La « facture électronique », qui est désormais définie comme un document émis, transmis et reçu sous une forme électronique structurée permettant un traitement automatisé, doit respecter la norme européenne EN16931 issue de la directive 2014/55/UE. Les factures hybrides seront acceptées dès lors que toutes les données requises seront présentes dans le format structuré. Pour les opérations purement domestiques, les États membres pourront autoriser d’autres formats, mais dans des conditions strictement encadrées.
En outre, la directive prévoit que l’émission de la facture électronique n’est plus subordonnée à l’acceptation du destinataire lorsqu’il s’agit d’une entreprise ou d’une personne morale non assujettie, sauf si l’État membre a explicitement prévu l’utilisation d’autres formats. Cette suppression de l’exigence d’acceptation vise à accélérer la transition vers la dématérialisation et est applicable depuis le 14 avril 2025.
La directive introduit également des délais stricts pour l’émission des factures :
Pour les factures récapitulatives, regroupant plusieurs livraisons de biens ou prestations de services effectuées au cours d’un même mois civil, elles devront être émises au plus tard dix jours après la fin du mois civil auquel elles se rapportent.
Ces délais visent à garantir la rapidité de la transmission des informations et à permettre un recoupement efficace des données entre les États membres. Cela permettra également de faciliter les conditions de l’assistance administrative en cas de contrôles fiscaux multi-pays.
L’harmonisation de ces délais d’émission entrera en vigueur au 1er juillet 2030.
Les données de facturation seront transmises par voie électronique à l’administration fiscale, soit directement par l’assujetti, soit par l’intermédiaire d’un tiers, soit via un portail public et centralisées par la plateforme VIES qui permettra aux Etats membres de croiser automatiquement les déclarations. Les données transmises seront harmonisées au niveau européen et correspondent, pour l’essentiel, aux informations traditionnellement requises pour l’établissement des factures, avec l’ajout de certains éléments pour faciliter le recoupement des données fiscales et TVA, les contrôles automatisés, et améliorer la piste d’audit des flux.
Parmi les nouvelles mentions obligatoires devant figurer sur les factures électroniques, on retrouve :
Ces nouvelles mentions visent à renforcer la traçabilité des flux financiers et à faciliter les contrôles fiscaux automatisés. La plupart de ces nouvelles mentions sur facture entrera en vigueur au 1er janvier 2030 avec une exception, s’agissant de la mention « Comptabilité de caisse » qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2027.
L’efficacité du système repose sur la capacité des administrations fiscales à recouper les données transmises par les fournisseurs et les clients. Dans certains cas, il peut être exigé que l’acquéreur ou le destinataire de la prestation déclare également la transaction, afin de garantir l’exhaustivité des informations et de pallier d’éventuels manquements du fournisseur. Toutefois, si les mesures nationales offrent des garanties suffisantes quant à la transmission des données par le fournisseur, l’obligation de déclaration par l’acquéreur peut être levée.
Les obligations de déclaration numérique s’appliquent à toutes les opérations transfrontalières entre assujettis, remplaçant les états récapitulatifs actuellement en vigueur (Intrastat, EMEBI et états récapitulatifs). Les informations doivent être transmises opération par opération, dans des délais très courts (dans les 5 jours suivant la date d’émission de la facture), ce qui permet aux administrations fiscales de disposer d’une vision en temps réel ou quasi-réel des transactions et de détecter plus rapidement les anomalies ou les comportements frauduleux.
Pour les opérations nationales, les États membres peuvent, s’ils le souhaitent, mettre en place des obligations de déclaration numérique alignées sur le modèle transfrontalier. Toutefois, ils ne sont pas tenus d’imposer une déclaration en temps réel pour ces opérations, sauf s’ils disposent déjà d’un tel système ou souhaitent l’introduire à l’avenir. Dans ce cas, le système national doit être conforme aux exigences européennes en matière de format, de contenu et de transmission des données. Sur ce volet, des interrogations subsistent sur la conformité de l’obligation de e-Reporting B2B international instaurée en France. Les administrations fiscales doivent mettreà disposition des entreprises les moyens nécessaires pour la transmission électroniquedes données, en veillant à ce que ces moyens soient accessibles, sécurisés et adaptés auxbesoins des différents types d’assujettis, par exemple via la mise en place d’une plateforme publique sécurisée ou d’un partenaire privéagréé par l’Etat membre en question.
La directive prévoit également que la détention d’une facture électronique conforme puisse devenir, dans certains cas, une condition de fond pour l’exercice du droit à déduction ou de récupération de la TVA. Cette mesure vise à renforcer la discipline fiscale et à garantir que seules les opérations correctement documentées ouvrent droit à déduction. En conclusion, ces différentes évolutions structurantes visent à renforcer la sécurité, la transparence et l’efficacité du système de TVA européen.
Il est recommandé aux entreprises qui mettent en place la facture électronique en France, d’anticiper les enjeux liés à la réforme VIDA.
La réforme Européenne pourra notamment être prise en compte dans le cadre de la sélection de la Plateforme de Dématérialisation Partenaire (PDP) afin de choisir un acteur qui permettra la scalabilité du projet français à l’échelle européenne.
Malgré son ambition, le pilier 1 de la réforme VIDA comporte des incertitudes comme la flexibilité laissée aux États membres pour les formats des factures domestiques. Les spécifications des outils de transmission (portails publics, interopérabilité avec les PDP) et les garanties liées au droit à déduction en cas de rejets d’acquittement des flux nécessitent également des précisions.
Des questions se posent également sur l’articulation entre la réforme de la facturation électronique française, et les obligations issues de la Directive au regard des obligations de reporting notamment (deux obligations concurrentes de e-reporting pour un même objectif fiscal). En effet, la réforme française impose déjà aux entreprises réalisant des opérations intracommunautaires depuis la France avec leur numéro de TVA français de transmettre un flux de e-reporting transactionnel. Ce flux de e-reporting pourrait faire doublon avec le flux de transmission du DDR. Des réflexions sont en cours afin que ces deux flux soient couverts par le même flux de transmission en vue d’un acquittement unique. Les entreprises doivent suivre les évolutions des négociations européennes et s’appuyer sur des partenaires technologiques capables d’adapter leurs solutions aux futures clarifications.
Thomas Colasson
Avocat, Senior Manager, TVA & Indirect Tax, PwC Société d'Avocats
Tel : +33 7 88 90 49 74