L’administration commente le dispositif de neutralisation temporaire des réévaluations libres d’actifs

22/06/21

Dans plusieurs BOFIP publiés le 9 juin 2021, l’administration apporte d’utiles précisions sur le dispositif de réévaluation libre issu de la loi de finances pour 2021 et codifié au nouvel article 238 bis JB du CGI. On regrettera toutefois que des interrogations demeurent quant à certaines conséquences de l’application de ce dispositif.  

Afin d’améliorer les capacités de financement des entreprises dans le contexte de crise économique liée à la pandémie de Covid-19, l’article 31 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a instauré un dispositif de neutralisation temporaire des conséquences fiscales des réévaluations libres d’actifs par les entreprises. L’objectif de cette mesure est de permettre aux entreprises, sans surcoût fiscal immédiat, d’accéder plus facilement aux crédits bancaires en améliorant la présentation de leurs comptes sociaux.

Rappelons que ce dispositif, optionnel pour les entreprises, s’applique à la première opération de réévaluation constatée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 jusqu’au 31 décembre 2022.

 

Le champ d’application du dispositif est précisé

Les commentaires administratifs précisent tout d’abord que le nouveau dispositif est applicable à toutes les entreprises soumises aux règles de la comptabilité commerciale, à l’exclusion de celles imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux  (BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30, n° 20).

Comme on pouvait le déduire du texte de l’article 31 de la loi de finances, il est confirmé que dispositif n’est applicable qu’aux réévaluations d’ensemble des immobilisations corporelles et financières à l’exclusion des immobilisations incorporelles. En outre, il est expressément indiqué que les réévaluations partielles des immobilisations ne sont pas autorisées (BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30, n° 10).

Le régime fiscal du dispositif est détaillé

L’article 238 bis JB du CGI autorise, sur option, l'entreprise qui procède à la réévaluation dans les conditions prévues à l'article L.123-18 du C. com. à ne pas prendre en compte l'écart de réévaluation qu'elle constate pour la détermination du résultat imposable de l'exercice au titre duquel elle procède à cette réévaluation, à condition qu'elle s'engage :

  • à calculer la plus-value ou la moins-value réalisée lors de la cession ultérieure des immobilisations non amortissables d'après leur valeur non réévaluée (mécanisme de sursis d’imposition)
  • à réintégrer l'écart de réévaluation afférent aux immobilisations amortissables dans ses bénéfices imposables, par parts égales sur une durée de quinze ou cinq ans selon la nature de l'immobilisation.

➔ S’agissant du sursis d’imposition pour les immobilisations non amortissables

Les commentaires administratifs précisent que la valeur non réévaluée des actifs s’entend de la valeur fiscale du bien ayant fait l’objet de la réévaluation (BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30,
n° 60 ). Ainsi dans l’hypothèse où la valeur fiscale de l’immobilisation avant même la réévaluation différerait de sa valeur comptable (cas d’un bien bénéficiant d’ores et déjà d’un sursis d’imposition), c’est cette valeur qu’il conviendra de retenir pour le calcul de la plus ou moins-value lors de la cession ultérieure du bien.

Par ailleurs, l’administration précise de façon bienvenue que le régime des plus-values à long terme prévu au a quinquies de l’article 219 du CGI s’appliquera à la plus-value ultérieure constatée sur les titres de participation, en ce compris la fraction correspondant à l’écart de réévaluation dont l’imposition a été mise en sursis, toutes conditions d’application de ce régime étant par ailleurs remplies (BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30, n° 70).

Il est enfin spécifié que l’opération de réévaluation n’a pas pour effet d’interrompre le délai de deux ans requis pour bénéficier du régime des plus-values à long terme (BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30, n° 70).  

➔ S’agissant de la réintégration de l’écart de réévaluation afférent aux immobilisations amortissables

La réintégration de l’écart de réévaluation est opérée par parts égales sur une période de 15 ans pour les constructions, les plantations et les agencements et aménagements des terrains amortissables sur une période au moins égale à cette durée, et par parts égales sur une durée de 5 ans pour les autres immobilisations.

