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Selon le Tribunal administratif de Montreuil, un dividende de source française versé à un résident fiscal italien ne peut être soumis à la CEHR, dès lors que la CEHR constitue un impôt futur analogue à l’IR qui ne fait l’objet d’aucun prélèvement à la source mais d’un recouvrement par voie de rôle l’année qui suit la perception du revenu.
TA Montreuil 19 septembre 2024, n° 2215513
En 2020, un résident fiscal italien perçoit des dividendes de source française, qui font l’objet d’une imposition à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (ci-après « CEHR »).
En 2022, sa réclamation aux fins de décharge de la CEHR assise sur ces revenus est partiellement acceptée en application de la limitation de l’imposition des dividendes à 15 % de leur montant brut.
Le requérant demande la décharge de la différence.
Le TA juge que les dividendes perçus par le requérant sont des revenus de source française et sont imposables à la CEHR en vertu des dispositions de l’art. 223 sexies et 1417, IV, 1° du CGI.
Puis, se fondant sur les stipulations de la convention franco-italienne, il juge que :
la CEHR constitue, pour l’application de l’art. 2 de la convention franco-italienne, un impôt futur analogue à l’impôt sur le revenu ;
les revenus en litige sont constitués de revenus de capitaux mobiliers de source française qui entrent dans les prévisions de l’art. 10 précité de la convention, en vertu duquel les dividendes sont imposables dans l’État de résidence du contribuable ainsi que dans l’État de source des dividendes ;
si les stipulations du paragraphe 2 de l’art. 10 se bornent à renvoyer à la législation de l’État source, elles doivent être lues et interprétées tant à la lumière de leur objet et de leur but que des autres paragraphes du même article ;
il résulte des termes de l’art. 10, et notamment des paragraphes 3 à 6 qui renvoient expressément au paragraphe 2 applicable au litige, que les sommes sont nécessairement soumises à une imposition prélevée par voie de retenue à la source.
En l’espèce, la CEHR litigieuse n’a fait l’objet d’aucun prélèvement à la source mais a été recouvrée par voie de rôle l’année suivant la perception des revenus.
Le TA en déduit que l’administration ne pouvait soumettre les revenus en cause à la CEHR et fait droit à la demande de décharge du requérant.
Depuis le 1er janvier 2018, les dividendes de source française versés à des non-résidents sont soumis à une retenue à la source libératoire de l’impôt sur le revenu au taux de 12,8 %.
Ces mêmes contribuables non-résidents peuvent également être passibles de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) sur tout ou partie dudit dividende, aux taux de 3 % et 4 %, si leur revenu fiscal de référence excède les seuils fixés par la loi (250 000 euros pour un célibataire, 500 000 euros pour un couple soumis à imposition commune).
Le champ d’application de la CEHR n’est, en effet, pas limité aux seuls résidents, puisqu’y sont assujettis selon la loi tous les contribuables « passibles de l’impôt sur le revenu ». Par « passibles de l'impôt sur le revenu », il convient d'entendre les foyers fiscaux qui perçoivent des revenus imposables à l'impôt sur le revenu ou dans le champ d'application de celui-ci.
Le taux d’imposition maximal d’un dividende de source française peut donc atteindre en droit interne 16,8 % si l’on ajoute à la retenue de 12,8 % le taux maximum de CEHR qui s’établit à 4 %.
Lorsque l’actionnaire étranger bénéficiaire des dividendes de source française réside dans un État lié à la France par une convention fiscale, l’article relatif aux dividendes pose généralement un principe d’imposition partagée en accordant le droit d’imposition primaire à l’État de résidence du bénéficiaire tout en limitant le droit d’imposer de l’État de la source à une retenue à la source (dont le taux est généralement fixé à 15 % s’agissant de bénéficiaires personnes physiques).
Or, il est admis par l’administration que la CEHR, qui est une imposition distincte de l’impôt sur le revenu, constitue un « impôt futur analogue à l’impôt sur le revenu », entrant dans le champ d’application matériel des conventions fiscales (BOI-IR-CHR, § 30).
De fait, les conventions fiscales limitant au taux de 15 % la retenue à la source applicable aux dividendes versés à des personnes physiques non-résidentes conduit à écrêter la CEHR par effet de plafonnement.
En outre, la lettre de l’article relatif aux dividendes dans certaines conventions fiscales stipule expressément que le droit d’imposer de l’État de la source se manifeste nécessairement par voie de retenue à la source.
Il en est ainsi de l’article 10 de la convention fiscale franco-italienne.
Dans l’affaire ici jugée par le Tribunal administratif de Montreuil, un contribuable résident fiscal italien s’est saisi de la rédaction conventionnelle afin de contester l’application de la CEHR à fin de décharge totale en se fondant sur cet article 10 qui non seulement limite le taux d’imposition à 15 % mais précise que le droit d’imposer de l’État de la source se manifeste par voie de retenue à la source.
Or, la CEHR, contrairement à la retenue de 12,8 %, est recouvrée par voie de rôle, précisément lors de l’établissement de l’avis d’impôt sur les revenus par l’administration fiscale suite à la déclaration annuelle de revenus déposée par le contribuable.
Le Tribunal administratif de Montreuil a donné raison au contribuable par un jugement du 19 septembre 2024 en jugeant que si les stipulations du paragraphe 2 de l'article 10 se bornent à renvoyer à la législation de l'État source, elles doivent être lues et interprétées tant à la lumière de leur objet et de leur but que des autres paragraphes du même article, lesquels font expressément mention de ce que l’imposition de l’État de la source est prélevée par voie de retenue à la source.
Ce jugement n’est pas innovant en ce qu’il reprend une solution déjà dégagée par une décision rendue par le Conseil d’État à propos de produits d’assurance-vie versés à un résident belge (CE, 10 juillet 2019, n° 425148). Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait jugé que dès lors que la CEHR est recouvrée par voie de rôle l'année suivant la perception des revenus, l'assujettissement du contribuable à cette contribution sur les produits d'assurance-vie en litige est contraire aux stipulations de l’article 16 de la convention franco-belge.
La portée de ces décisions ne se limite assurément pas aux conventions fiscales conclues avec la Belgique et l’Italie ; elle est susceptible de concerner de nombreuses conventions rédigées de manière similaire.