Appréciation du caractère privilégié d’un régime fiscal étranger et régime de faveur des fusions 

Les conditions d’imposition de droit commun en France pour apprécier le caractère privilégié d’un régime fiscal étranger n’incluent pas le régime de faveur des fusions de l’art. 210 A du CGI. 

CAA Versailles 26 janvier 2023 n° 20VE02424, M. B

Une société A de droit luxembourgeois apporte des titres à l’une de ses filiales luxembourgeoises, générant une importante plus-value soumise à l’impôt luxembourgeois au taux de 0,21 %.

Estimant que la société A est soumise à un régime fiscal privilégié, dépourvue de substance économique et procède d’un montage artificiel,  l’administration assujettit M. A, résident fiscal français propriétaire de 99 % des parts de cette société, à l’IR dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de l’art. 123 bis du CGI, à raison de la plus-value ainsi réalisée.

M. A fait valoir que ladite plus-value n’aurait pas été soumise à l’IS en France en vertu des art. 210 A et 210 B du CGI.

La CAA donne raison à l’administration et juge que l’appréciation du caractère privilégié du régime fiscal applicable doit se faire au regard de l’impôt sur les bénéfices ou revenus dont la personne aurait été redevable :

  • dans les conditions de droit commun en France, 

  • lesquelles n’incluent pas le régime spécial des fusions fixé aux art. 210 A et suivants du CGI, qui est

    • un régime de sursis d’imposition optionnel,
    • soumis :
      • à des conditions de pourcentage et de durée de détention,
      • éventuellement à un agrément préalable à l’opération,
      • à la souscription de certains engagements, que la société ne justifie au demeurant pas avoir pris.

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Le regard de nos experts

Si certains points de cet arrêt méritent de faire l’objet d’autres développements, nous nous cantonnerons ici à l’analyse liée à la notion de régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du CGI.

Un an après la décision Carroza par laquelle le Conseil d’État a jugé que l’appréciation du caractère privilégié du régime fiscal auquel est soumise une société doit tenir compte du régime mère-fille défini aux articles 145 et 216 du CGI (CE 14 février 2022 n° 442061 et 442062, Carroza), la CAA de Versailles refuse d’étendre cette décision au régime de faveur des fusions des art. 210 A et 210 B du CGI.

Dans ses conclusions sous l’arrêt de la CAA Versailles, la rapporteure publique a entendu répondre à celles rendues sous la décision Carroza pour conclure à l’absence de caractère de « conditions de droit commun » d’imposition en France du régime fiscal de faveur des fusions, contrairement au régime mère-fille.

Les personnes sont en effet regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de 40 % ou plus à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. 

La question posée est donc celle de savoir si le régime de faveur des fusions peut entrer ou non sous cette définition.

Tel n’est pas le cas selon la Cour, ce régime étant un régime de sursis d’imposition optionnel, soumis à des conditions de pourcentage et de détention, à la souscription de certains engagements et éventuellement à un agrément préalable.

Pour parvenir à cette conclusion, la rapporteure publique compare le régime de faveur des fusions avec celui des sociétés mères et soulève le fait que l’on est « loin du caractère évident » de ce dernier. Pour souligner la différence de nature entre les deux régimes, elle ajoute par ailleurs que le régime mère fille s’apparente plus à un régime fiscal particulier d’imposition qu’à un avantage fiscal ayant un caractère purement éventuel. Enfin elle considère que l’élément décisif est la nature même du régime de faveur des fusions qui est un régime de sursis d’imposition et non d’exonération définitive.

La décision ayant fait l’objet d’un pourvoi devant le CE, on ne peut qu’espérer qu’il apporte des précisions sur point mais aussi qu’il soit saisi de la question d’une telle qualification pour d’autres régimes d’imposition, comme celui des plus-values de cession de titres de participation (art. 219, I, A du CGI). 


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Charlotte Guincestre Carpentier

Charlotte Guincestre Carpentier

Fiscaliste, Département Doctrine, PwC Société d'Avocats

Coralie Plessis

Coralie Plessis

Associate, PwC Société d'Avocats

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