Panorama d'actualité internationale

A partir de septembre et jusqu’à la fin du premier semestre 2022, l’actualité en matière de fiscalité internationale s’annonce particulièrement riche. Avant de partir en vacances nous avons préparé un panorama des thèmes qui vous occuperont à la rentrée !

Projet de réforme de la fiscalité internationale – OCDE/Cadre inclusif

Le G7 du 5 juin 2021, la réunion du cadre inclusif réunissant 139 pays des 30 juin et 1er juillet et le G20 des 9 et 10 juillet 2021, ont entériné un accord sur le projet de réforme du système fiscal international porté par l’OCDE. Le projet comporte 2 piliers :

  • Le Pilier 1 porte sur la répartition entre les Etats, des droits d’imposition des profits des plus grandes multinationales (i.e. celles réalisant un chiffre d'affaires de plus 20 milliards d’euros (dans un premier temps) et les plus rentables. La juridiction de marché (i.e. le lieu de commercialisation des biens et services) se verrait allouer le droit d’imposer une partie de leurs profits (20 à 30% des profits excédant une marge de 10%). 

  • Le Pilier 2 vise à instaurer un taux d’imposition minimum mondial d’« au moins 15% ». Au-delà du taux d’impôt, le champ d’application exact, la définition de l’assiette imposable (et, dans une moindre mesure les modalités de prélèvement de l’impôt), les mesures de simplification, les exclusions…revêtiront une importance particulière. 

On peut préciser qu’au-delà de l’effet d’affichage, il ne s’agit pas « d’obliger sous la contrainte » les Etats à adopter ce taux minimum mais d’organiser un système permettant, dans l’hypothèse où un Etat applique un taux d’imposition inférieur à ce minimum, aux autres Etats de prélever l’impôt manquant (i.e. la différence entre le taux minimum et le taux effectivement prélevé par l’Etat).

Compte tenu de la complexité de la réforme, si elle est adoptée, il faut s’attendre à ce que plusieurs années soient nécessaires pour qu’elle soit mise en œuvre dans son entièreté par une grande majorité des Etats. Néanmoins, à ce stade, la Déclaration prévoit que la mise en œuvre se ferait selon le calendrier (ambitieux) suivant :

  • Pour le Pilier 1 : un instrument multilatéral sera élaboré et ouvert à la signature en 2022 et le Montant A (voir ci-dessous) prendra effet en 2023 ;

  • Pour le Pilier 2 : un plan de mise en œuvre sera déterminé et publié pour envisager une transposition en droit en 2022 pour une entrée en vigueur en 2023.

Les travaux techniques vont se poursuivre au sein du cadre inclusif avec pour objectif de finaliser un corps de règles pour la prochaine réunion du G20 en octobre 2021.

Notons que, dans l’hypothèse d’un accord, l’UE a annoncé (voir Communication sur la fiscalité du XXIe siècle) qu’elle proposera rapidement des projets de directives pour mettre en œuvre ces 2 piliers au sein de l’UE.

En l’absence de consensus, on peut imaginer que les Etats prendront des mesures unilatérales pour imposer les profits des multinationales et pour assurer une imposition minimum effective. L’UE semble être de ceux-ci. Une telle démarche pourrait alors entraîner des réactions en chaîne et l’édiction de mesures de représailles par les Etats qui se sentiraient visés par celles-ci (à l’instar de la réaction des Etats-Unis lorsque plusieurs Etats ont pris des mesures visant à imposer les entreprises numériques : les « Digital Services Tax » ou « DST »).

Incidences de l’accord sur les « Digital Services Tax »

Selon la Déclaration du cadre inclusif, les DST adoptées par plusieurs Etats devraient être supprimées en cas d’accord. 

On peut rappeler que l’UE souhaite mettre en place une contribution de cette nature en tant que ressources propres (pour financer le plan de relance de l’UE) mais elle a reporté la publication de son projet de contribution, initialement prévue mi-juillet) à l’automne 2021.

Projet de réforme fiscale aux Etats-Unis 

Le Green book, publié le 28 mai 2021 par le département du Trésor américain, présentait le détail des propositions de réforme de la fiscalité annoncées pendant la campagne présidentielle de Joe Biden : 

  • Une augmentation de l’impôt fédéral sur les sociétés de 21 % à 28 %.

  • Une réforme du régime « Global Intangible Low-Taxed Income » (GILTI), règle anti-abus visant l’instauration d’une sorte d’impôt minimum mondial calculé par rapport au taux effectif mondial. Le projet se rapproche des propositions du Pilier 2 de l’OCDE.

