, 2 septembre 2005, aff. C-386/14) à bénéficier au titre de ces dividendes de la neutralisation de la QPFC de 5 %. L’administration refuse de faire droit à cette demande dés lors que la société n’a pas opté pour le régime de l’intégration fiscale, alors même qu’elle détient une filiale en France qui remplit les conditions pour être membre d’un groupe fiscal. 

Selon la CAA : 

  • Il ressort de la décision Stéria que:

    • la situation des sociétés appartenant à un groupe fiscal intégré est comparable à celle des sociétés n'appartenant pas à un tel groupe, 

    • dans la mesure où, dans les deux cas, 

      • d'une part, la société mère supporte des frais et charges liés à sa participation dans sa filiale et, 

      • d'autre part, les bénéfices réalisés par la filiale et dont sont issus les dividendes distribués sont, en principe, susceptibles de faire l'objet d'une double imposition économique ou d'une imposition en chaîne.

  • le fait d'exclure du bénéfice de l'avantage fiscal une société mère qui détient une filiale établie dans un autre État membre est de nature à rendre moins attrayant l'exercice par cette société mère de sa liberté d'établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d'autres États membres. 

  • selon la CAA, est sans incidence à cet égard la circonstance que cette société mère ait ou non opté pour le régime de l'intégration fiscale, et ce alors même qu'elle l'aurait pu.

  • Dès lors, en excluant du bénéfice de la neutralisation de la QPFC les dividendes versés à la société par ses filiales établies dans d'autres États de l'UE

    • au motif que celle-ci n'avait pas opté pour le régime de l'intégration fiscale

    • alors qu'elle disposait d'une filiale établie en France et qu'étaient respectées les conditions fixées pour l'exercice de cette option, 

    • le service a contrevenu au principe de liberté d'établissement tel que prévu à l'article 49 TFUE. 

  • La société requérante est donc fondée à demander, dans cette mesure, la réduction de l'assiette des impositions auxquelles elle a été assujettie. 

Découvrez l'arrêt

Le regard de nos experts 

On rappelle que, suite à la décision Steria, le dispositif de neutralisation de la QPFC de 5 % sur les dividendes entre sociétés intégrées a été supprimé et remplacé par un mécanisme prévoyant un taux différencié de QPFC.

Ainsi la QFPC a dans un premier temps, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, été ramenée à 1 % pour les dividendes versés au sein d’un groupe fiscal ainsi que pour les dividendes reçus par une société membre d’un groupe fiscal en provenance d’une société établie dans l’UE ou l’EEE qui, si elle avait été établie en France aurait rempli les conditions pour être membre de ce groupe fiscal. 

Dans un second temps, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, l’application du taux de 1 % a été étendue aux dividendes reçus par une société mère française, non membre d’une intégration fiscale du simple fait qu’elle ne détient pas en France de filiales susceptibles d’être intégrées.

En revanche, l’application du taux de 1 % est exclue lorsque la non-appartenance à un groupe d’une société mère française résulte uniquement de l’absence des options et des accords à formuler en application du I et du premier alinéa du III de l’article 223 A du CGI.  

On relèvera à cet égard que dans une décision de 2018, le Conseil constitutionnel, saisi d’une QPC sur la conformité à la constitution des dispositions antérieures de l’article 223 B du CGI (ancien mécanisme de neutralisation de la QPFC au sein de l’intégration fiscale) a jugé qu’en réservant aux groupes fiscalement intégrés le bénéfice de la neutralisation de la QPFC, instituée par les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter à la constitution de groupes nationaux, soumis à des conditions particulières de détention caractérisant leur degré d'intégration. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général justifiant la différence de traitement entre les groupes fiscalement intégrés et les autres (Conseil constitutionnel, décision QPC n° 2018-699, 13 avril 2018, Société Life Sciences Holdings France).  

Cet arrêt, s’il était confirmé, pourrait avoir une incidence sur le régime actuel de la QPFC. Il montre, d’une part, que les incidences de la jurisprudence Stéria sur la QPFC n’ont pas encore été toutes révélées et que les différentes normes supra-législatives peuvent recevoir des interprétations différentes et avoir des effets différents.

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Emmanuel Raingeard de la Blétière

Emmanuel Raingeard de la Blétière

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

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