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La Cour d’appel de Lyon juge que, pour être opposables à l’administration, les formalités de publication de la transformation d’une SARL en SAS, doivent être réalisées préalablement à la cession des titres / à la présentation de l’acte à l’enregistrement.
CA Lyon 6 juillet 2023 n° 20-05110, Directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur c/ Sté Cegid
Par une assemblée générale extraordinaire en date du 24 juillet 2012, une SARL est transformée en SAS et un registre des mouvements de titres est ouvert à son nom. Le 25 juillet 2012, les titres de la SAS sont cédés et le registre des mouvements de titres est modifié en conséquence.
Le 3 août 2012, la déclaration de cession de droits sociaux est déposée auprès du SIE local et donne lieu au paiement des droits d’enregistrement, selon le barème dégressif en vigueur pour les cessions antérieures au 31 juillet 2012, pour un montant de 37 K€ (Ndlr : selon l’art. 726 du CGI alors en vigueur, le taux des droits d’enregistrement pour les cessions d’actions était fixé à 3 % pour la fraction d'assiette inférieure à 200 K€, 0,5 % pour la fraction comprise entre 200 K€ et 500 M€ et 0,25 % pour la fraction excédant 500 M€).
Les formalités de publicité de la transformation de la SARL en SAS sont réalisées selon le calendrier suivant :
le procès-verbal de délibération de l’AGE de transformation est enregistré auprès du services des impôts des entreprises local le 7 août 2012 et publié au journal d’annonces légales le 1er septembre 2012 ;
le procès-verbal de transformation est déposé au greffe du tribunal de commerce le 25 septembre 2012 ;
les opérations de transformation sont publiées au BODACC le 25 octobre 2012.
Par une proposition de rectification, l’administration considère que l’opération relevait des dispositions applicables aux cessions de parts de SARL (CGI art. 726, 1 bis – Ndlr : le taux des droits d’enregistrement applicables est dans cette hypothèse de 3 %) et soumet la cessionnaire à un complément de droits d’enregistrement de 86 K€.
Suite au rejet de sa réclamation, le TJ fait droit à sa demande.
La Cour d'Appel saisie par l’administration infirme le jugement du Tribunal judiciaire et confirme le redressement opéré en jugeant que :
les droits d'enregistrement sur la cession des titres devant être liquidés selon leur nature juridique, il convient de rechercher si, à la date de la cession, la transformation de la société qui a modifié la nature des titres était ou non opposable à l'administration ;
l'inscription sur le registre des mouvements des titres cédés ne rend pas opposable à l'administration fiscale le changement de forme de la société cédante qui est une opération juridique distincte ;
La CA rappelle en outre que les actes sujets à mention au RCS ne peuvent être opposés à l'administration fiscale que s'ils ont été publiés (C. com. art. 123-9 al. 1er), ce dont la cessionnaire était parfaitement informée dès lors que l’acte de cession énonçait que les formalités de publicité relatives à la transformation de la société étaient en cours.
Elle juge qu’il résulte de ces éléments qu'à la date de la cession comme à la date de la présentation à l'enregistrement des déclarations de cession, la transformation de la SARL en SAS n'était pas opposable à l'administration qui était dans l'impossibilité d'en avoir connaissance.
En application des dispositions aujourd’hui en vigueur de l’article 726 du CGI, les cessions d’actions de SAS sont soumises aux droits d’enregistrement au taux de 0,1 %, soit une imposition bien inférieure à celle applicable aux cessions de parts sociales, soumises à un taux de 3 % (voire 5 % lorsque la société dont les titres sont cédés est à prépondérance immobilière).
Dans l’arrêt ici commenté, le redressement n'était pas fondé sur une quelconque disposition anti-abus mais sur l’inopposabilité de la transformation de la société à l’occasion de la présentation de l’acte de cession à l’enregistrement.
La Cour d’appel de Lyon a fait ainsi droit à l’argumentation développée par l’administration fiscale selon laquelle à la date de la cession, comme à la date de la présentation à l'enregistrement des déclarations de cession, la transformation de la SARL en SAS ne lui était pas opposable dès lors qu’elle était dans l'impossibilité d'en avoir connaissance, les formalités de publicité n’ayant pas encore été réalisées. Pour ce faire, la Cour s’appuie sur les dispositions de l’article L. 123-9 du Code de commerce en vertu desquelles les actes sujets à mention au RCS ne peuvent être opposés à l’administration fiscale que s’ils y ont été publiés.
Ainsi, selon la Cour d’appel, seule la publication du PV de délibération de l’AGE de transformation auprès du SIE pouvait rendre opposable à l’administration fiscale la transformation de la société, étant sans incidence l’inscription sur le registre des mouvements des titres cédés, le dépôt du rapport du commissaire à la transformation au greffe du tribunal de commerce ou encore la déclaration de cession des droits sociaux, qui ne faisait pas état de la transformation préalable à la cession de la société.
En conséquence, selon la Cour d’appel, en cas de cession de droits sociaux précédée d’une transformation de SARL en SAS, deux situations doivent être distinguées :
Changement de forme sociale suivie des formalités de publicité de la transformation, puis cession de droits sociaux : dans ce cas, la transformation est opposable à l’administration fiscale. En conséquence, les droits d’enregistrement dus sont ceux applicables aux SAS, à savoir 0,1 % du montant de la cession :
*la situation est identique si le dépôt au RCS a lieu après la transmission au SIE
La Cour d’appel de Lyon se fonde sur les dispositions de l’article L. 123-9 du Code de commerce. Tant que les formalités de publicité au RCS n’ont pas été accomplies, l’acte en cause (transformation) n’est pas opposable aux tiers, de sorte qu’à leur égard (en ce compris l’administration fiscale), la cession portait sur des parts sociales. En revanche, la transformation peut être portée à la connaissance effective de l’administration fiscale, ce qui lui rendrait la transformation opposable. À défaut de cette information personnelle, il convient à l’heure actuelle de céder les actions une fois les formalités de la transformation accomplies.
Cet arrêt méritera d'être confirmé par la Cour de cassation, si toutefois un pourvoi est formé dans cette affaire.