Fiscalité immobilière : une actualité en demi-teinte

08/07/22

  • Proposition de directive « DEBRA »

Proposition de directive du Conseil du 11 mai 2022 établissant des règles relatives à un abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l’endettement et à la limitation de la déductibilité des intérêts aux fins de l’impôt sur les sociétés

La Commission européenne a dévoilé le 11 mai 2022 une proposition de directive dite directive « DEBRA » (acronyme de « Debt-equity bias reduction allowance »). L’objet de cette directive est, par le biais de l’introduction de nouvelles règles fiscales, d’inciter les entreprises à financer leurs investissements par des apports en fonds propres, au lieu de recourir à des emprunts.

Seraient concernés par cette directive tous les contribuables soumis à l’impôt sur les sociétés dans un ou plusieurs Etats membres. Seraient toutefois exclus de son champ d’application, en particulier, certains fonds d’investissements, les établissements de crédits ou encore les entreprises d’assurance ou de réassurance.

Les principales mesures fiscales prévues par la directive « DEBRA » consistent en l’introduction, d’une part, d’un mécanisme d’abattement sur les fonds propres (ce qui, du point de vue français, serait tout à fait novateur) et, d’autre part, d’une règle additionnelle de limitation de la déductibilité des intérêts (qui s’ajouterait aux règles issues de la directive « ATAD 1 »).

A l’exception des Etats dont la législation inclut déjà un mécanisme d’intérêts notionnels, cette directive devrait, sous réserve de son adoption par les Etats membres, être transposée d’ici le 31 décembre 2023 pour une application à compter du 1er janvier 2024.

L’œil de PwC : la proposition de directive « DEBRA » si elle est adoptée en l'état viendrait, une nouvelle fois, limiter la déductibilité fiscale des intérêts financiers. En contrepartie, un mécanisme de déduction des intérêts notionnels serait introduit en droit français, ce qui serait inédit. Toutefois, le bénéfice lié à l’introduction d’un mécanisme d’intérêts notionnels pourrait s’avérer limité en matière immobilière dès lors que, sauf cas particuliers, les capitaux propres de véhicules d’investissement immobiliers suivent le plus souvent une tendance baissière (en raison, notamment, des problématiques de « cash trap »). Ces nouvelles règles pourraient, par ailleurs, renforcer l’attractivité des véhicules d’investissement régulés.  

  • Champ d’application de la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis du Code général des impôts (1/2)

Décision n° 451379 du 31 mai 2022 du Conseil d’Etat

L’article 257 bis du Code général  des impôts prévoit que, sous réserve du respect de certaines conditions, les livraisons de biens réalisées à l’occasion de la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens sont « dispensées » de la TVA. Cette disposition s’applique, en particulier, aux cessions isolées d’actifs immobiliers affectés à une activité locative soumise à la TVA, sous réserve notamment que le cessionnaire entende poursuivre cette activité et la soumette également à la TVA.

Il semblait acquis que l’article 257 bis trouve à s’appliquer tant dans le cadre de mutations de biens immobiliers soumises à la TVA que dans le cadre de celles qui en sont exonérées (la dispense se traduisant, dans le premier cas, par une dispense de taxation et, dans la seconde situation, par une dispense de régularisation). Bien que le champ d’application de l’article 257 bis ait pu susciter certaines discussions dans des hypothèses particulières, ce principe d’application de la dispense de la TVA aux opérations taxables et exonérées ne faisait jusqu’alors guère de débat (l’administration ayant elle-même admis cette interprétation dans le cadre de rescrits publiés).

Toutefois, dans une décision remarquée du 31 mai 2022, le Conseil d’Etat apparaît contredire, du moins partiellement, cette analyse en considérant que la dispense prévue par l’article 257 bis ne peut bénéficier qu’à une opération « soumise » à la TVA. Bien que la portée exacte de cette décision demeure encore incertaine (en particulier car elle porte sur une opération intervenue avant la réforme de la TVA immobilière), il semblerait à la lecture des conclusions du rapporteur public qu’elle doive être interprétée comme excluant les mutations exonérées de biens immobiliers du champ d’application de l’article 257 bis.

