ETI/PME - devoir de vigilance

Le sujet de la RSE dans les relations entre les donneurs d’ordre et leurs fournisseurs est aujourd’hui au cœur de l’actualité notamment depuis l’adoption de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au Devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre[1].

Le Cadre juridique de l’obligation de vigilance

A travers le Devoir de vigilance, le législateur français impose aux grands groupes de mettre en place un plan de vigilance permettant d’identifier et de prévenir les risques en matière de droits humains, d’environnement et de corruption concernant leurs activités et celles de leurs filiales, mais aussi celles de leurs fournisseurs et sous-traitants avec lesquels ils entretiennent « des relations commerciales établies » et ce au-delà du Rang 1.

En effet, après la prise de conscience liée à l’effondrement en 2013 du Rana Plazza, un immeuble qui abritait les sous-traitants de multinationales du textile au Bangladesh, l’objectif était de responsabiliser les entreprises sur l’ensemble de leurs activités, mais également sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.

Ce d’autant que la loi sur le Devoir de vigilance s’inscrit dans un mouvement de fond de responsabilisation des entreprises qui dépasse largement les instruments habituels de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), lesquels reposent traditionnellement sur la soft law ou le volontariat. L’adoption de la loi Pacte en 2019, les premières jurisprudences rendues par les tribunaux français ou le vote d’une résolution « contenant des recommandations […] sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises » par le Parlement européen en mars 2021 en sont l’illustration.

En pratique, les entreprises concernées (grandes entreprises ou grands groupes de plus de 5 000 personnes ou 10 000 employés (siège hors France)) doivent se conformer aux 5 volets du Plan de Vigilance destiné à responsabiliser leur réseau d’approvisionnement au-delà des frontières, à savoir[2] :

  • une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;
  • des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs ;
  • des actions adaptées d’atténuation des risques et de prévention des atteintes graves ;
  • un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements ; et
  • un dispositif de suivi des mesures et d’évaluation de leur efficacité.

Son impact sur les ETI / PME

Par irrigation, la loi sur le Devoir de Vigilance infuse à travers tous les maillons de la chaîne de sous-traitance, constituée d’entreprises de taille inférieure (ETI ou PME) avec lesquels les groupes entretiennent des relations commerciales établies (de rang 1). En réalité les donneurs d’ordres attendent des ETI et des PME que ces dernières maîtrisent la responsabilité sociétale tout au long de la chaine d’approvisionnement, ce qui concernera donc également a fortiori les fournisseurs de rangs 2, 3…

On le constate, les grands groupes imposent progressivement à leurs entreprises sous-traitantes de développer les mêmes bonnes pratiques de vigilance qui pèsent sur eux. A ce titre, les PME et les ETI de la supply chain sont priées de fournir des données sur leurs actions et résultats en matière de responsabilité sociétale (RSE). Pour autant, et c’est là la limite, les PME / ETI ne disposent évidemment ni des moyens organisationnels ni des moyens financiers de leurs donneurs d’ordre. Certains ont pu considérer à ce titre que "le devoir de vigilance avait tout simplement été délégué aux PME"[3].

En pratique, et selon une étude Pwc-Orse-Bpifrance (*), près de 80 % des PME françaises sont ainsi sollicitées par leurs donneurs d’ordre sur les sujets de RSE, que ce soit pour signer une Charte ou un Code de conduite, se déclarer en conformité avec les principales normes sociales et environnementales (santé, sécurité, pollution, respects des droits humains), inclure des clauses spécifiques dans leurs contrats ou se soumettre à une évaluation extra-financière.

Cette « chaîne de responsabilisation » ci-dessus décrite expose naturellement les fournisseurs ETI / PME à une potentielle rupture des relations contractuelles en cas de non-respect de standards RSE, lesquels sont de plus en plus contraignants.

A l’inverse, les PME et ETI qui souhaitent se distinguer en faisant du respect du Devoir de vigilance en atout concurrentiel, doivent rapidement appréhender les enjeux liés au devoir de vigilance et mettre en place les moyens d’action destinés à améliorer leurs pratiques et à réduire au maximum les risques. En effet, ce cercle vertueux doit être perçu comme une opportunité pour les ETI et les PME d’améliorer leurs offres, leur process et leur gouvernance, voire de s’engager dans des processus de labellisation RSE (lesquels labels devront eux aussi être sélectionnés avec discernement, eu égard à la prolifération des labels RSE ces derniers mois).

A ce titre, un meilleur accompagnement des PME, afin de leur permettre de structurer leur politique RSE (via notamment, la définition d’un plan d’action, l’implication accrue des directions juridiques, la mise en place de formations dédiées, etc.) s’avère indispensable.

(*) Retrouvez l’intégralité de l’étude PwC-Orse-Bpifrance : https://www.orse.org/nos-travaux/etude-bpifrance-pwc-orse-rse-la-parole-aux-fournisseurs

 


[1] Le texte est disponible sur www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2017/3/27/ECFX1509096L/jo/texte.

[2] Les manquements à ces obligations sont sanctionnés par une amende civile et la mise en jeu de la responsabilité civile du donneur d’ordre. Deux actions judiciaires sont envisageables, l’action préventive en cessation de l’illicite (article L. 225-102-4, II du Code de commerce) et l’action en responsabilité (article L. 225-102-5).

[3] Guillaume de Bodard, Président de la Commission Environnement et Développement Durable de la CGPME.

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Eric Hickel

Eric Hickel

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

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