Opération de réorganisation et transfert d’activité Focus sur le transfert des salariés

Les opérations de réorganisation intragroupe (simplification de l’organigramme juridique du groupe par exemple) ou de croissance externe soulèvent de nombreuses questions relatives au transfert des salariés : automatique ou non, possibilité de refuser, quid des fonctions partagées … soit autant de sujets à anticiper en coordination avec l’ensemble des spécialistes impliqués sur l’opération de réorganisation. Voici un exposé, certes non exhaustif, de points d’attention qu’il convient d’analyser dans le cadre de la préparation de tout projet de réorganisation.

Préparer la procédure de transfert des salariés et de consultation des représentants du personnel

Le transfert des salariés impacte les trois grands champs du droit social dans l’entreprise : le contrat de travail, le statut collectif (les accords, les usages), en cela inclus la participation et plus largement l’épargne salariale, et enfin la représentation du personnel (élus et syndicats).

Transfert automatique ?

Le premier point à analyser concerne le cadre juridique du transfert de l’activité : est-on dans le champ d’application de l’article L.1224-1 du Code du travail qui prévoit le transfert automatique des contrats de travail en cas d’opération de fusion par exemple ? Pour y répondre, la question à poser est celle de la nature de l’activité transférée ; transfère-t-on une activité que l’on peut qualifier d’entité économique autonome ?

Si oui, le transfert des contrats de travail sera automatique et obligatoire, mais pas seulement :

  • Le transfert des salariés en application de l'article L 1224-1 du Code du travail, même un instant de raison, emporte toutes les conséquences d'un changement d'employeur, et en particulier la mise en cause du statut collectif.
  • Il est important de préciser “même un instant de raison” car s’il y a plusieurs transferts successifs, même un « aller-retour » d’une société à une autre « un instant de raison », chacun de ces transferts emporte des conséquences sociales et il est nécessaire de les prendre en considération.
  • Les accords collectifs de l’entité transférée sont mis en cause (avec une survie provisoire de 15 mois au plus) et doivent être renégociés : il s’agit d’un point d'attention important si on touche notamment à des accords structurants, comme la durée du travail, dans un climat social tendu. Revenir à une organisation basée sur la durée légale du travail de 35h, sans aucun aménagement, peut mettre en péril l’activité.
  • Notons que les usages sont transférés, et sauf dénonciation, restent applicables aux salariés transférés.

Face à la mise en cause du statut collectif, l’harmonisation de ce statut avec celui de l’entité d’accueil, lors d’une fusion par exemple, est un enjeu clé. Elle doit être projetée à la fois qualitativement et en termes de coûts dès la préparation du projet afin de pouvoir orienter les négociations et connaître le champ des possibles et les limites que l’on doit se fixer. Cela permet d’éviter des surcoûts non anticipés lors de la mise en œuvre des opérations.

Une attention particulière doit être portée sur l’estimation de l’impact de l’opération sur la participation des salariés : hausse ou baisse, cela sera toujours un sujet à anticiper pour le gérer au mieux.

Enfin, il conviendra d’analyser le sort des mandats des élus et des représentants syndicaux au sens large : maintien ou fin des mandats (cas le plus fréquent) et la configuration du climat social peut s’en trouver bouleversée.

Si le transfert de l’activité est réalisé hors du champ de l’article L.1224-1, il faudra demander son accord préalable à chaque salarié et signer ce qu’il est d’usage de nommer une convention tripartite de transfert. La question des refus est au centre de ces opérations : comment gérer les refus (statu quo, licenciement), vrai sujet qui peut constituer un obstacle majeur pour mener l’opération à bien.

C’est pour cette raison que l’analyse de l'activité transférée pour déterminer si l'opération qualifie ou non pour l'application de l'article L1224-1 et emporte le transfert automatique des contrats de travail des salariés est centrale. L’analyse doit impérativement être menée en commun avec le droit fiscal et le droit des sociétés pour s'aligner sur les qualifications (branche complète d'activité, fonds de commerce) : si le droit fiscal conclut à une branche complète d’activité, il est probable que l’article L. 1224-1 du Code du travail soit applicable, dans le cas contraire, il faudra le justifier.

Périmètre de l’activité transférée

Dans certaines hypothèses de réorganisation comportant un transfert d’activité partiel seulement, la question du « détourage » de l’activité et de la détermination des salariés attachés à cette partie d’activité est clé.

Cette analyse est consommatrice de temps puisqu’il faut déterminer :

  • Le périmètre exact de l’activité transférée,
  • Les salariés qui sont dédiés à 100%,
  • Les salariés qui sont partagés entre plusieurs activités.
  • L’expérience montre que cette étape demande de faire une revue détaillée car les intitulés de poste sur les bulletins de paye et dans le système RH ne sont parfois pas à jour et ne correspondent donc pas toujours à l’activité réelle du salarié.

Calendrier

Enfin, il est nécessaire d’anticiper le timing de l'opération en prenant en considération toutes les contraintes de communication et d'information consultation préalable des CSE notamment, et des salariés dans le cadre de la loi Hamon, le cas échéant. Ces obligations doivent être intégrées dans le calendrier global de projet.

Il convient aussi de préparer la négociation de l'harmonisation et d'en évaluer les coûts.

Enfin, si le projet touche plusieurs sociétés d’un même groupe dans différents pays, il est important d’intégrer dans le calendrier les différentes communications qui pourraient être faites au niveau du groupe afin d’éviter tout délit d’entrave en France : une annonce en Italie ne doit pas dévoiler une réorganisation qui concerne la France et qui n’a pas encore été annoncée. Nous touchons ici à un point qu’il ne faut absolument pas négliger, la communication sur l’opération.

Gérer la communication : le rationnel de l’opération

Le rationnel de l’opération est le fil rouge qui va permettre d'expliquer l'opération à l’ensemble des interlocuteurs en interne et en externe : les partenaires sociaux (les CSE, les syndicats), les salariés, l’administration, les clients, les sous-traitants si besoin :

  • Ce rationnel répond aussi à une obligation légale qui est de fournir aux CSE les raisons du projet qui lui est présenté.
  • Ce rationnel va constituer la base de l'ensemble de la communication.
  • Un bon rationnel est l’affaire de tous car pour être cohérent, il doit être développé par toutes les parties prenantes (fiscal, juridique, communication, social) et détailler les raisons opérationnelles qui justifient le projet.

Plus précisément, un bon rationnel, expliqué de façon pédagogique, clair et simple est indispensable sur le plan social :

  • Toute réorganisation doit toujours faire sens opérationnellement pour pouvoir expliquer le futur.
  • Le risque social d’un mauvais rationnel est en tout premier lieu le refus du CSE de rendre son avis estimant que les informations qui lui ont été communiquées ne sont pas suffisamment claires et précises. Ce refus suspendra la mise en œuvre du projet.
  • Enfin, le risque sera le manque d'adhésion des salariés au projet de réorganisation, moins visible dans un premier temps mais qui freinera la mise en place effective de la réorganisation.

 

{{filterContent.facetedTitle}}

Suivez notre actualité sur LinkedIn

Contactez-nous

Corinne  Guyot Chavanon

Corinne Guyot Chavanon

Avocat, Associée, PwC Société d'Avocats

Masquer