  • La création d’une taxe minimum de 15% sur le résultat mondial comptable des sociétés américaines dites “Tax on Global Book Income” pour toutes les sociétés ayant un résultat mondial comptable d’au moins 2 milliards de dollars. Le Green book ne contient que très peu de détails sur cette nouvelle taxe, son champ d’application et son mécanisme. A ce stade, cette taxe s’accompagnerait de crédits d’impôts (R&D, énergie verte, impôts payés à l’étranger, etc.) ainsi que d’un régime de report en avant des déficits.

  • Le remplacement du régime « BEAT » (« Base Erosion and Anti-abuse Tax ») créé en 2017 par le « SHIELD » (« Stopping Harmful Inversions and Ending Low-Tax Developments »). Cette réforme vise à remplacer une clause anti-abus (qui était critiquée) par une autre plus proche de la réforme proposée par l’OCDE dans le cadre du Pilier 2.

  • Un crédit d’impôt de 10% des dépenses éligibles serait offert aux sociétés qui investiraient, développeraient, relocaliseraient des activités et créeraient des emplois aux Etats-Unis et le New Market Tax Credit, déjà existant, serait pérennisé.

  • Le renforcement des règles de limitation de déductibilité des intérêts pour les sociétés américaines en situation d’emprunt excessif par rapport à leur groupe consolidé.  

  • D’autres mesures relatives à la suppression du régime incitatif sur les incorporels dit « FDII » (et son remplacement éventuel par un régime de crédit d’impôt recherche) et l’augmentation des dotations budgétaires pour l’administration fiscale américaine (IRS).

Toutefois, lors de négociations avec la sénatrice républicaine Shelley Moore Capito, le président Biden semble avoir officieusement abandonné (temporairement) son projet d’augmentation du taux d’impôt à 28 % (sans précision du nouveau taux envisagé) ainsi que certaines des autres mesures fiscales proposées. Cette éventuelle concession aurait comme contrepartie la mise en place prioritaire de la “Tax on Global Book Income”.

Les négociations entre démocrates et républicains vont se poursuivre sans que l’on puisse en prédire l’issue, ni même le tempo.

CbCR public, ESG et Transparence – UE et transposition dans les Etats membres

L’adoption formelle désormais programmée de la directive européenne sur le CbCR public, laquelle imposera aux entreprises de publier des informations sur l’impôt qu’elles acquittent, constitue un pas supplémentaire vers la transparence. Les dates d’application pourront, dans une certaine mesure, varier dans les différents Etats membres. Dans l’hypothèse d’une publication de la directive au Journal Officiel en septembre 2021 :

  • la transposition devra intervenir au plus tard début avril 2023. 
  • le 1er exercice à publier serait alors celui qui commence à compter du 1er avril 2024.

Les données à publier sont notamment les suivantes : le nombre d'employés, le revenu agrégé, le bénéfice ou la perte avant impôt,  l'impôt sur les bénéfices dû…

Les informations et données à publier seront à détailler pour chaque Etat membre de l'UE et pour toutes les implantations dans les « paradis fiscaux » (i.e. juridictions figurant sur les black lists UE).

Les données pour les autres juridictions pourront être présentées de manière agrégée.

Enfin, dans certaines circonstances, la publication de certaines données pourra être décalée.

ATAD 3 : l’initiative de la Commission en matière d’« évasion fiscale – lutte contre l’utilisation d’entités et de constructions juridiques écrans à des fins fiscales » - UE

La Commission européenne, ainsi qu’elle l’avait annoncé dans sa Communication sur la fiscalité du XXIè siècle, a publié une initiative sur la « lutte contre l’utilisation d’entités et de constructions juridiques écrans à des fins fiscales ». Selon la Commission, malgré les différentes mesures prises ces dernières années pour lutter contre l’utilisation des structures abusives ou agressives, ces entités « dont la présence commerciale et l’activité économique sont inexistantes ou uniquement minimes, continuent de présenter un risque. »

L’idée serait de définir des critères de substance en s’inspirant notamment des critères et procédures développés dans le cadre de la liste des juridictions non coopératives de l’UE. De même, la Commission s’inspirera probablement des travaux du Code de conduite (lesquels définissent la substance nécessaire pour bénéficier de régimes préférentiels) et devra composer avec la jurisprudence de la CJUE.

Par ailleurs des mesures coercitives devraient être prises et l’analyse d’impact initiale prévoit de retirer les avantages fiscaux obtenus du fait de l’utilisation de telles structures. 