Le Conseil d’Etat réserve toutefois l’hypothèse des contribuables souhaitant, sur le fondement de l’article L80 A du Code général des impôts, se prévaloir de la doctrine administrative, laquelle admet expressément l’application de la dispense aux cessions de biens immobiliers exonérées de TVA (BOI-TVA-DED-60-20-10, n° 285).

L’œil de PwC : les incidences pratiques de cette décision du Conseil d’Etat devraient, dans la majorité des cas, s’avérer limitées dès lors que les contribuables auront toujours la faculté de réclamer le bénéfice de la doctrine administrative qui, elle, prévoit l’application de l’article 257 bis dans le cadre de transactions immobilières exonérées de TVA. Cela étant, un ajustement des clauses TVA des actes notariés devrait, néanmoins, s’avérer nécessaire dans l’attente d’une probable modification de l’article 257 bis (cette décision soulevant des doutes quant à sa conformité au droit communautaire).

  • Champ d’application de la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis du Code général des impôts (2/2)

Réponse ministérielle à la question écrite n° 335808 de M. Romain Grau

Le député Romain Grau a interrogé le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur l’applicabilité de l’article 257 bis dans l’hypothèse d’une levée d’option exercée dans le cadre d’un contrat de crédit-bail immobilier. La situation visée est celle, plus précisément, d’un crédit-preneur affectant le bien loué, puis acquis, à l’exercice d’une activité de nature hôtelière.

Fondant son raisonnement sur la jurisprudence communautaire, le ministre a répondu de manière négative à cette question au motif que cette opération ne constitue qu’une simple acquisition d’une immobilisation affectée à une activité préexistante d’exploitant hôtelier et, en conséquence, ne s’inscrit pas dans le cadre d’une transmission universelle de biens.

Cette analyse, qui n’est pas celle qui était toujours retenue en pratique, est susceptible de s’appliquer tant aux opérations passées qu'aux transactions à venir (exception faite des opérations au titre desquelles des contribuables auraient obtenu des rescrits individuels en sens contraire).  

L’œil de PwC : les transactions immobilières réalisées dans le cadre de levées d’option exercées par des exploitant hôteliers devront donc, selon les cas, être soumises à la TVA ou donner lieu à une régularisation de TVA (ce qui, dans cette dernière hypothèse, devrait conduire, eu égard à la pratique de marché consistant pour le vendeur à refacturer à l’acheteur la régularisation de TVA, à une majoration de l’assiette des droits d’enregistrement).

  • Inconstitutionnalité du droit de suite en matière de taxe foncière

Décision n° 2022-992 QPC du 13 mai 2022 du Conseil constitutionnel

L’article 1920, 2.-2° du Code général des impôts prévoit qu’en matière de taxe foncière, le privilège du Trésor est susceptible de s’exercer sur « les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution ».

Selon la Cour de cassation, il résulte de cette disposition que le privilège spécial de la taxe foncière comporte un droit de suite, en conséquence duquel le Trésor public est en droit de saisir les loyers dus par un locataire à raison des taxes foncières concernant un immeuble, quand même bien l’immeuble en question ne serait plus la propriété du contribuable inscrit au rôle.

Saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la Constitution au motif que cette dernière porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété des personnes privées, droit protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Bien que cette déclaration d’inconstitutionnalité vise une ancienne version du texte (à savoir celle résultant de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984), le même raisonnement devrait pouvoir être suivi s’agissant des dispositions actuellement en vigueur dès lors que ces dernières sont rédigées dans des termes semblables.

Cette décision suscite, par ailleurs, des questions quant à la constitutionnalité du droit de suite dont dispose le Trésor public s’agissant de la taxe prévue à l’article 231 ter du Code général des impôts (dite « taxe sur les bureaux ») qui, bien que fondé sur une disposition distincte (à savoir l’article 1920, 1.-1° du Code général des impôts), repose sur un mécanisme similaire.

L’œil de PwC : cette décision est de nature à fluidifier les diligences d’acquisitions réalisées par les acquéreurs d’actifs immobiliers dès lors que le nouveau propriétaire d’un bien immobilier ne devrait plus courir le risque que l’administration fiscale mette à sa charge les éventuels arriérés de paiement de taxe foncière du vendeur.

 

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Sandra Aron

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Avocat, Associée, PwC Société d'Avocats

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