Enjeu de récupération de la TVA à l’importation

Réunion d'affaires
  • 15 juil. 2025

La condition de propriété au prisme de la doctrine française

 

Article paru dans la lettre Gestion des Groupes Internationaux - Numéro Option Finance du 30 juin 2025

 

Le transfert du contrôle et du recouvrement de la TVA à l’importation à l’administration fiscale

L’article 181 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a transféré le recouvrement de la TVA à l’importation de l’administration douanière (DGDDI) à l’administration fiscale (DGFiP). Cette mesure a notamment été accompagnée, au 1er janvier 2022, par l’obligation pour les entreprises d’auto liquider (collecter et déduire) la TVA grevant les biens importés sur leurs déclarations de TVA (CA3) déposées auprès du service des impôts dont elles dépendent. L’avantage principal de cette réforme majeure est de n’avoir à faire aucune avance de trésorerie pour les importateurs auprès des autorités douanières françaises, la TVA devant simultanément être collectée et déduite.

Toutefois, ce bénéfice doit être nuancé dans la mesure où l’administration fiscale est toujours susceptible de contrôler si les conditions du droit à déduction de la TVA à l’importation, particulièrement complexes, notamment au regard de la condition de propriété, sont effectivement remplies par les assujettis. En effet, la déduction de la TVA n’est possible que si elle est par ailleurs légalement autorisée et le défaut du respect des conditions entrainerait une collecte de la TVA à l’importation sans déduction corollaire. De ce fait, le respect de ces conditions doit faire l’objet d’une attention particulière par les opérateurs réalisant des importations afin d’éviter tout risque fiscal ou coût définitif de TVA.

La propriété des biens : une condition clé pour la déduction de la TVA à l’importation

A ce titre, la CJUE a jugé qu’est exclue la déduction de la TVA à l’importation dont est redevable un transporteur qui n’est ni l’importateur ni le propriétaire des marchandises concernées, mais qui en a seulement assuré le transport et le traitement douanier dans le cadre de son activité de transporteur de fret assujetti à la TVA1. L’administration fiscale a récemment modifié sa doctrine dans ce sens en précisant que la récupération de la TVA à l’importation est autorisée seulement si, d’une part, l’entreprise est redevable de cette TVA à l’importation, et d’autre part, les biens importés sont utilisés pour les besoins de ses opérations imposables ouvrant droit à déduction. Pour que ces conditions soient remplies, l’administration fiscale considère qu’il est nécessaire que l’assujetti soit propriétaire des biens importés2. Il convient de ce fait pour les entreprises de tirer l’ensemble des conséquences pratiques de cette nouvelle condition de propriété. A titre d’illustration, une entreprise simplement locataire des biens importés ne dispose désormais pas du droit de déduction de cette TVA. Dans ce cas, en pratique, le propriétaire, étant le seul à pouvoir opérer cette déduction de TVA, devra formellement opter pour être redevable de la TVA sur la déclaration en douane (la formalisation de cette option doit se faire par la mention du numéro d’identification à la TVA du propriétaire)3. Ainsi, ce dernier devra, en principe, s’immatriculer à la TVA en France s’il ne dispose pas d’un numéro d’identification à la TVA français, étant précisé que ses obligations TVA pourront, le cas échéant, être accomplies au nom et pour le compte de cet assujetti par un mandataire désigné en vertu de l’article 289 A bis du CGI. Enfin, par voie d’exception, nous rappellerons que le droit à récupération de la TVA à l’importation reste ouvert lorsque l’opérateur est en mesure d’établir que la valeur des marchandises à l’importation est incorporée dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services qu’elle fournit dans le cadre de ses opérations économiques4.

Importations “atypiques” : quand la déduction de la TVA devient plus incertaine

Au-delà de l’importation classique par un assujetti propriétaire des biens, certains schémas opérationnels soulèvent encore aujourd’hui des incertitudes quant à la déduction de la TVA à l’importation. C’est notamment le cas des ventes conditionnelles, dans lesquelles les biens sont importés sans transfert de propriété effectif ni fixation définitive du prix, rendant incertaine la base d’imposition et, par suite, le droit à déduction. D’autres situations, comme l’importation de biens destinés à être testés puis détruits ou encore l’importation dans le cadre de réparations sous garantie, interrogent également sur la possibilité de justifier du lien entre la TVA supportée à l’entrée et des opérations d’aval soumises à la TVA. Dans ces cas, la preuve de l’incorporation dans les frais généraux, bien que possible en principe par tous moyens, peut s’avérer difficile à apporter, voire excessivement contraignante. Ces zones grises appellent généralement, afin d’éviter que la TVA à l’importation ne devienne un coût définitif pour l’entreprise, une réflexion sur la mise en place de mécanismes de simplification ou la mise en place de régimes douaniers spécifiques.

Traçabilité, contrôle et documentation : les clés d’une gestion conforme de la TVA à l’importation

En pratique, la sécurisation du droit à déduction de la TVA à l’importation repose donc avant tout sur une gestion rigoureuse des processus internes. Cela implique, en amont, une revue juridique et fiscale des contrats de vente de biens destinés à être importés, la collecte complète et dans les délais des documents justificatifs relatifs aux opérations d’importation et aux formalités douanières (factures commerciales, DAU, données synthétiques sur l’espace web ATVAI, récapitulatifs des transitaires, etc.) et la mise en place de contrôles de cohérence réguliers. En outre, les systèmes d’information doivent être correctement paramétrés afin d’assurer la traçabilité et la cohérence des données importées. Il convient également de formaliser dans la documentation piste d’audit fiable TVA des règles de gestion précises, notamment s’agissant de la comptabilisation des factures d’achat de biens importés et l’autoliquidation de la TVA. Sur le plan comptable, une attention particulière doit être portée à la réconciliation entre les factures d’achat, en compte de charges, et la TVA à l’importation auto liquidée, en vérifiant notamment, le cas échéant, la nature des écarts entre la valeur hors taxe de la facture et la base de calcul retenue pour la TVA ainsi que les éventuels décalages de date entre la comptabilisation et l’autoliquidation de la TVA sur les CA3. Ces contrôles sont essentiels pour éviter toute remise en cause du droit à déduction de la TVA par l’administration fiscale. Pour rappel, à l’instar des autres situations pour lesquelles la TVA est acquittée par le redevable lui-même, l’absence de déclaration des importations en CA3 devrait également exposer à l’application d’une amende égale à 5 % de la TVA que l’assujetti est en droit de par ailleurs déduire5. Par ailleurs, dans un contexte de flux d’importation étendus à plusieurs Etats membres, une attention particulière devra être portée aux spécificités locales, l’absence d’harmonisation des règles au sein de l’Union européenne pouvant conduire à des divergences d’interprétation.


1. CJUE 25-6-2015 aff. 187/14, Skatteministeriet c/DSV Road A/S.

2. BOI-TVA-DED-40-10-30-20230118, n° 30.

3. Cette précision ne vaut que pour les déclarations sous format papier, dont la fin est programmée en novembre 2025 (déclaration d’intention à date).

4. CJUE, 8 octobre 2020, affaire C-621/19, Weindel Logistik Service.

5. Article 1788 A, 4 du code général des impôts

Suivez notre actualité sur LinkedIn

Contactez-nous

Tiphanie  Stoss

Tiphanie Stoss

Avocat, Directeur, TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

Zuzana Jandova

Zuzana Jandova

Avocate, Senior Manager, PwC Société d'Avocats

Denis Dolicanin

Denis Dolicanin

Avocat, Senior Associate, TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats

Masquer