L’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité et organisation du dialogue social : publication de l’ordonnance du 6 avril 2022

12/07/22

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Le Gouvernement a choisi d’accompagner le développement des plateformes numériques et des nouvelles formes de travail qui en découlent, tout en garantissant des droits renforcés aux travailleurs indépendants et en favorisant l’émergence d’un dialogue social structuré entre les plateformes et des représentants légitimes des travailleurs indépendants des plateformes.

Plusieurs axes de réformes ont ainsi été poursuivis, et notamment l’ordonnance du 6 avril 2022 (prise sur le fondement de l’article 2 de la loi n°2022-139 du 7 février 2022 ratifiant l’ordonnance n°2021-484 du 21 avril 2021), qui a abouti à l’insertion de nouvelles dispositions dans le Code des transports.

Les dispositions de cette ordonnance couvrent les sujets suivants :

Les modalités de représentation

L’ordonnance complète le dispositif organisant le dialogue social de secteur entre les représentants des plateformes de VTC (voiture de transport avec chauffeur) et de livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non, et les travailleurs indépendants qui recourent à ces activités.

A ce titre, l’ordonnance :

  • détermine les formes juridiques que peuvent revêtir les organisations susceptibles de représenter les entreprises de plateformes et met en place un cadre permettant de reconnaître leur représentativité au niveau des secteurs d’activité économique ;
  • impose, outre les critères traditionnels de la représentativité, une audience minimale de 8%, qui s’apprécie à hauteur de 30% au regard du nombre de travailleurs inscrits sur les plateformes adhérentes à l’organisation, et à hauteur de 70% au regard du montant total des revenus générés par les entreprises des plateformes adhérentes à l’organisation ;
  • prévoit que les organisations des plateformes devront déposer leur candidature auprès de l’ARPE (Autorité des Relations sociales des Plateformes d’Emploi), qui est chargée de contrôler le respect des critères de représentativité ; 
  • indique que la liste des organisations reconnues représentatives dans les secteurs d’activité est arrêtée par le directeur général de l’ARPE, au nom de l’Etat, après avis du conseil d’administration de l’établissement public.

Pour ce premier cycle de mesure de la représentativité, les arrêtés fixant la liste des organisations représentatives seront publiés avant le 31 octobre 2022. Les organisations reconnues représentatives désigneront ensuite leurs représentants, dont le nombre sera déterminé par décret. 

Les règles de la négociation collective

L’ordonnance vient également définir les règles de négociation collective dans les secteurs d’activité suivants :

  • conduite d’une voiture de transport avec chauffeur ;
  • livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non.

Les accords ainsi conclus :

  • peuvent définir au sein de chaque secteur le champ d’application territorial et professionnel de leurs stipulations ;
  • sont négociés par les représentants des organisations de travailleurs et les représentants des organisations de plateformes reconnues représentatives ;
  • sont valables, dès lors, d’une part, qu’ils sont signés par au moins une organisation de plateformes et par des organisations de travailleurs représentant plus de 30% des suffrages exprimés lors des élections, d’autre part, qu’aucune organisation de travailleurs représentant au moins 50% des suffrages exprimés ne s’y est opposée ;
  • doivent avoir été négociés de manière éclairée. A cette fin, l’ordonnance prévoit que les organisations de plateformes communiquent aux organisations de travailleurs les informations nécessaires.

Pour favoriser la conclusion d’accords sur les sujets d’importance particulière, l’ordonnance prévoit une obligation d’engager une négociation tous les ans au niveau du secteur, sur au moins un des thèmes suivants :

  • Les modalités de détermination des revenus des travailleurs, y compris le prix de leurs prestations de services ;
  • Les conditions d’exercices de l’activité professionnelle des travailleurs, et notamment l’encadrement de leur temps d’activité, ainsi que les effets des algorithmes et des changements les affectant sur les modalités d’accomplissement des prestations ;
  • La prévention des risques professionnels et des dommages causés à des tiers ;
  • Les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels.

D’autres thèmes de discussions possibles sont également listés.

L’ordonnance prévoit la possibilité de négocier des accords de méthode permettant à la négociation de s’accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties.

L’accord ainsi conclu s’applique aux plateformes adhérentes aux organisations signataires et à leurs travailleurs relevant des secteurs concernés. Il s’impose aux contrats commerciaux liant les plateformes et les travailleurs du secteur concerné, aux engagements unilatéraux et aux chartes de responsabilité sociale que peuvent adopter les plateformes, sauf stipulations plus favorables.

Les modalités d’application, de révision, de dénonciation des accords collectifs de secteur sont précisées.

Une procédure d’homologation des accords de secteur est établie. Cette homologation a pour effet de rendre obligatoire les stipulations de l’accord pour toutes les plateformes et leurs travailleurs compris dans son champ d’application.

Dans chaque secteur, une commission de négociation est créée. Outre la négociation d’accords, la commission constituera un lieu d’échange d’informations et de dialogue entre organisations. 

Enfin, l’ordonnance met en place un dispositif permettant aux organisations représentatives des plateformes et des travailleurs de bénéficier d’une expertise financée par l’ARPE pour les accompagner lors des négociations des accords de secteur.

Les missions de l’ARPE

L’ordonnance est venue compléter les missions de l’ARPE, nouvel établissement public chargé de réguler le dialogue social entre plateformes et travailleurs indépendants.

A ce titre, elle précise que le directeur général de l’ARPE est chargé :

  • de fixer la liste des organisations de plateformes reconnues représentatives ;
  • d’accompagner les représentants des travailleurs et des plateformes dans la mise en œuvre des règles de négociation collective ;
  • de rendre une décision sur l’homologation des accords de secteur.

L’ordonnance prévoit également la possibilité pour l’ARPE d’observer les pratiques des plateformes, de conduire des enquêtes ou études relatives à ces sujets et émettre des avis et préconisations. Elle lui attribue en outre une fonction de médiation afin de faciliter le règlement des conflits en matière de dialogue social entre plateformes et travailleurs indépendants.  

L’autonomie des travailleurs indépendants

L’ordonnance réaffirme l’autonomie des travailleurs indépendants dans les modalités de réalisation des prestations.

Ainsi, l’ordonnance :

  • impose aux plateformes de communiquer aux travailleurs, lorsqu’elles proposent une prestation, la destination de la prestation. Le travailleur détermine librement son itinéraire au regard des conditions de circulation, de l’itinéraire proposé par la plateforme et le cas échéant du choix du client ;
  • garantit un délai raisonnable pour accepter ou non une proposition de prestation;
  • rappelle que les travailleurs ne peuvent se voir imposer l’utilisation d’un matériel ou équipement déterminé, sous réserve des obligations légales et réglementaires en matière de santé, de sécurité et de préservation de l’environnement ;
  • réaffirme le principe de non-exclusivité de la relation commerciale entre les plateformes et les travailleurs indépendants qui y recourent. Ces derniers peuvent recourir pour leur activité à plusieurs intermédiaires ou acteurs de mise en relation avec des clients, ou commercialiser leurs prestations sans intermédiaire ;
  • rappelle que l’exercice de ces droits ne peut constituer un motif de suspension ou de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité.

Ordonnance n°2022-492 du 6 avril 2022, JO du 7 avril 2022 renforçant l’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité, portant organisation du dialogue social de secteur et complétant les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE).


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Bernard Borrely

Bernard Borrely

Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Corinne Bourdelot

Corinne Bourdelot

Avocat, Directrice, PwC Société d'Avocats

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