Art. 182 B du CGI / Le bénéficiaire de revenus soumis à la retenue à la source est en droit d’en contester l’application alors même qu’elle n’a pas été prélevée spontanément par le débiteur
CE 15 novembre 2021, n° 453022, mentionné au recueil Lebon
Une société française se voit notifier un rehaussement par l’administration qui considère que les sommes qu’elle a versées à diverses sociétés étrangères en contrepartie de la réalisation de prestations de services devaient être soumises à la retenue à la source de l’art. 182 B du CGI.
(Ndlr : ce redressement a donné lieu à un long contentieux à l’issue duquel le Conseil d’Etat a jugé que l'art. 182 B du CGI, en tant qu'il ne permettait pas, pour le calcul de la retenue à la source, la déduction des charges qui auraient été exposées à raison de l'exercice de la profession, méconnaissait le principe de liberté de prestation de services garanti par le TFUE - CE 22 novembre 2019, n° 423698, SAEM de gestion du Port Vauban).
Une de ces sociétés, établie au Luxembourg, demande la décharge partielle de la part de cette retenue à la source la concernant et mise en recouvrement auprès de la société française, au motif que l’assiette de la retenue à la source doit être calculée sur une base nette c’est-à-dire après déduction des frais professionnels qu’elle a supportés.
Le TA fait droit à la demande de la société.
Devant la CAA le Ministre soutient notamment, que les premiers juges auraient dû relever d'office que la demande de la société luxembourgeoise était irrecevable faute de disposer d'un intérêt lui donnant qualité pour agir dès lors que :
La CAA rejette la position du Ministre et considère que ladite société, même si elle n’est pas débitrice de la retenue à la source, est recevable à contester le rehaussement.
Le CE confirme la position de la CAA.
Il rappelle dans un premier temps que, tant le responsable du paiement de la retenue à la source à laquelle donnent lieu les paiements effectués par une personne établie en France en rémunération de prestations rendues en France, que le prestataire, bénéficiaire de ces revenus, sont recevables à contester cette retenue devant le juge de l'impôt.
Le CE énonce ensuite que :
La question soulevée dans cette affaire n’avait semble t ’il jamais été traitée par le CE. En effet, s’il est de jurisprudence constante qu'en matière de retenue à la source, tant le responsable du paiement de la retenue à la source que le bénéficiaire des revenus sont recevables à contester la retenue à la source effectivement prélevée devant le juge de l'impôt (en ce sens CE 19 décembre 1975, n° 84774 et n° 91895 et CE 6 avril 2007, n° 235069, Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit France), la question ici soulevée était celle de savoir si une même approche pouvait être retenue lorsque la retenue à la source n’a pas été spontanément prélevée par le débiteur des revenus et qu’en conséquence le bénéficiaire des revenus n’a pas vu son revenu amputé d’un quelconque montant. En effet, dans une telle situation les impositions qui sont mises à la charge du débiteur à l’occasion d’un contrôle fiscal n’ont en principe aucune conséquence pour le bénéficiaire des revenus.
Le Conseil d’Etat, suivant en cela les conclusions de son rapporteur Karin Ciavaldini, juge toutefois que cette circonstance est sans incidence sur la capacité du bénéficiaire des sommes à contester la retenue à la source ultérieurement réclamée.