Les baux commerciaux sous surveillance énergétique

11/07/22

Le renforcement des exigences de performance énergétique dans le cadre des baux commerciaux se poursuit ! Prochaine échéance : le 30 septembre 2022.

On se souvient que la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Loi Grenelle 2 », a introduit l’obligation de joindre aux baux commerciaux une annexe environnementale pour les locaux à usage de bureaux ou de commerces de plus de 2.000 m², aussi appelée « Bail vert », (article L. 125-9 du Code de l’environnement et articles D. 174-19 et suivants du Code de la construction et de l’habitation - CCH). Cette obligation a pris effet le 1er janvier 2012 pour les baux conclus ou renouvelés à partir de cette date et le 14 juillet 2013 pour les baux en cours. Cette annexe comporte des clauses destinées à améliorer les performances environnementales de l'immeuble loué afin de réduire les consommations énergétiques. Bailleur et preneur doivent se communiquer mutuellement les éléments relatifs aux équipements s’agissant du chauffage, du refroidissement, de la ventilation, de l'éclairage, des consommations d’énergie et d’eau ainsi que de la quantité et du traitement des déchets. Par ailleurs, les parties doivent établir régulièrement un bilan de l'évolution de la performance énergétique et environnementale et s’engager sur un programme d'actions.

La loi Grenelle 2 imposait en parallèle des travaux d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire. On entend par activités tertiaires, notamment, les activités de bureaux, commerces et services, hôtellerie, restauration, logistique, enseignement, sport, culture et spectacles, vente et services automobile et moto, stationnement, etc. (Ministère de la transition écologique, fiche « Eco Energie Tertiaire »). Le législateur a, depuis, aménagé ce principe à l’occasion de plusieurs textes : la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « Loi Elan », ainsi que la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Loi Climat et Résilience ». L’obligation est aujourd’hui énoncée par l’article L. 174-1 du CCH, complété par les dispositions introduites par le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 (dit « décret tertiaire ») et codifiées aux articles R. 174-22 et suivants du CCH, ainsi que par les principes posés par l’arrêté du 10 avril 2020, plusieurs fois modifié depuis (Arrêté du 10 avril 2020, NOR LOGL2005904A).

La consommation d’énergie finale - pour les bâtiments existants à usage tertiaire – doit être réduite à hauteur de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010. Les objectifs sont, (i) soit un niveau de consommation d'énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010, (ii) soit un niveau de consommation d'énergie finale fixé en valeur absolue pour chaque catégorie d’activité, mieux adapté aux bâtiments neufs ou récents déjà performants. L’obligation peut être modulée en cas de contraintes techniques spécifiques, de changement de l'activité exercée dans les bâtiments ou du volume de cette activité, ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d'énergie finale.

Attention ! L’obligation ne s’applique que pour les bâtiments (parties de bâtiments ou ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site) hébergeant exclusivement ou partiellement des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée égale ou supérieure à 1.000 m².

Bailleurs et preneurs sont appelés à agir de concert en définissant ensemble – dans le cadre du bail commercial - les actions qui relèvent de chacun et qui permettront d’atteindre les objectifs. Ce partage devra bien entendu respecter la répartition des charges établie par ailleurs par les parties en conformité avec l’article R. 145-35 du Code de commerce (le bailleur devant garder à sa charge le coût des grosses réparations de l’article 606 du Code civil).

Ces actions peuvent porter sur (i) la performance énergétique des bâtiments, (ii) l'installation d'équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements, (iii) les modalités d'exploitation des équipements et (iv) l'adaptation des locaux à un usage économe en énergie et le comportement des occupants.

Par ailleurs, chaque partie au bail commercial est tenue de transmettre annuellement les éléments relatifs à la consommation d'énergie la concernant (en fonction des stipulations du bail) sur une plateforme numérique dénommée OPERAT[1] (Observatoire de la Performance Energétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire) gérée par l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) : surfaces, consommations annuelles, éléments de modulation…

Cette transmission, initialement fixée au 30 septembre 2021, a été reportée au 30 septembre 2022 (décret n° 2021-1271 du 29 septembre 2021 et arrêté du 29 septembre 2021, NOR LOGL2114084A). Les données de consommation énergétiques à déclarer seront celles des années 2020 et 2021, qui serviront de données de référence (pour les années suivantes, les données relatives à l'année précédente seront transmises chaque année au plus tard le 30 septembre). Les parties peuvent déléguer la transmission à un prestataire ou aux gestionnaires des réseaux de distribution d'énergie et le preneur peut déléguer cette déclaration au propriétaire. La plateforme génère une attestation numérique annuelle qui sert de base à l’évaluation du respect de l’obligation de réduction de la consommation énergétique. Chaque année, l’évaluation est annexée au bail à titre d’information.

Les parties sont également tenues de se communiquer mutuellement les consommations annuelles énergétiques réelles de l'ensemble des équipements et des systèmes dont elles assurent respectivement l'exploitation.

L’absence de communication des données sur la plateforme OPERAT peut, dès 2022, donner lieu à des mesures de publicité (« Name and shame ») sur un site dédié. Le fait de ne pas atteindre les objectifs de réduction de la consommation d'énergie expose bailleurs et preneurs à la même sanction de publicité, mais aussi à une amende administrative d'un montant maximal de 1.500€ pour les personnes physiques et 7.500€ pour les personnes morales, étant précisé que les premiers contrôles n’interviendront que fin 2031 (CCH, article R. 185-2).

En conclusion, avant le 30 septembre 2022, les parties au bail commercial devront avoir transmis les données requises via la plateforme OPERAT. Par ailleurs, elles devront réfléchir à la conclusion d’un avenant qui définira le rôle respectif du bailleur et du preneur dans cette transmission, le plan d’action à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de performance énergétique, ainsi que la répartition des travaux nécessaires.


[1] https://operat.ademe.fr/#/public/home

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Aurélia Durda Veno

Aurélia Durda Veno

Senior Manager, PwC Société d'Avocats

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