Il n’est pas encore certain qu’une proposition de directive soit adoptée par la Commission. Elle évaluera si le Code de conduite ou un autre instrument de droit souple pourrait atteindre les objectifs poursuivis. Si une proposition de directive devait être retenue, la possibilité d’utiliser la procédure de coopération renforcée est évoquée, ce qui permettrait à un petit groupe d’États membres de l’adopter, en évitant l’obstacle de l’unanimité tout en laissant les Etats membres récalcitrants faire face à l’opinion publique.

Afin d’évaluer le rôle des sociétés écrans dans l’évasion fiscale, la Commission devrait publier en 2021 deux études, l’une sur la richesse financière offshore, l’autre sur les sociétés écrans.

Une consultation publique sur cette initiative est ouverte. Si cette solution était retenue, une directive pourrait être proposée au 4è trimestre 2021 (selon la Communication et l’analyse d’impact initiale) ou au premier trimestre 2022 (selon la fiche consacrée à cette initiative publiée sur son site par la Commission). 

Le DEBRA : l'initiative de la Commission en faveur du renforcement des fonds propres des entreprises et la réduction de l’endettement - UE

Dans sa Communication sur la fiscalité des entreprises du XXIe siècle, la Commission annonce qu’elle proposera, au cours du premier trimestre 2022, le DEBRA (“Debt Equity Bias Reduction Allowance” /Prime en faveur de la réduction de la polarisation dettes/fonds propres).

Elle part du constat qu’il existe un biais fiscal favorisant l’endettement par rapport au capital :

  • Les intérêts liés à la dette sont déductibles ;
  • Les coûts (i.e. les dividendes) liés à la rémunération du capital ne le sont pas.

Ce biais peut contribuer à des endettements excessifs lesquels peuvent avoir des retombées négatives en cas de vague d’insolvabilité. La problématique s’est accrue avec l’augmentation de l’endettement des entreprises pendant la crise sanitaire.

Selon l’analyse d’impact initiale il existe deux options, soit interdire la déductibilité des paiements d’intérêts, soit créer une prime pour le financement par capital par le biais d’une déduction notionnelle. Dans ce dernier cas, plusieurs modalités existent : l’intérêt notionnel pourrait être calculé sur la base soit de l’ensemble des fonds propres des sociétés, soit des nouveaux fonds propres, soit des fonds propres et de la dette (en contrepartie les intérêts ne seraient plus déductibles). 

Le titre même de l’initiative indique que la Commission ne retiendrait pas l’option de non-déduction des intérêts notamment, comme l’indique l’analyse d’impact initiale, car une telle solution, si elle est efficace pour atteindre l’objectif de politique fiscale, aurait des effets négatifs sur la croissance et l’emploi. 

La Commission pourrait donc proposer un système de prime pour le financement par capital. Selon le résumé disponible sur le site de la Commission, « l’initiative introduira une prime pour les nouveaux investissements financés par des fonds propres afin de réduire l’incitation fiscale favorisant l'endettement. L’ensemble du dispositif intégrera un certain nombre de règles strictes en matière de lutte contre l'évasion fiscale en vue de garantir l’équité fiscale. »

Ce système, qui existe dans plusieurs Etats, a déjà été proposé dans le cadre d’une proposition de directive visant à créer une assiette commune consolidée d’IS dans l’UE (projet qui n’a jamais vu le jour et qui est désormais remplacé par le BEFIT). 

Une consultation publique sur cette initiative est ouverte. Une directive pourrait être proposée au premier semestre 2022.

Projet de règlement sur les subventions financières étrangères - UE

Dans l’UE, les Etats membres ne peuvent pas octroyer d’aides d’Etat (prêts, subventions, avantages fiscaux, sociaux, etc.) à des entreprises, sauf à respecter certaines conditions. L’objectif est d’assurer une concurrence loyale sur le marché intérieur. 

Les Etats tiers à l’UE ne se voient pas imposer les mêmes contraintes sauf dans certains cas dans le cadre de l’OMC. La Commission européenne a récemment publié un projet de règlement qui vise à réglementer les subventions financières (y compris celles résultantes de mesures fiscales) perçues par les entreprises dans les Etats tiers (i.e. hors UE) dans la mesure où elles auraient une incidence sur la concurrence au sein de l’UE. Les sanctions seraient importantes puisque la Commission pourrait demander  à l’entreprise bénéficiaire de rembourser ces subventions financières, l’obliger à prendre des mesures de réductions de ses capacités (e.g. de production ou de commercialisation) mais pourrait aussi s’opposer à des opérations d’acquisitions, etc.

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Emmanuel Raingeard de la Blétière

Emmanuel Raingeard de la Blétière

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

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