A cet égard, le BOFIP précise que les agencements et aménagements des terrains (qui relèvent du compte 212 du PCG) s’entendent des travaux destinés à rendre un terrain en état d’utilisation, et que le dispositif d’étalement ne concerne que les agencements et aménagements qui aboutissent à une amélioration temporaire.

Parmi ces immobilisations seuls sont éligibles les plantations et les agencements et aménagements des terrains amortissables sur une durée au moins égale à quinze ans. Si la durée d’amortissement de ces mêmes immobilisations est inférieure à quinze ans la réintégration de l’écart de réévaluation est effectuée sur cinq ans. Pour l’appréciation de cette condition il convient de retenir la durée normale d’utilisation des biens concernés à la date de leur entrée à l’actif de la société (BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30, n° 100).  

Le sort des amortissement et dépréciation des actifs réévalués est détaillé

➔ Pour les immobilisations amortissables

L’article 238 bis JB du CGI précise, dans son 6ème alinéa, que les dotations aux amortissements et aux provisions ultérieures sont calculées à partir de la valeur qui a été attribuée aux immobilisations concernées lors de l'opération de réévaluation (point repris au BOI-BIC-AMT-10-30-40 n° 215).

Amortissements

En ce qui concerne les amortissements, la précision la plus attendue concerne les amortissements dérogatoires le cas échéant constatés antérieurement à la réévaluation. L’administration précise que ces derniers ne sont pas repris notamment, parce-que selon elle, une telle reprise n’intervient qu’en cas de sortie du bien concerné de l’actif ou lorsque l’annuité d’amortissement technique devient supérieure à l’annuité fiscale (BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30 n° 140). Il en résulte que la réévaluation d’immobilisations ayant donné lieu à des amortissements dérogatoires n’entraine pas d’imposition. Cette clarification mérite d’être soulignée dès lors que les reprises d’amortissements dérogatoires ne sont pas comprises dans l’écart de réévaluation, ce qui soulevait donc la question d’une imposition immédiate si la reprise avait été nécessaire (voir sur ce point notre eAlerte relative à la loi de finances pour 2021).

Le plan d’amortissement se poursuit donc selon les modalités exposées dans l’exemple suivant (repris du BOI-BIC-PVMV-40-10-60-30 n° 140) :

Données de l’exemple :

  • Immobilisation amortissable acquise le 01/01/N pour un montant de 30 000 euros
  • Durée réelle d’utilisation : 6 ans
  • Durée d’usage : 4 ans (retenue pour l’amortissement fiscal)
  • Réévaluation au 31/12/N+1 : la valeur réelle de l’immobilisation est de 30 000 euros pour une VNC de 20 000 euros, un écart de réévaluation de 10 000 euros est constaté

Plan d’amortissement initial

 

Amortissement

Comptable

Amortissement

Fiscal

Amortissement dérogatoire

N

5 000

7 500

+ 2 500

N+1

5 000

7 500

+ 2 500

N+2

5 000

7 500

+ 2 500

N+3

5 000

7 500

+ 2 500

N+4

5 000

 

- 5 000

N+5

5 000

 

- 5 000

Plan d’amortissement après réévaluation

 

Amortissement

Comptable

Amortissement

Fiscal

Amortissement dérogatoire

N

5 000

7 500

+ 2 500

N+1

5 000

7 500

+ 2 500

N+2

7 500

12 500

+ 5 000

N+3

7 500

12 500

+ 5 000

N+4

7 500

 

- 7 500

N+5

7 500

 

- 7 500

S’agissant des actifs amortissables réévalués, le BOFIP précité (BOI-BIC-AMT-10-30-40 n° 215) prévoit le calcul des dépréciations à partir de la valeur actuelle de chaque actif concerné à la date de la réévaluation.

L’administration précise qu’en l’absence d’évolution des conditions d’utilisation du bien, le plan et les durées d’amortissement fixés initialement ne sont pas modifiés comme suite à la réévaluation.

Soulignons que le BOFIP ne traite pas du cas de la réévaluation d’un bien totalement amorti. Dans cette hypothèse et selon le Mémento Comptable (n° 56805), un nouveau plan d’amortissement doit être défini. Sur le plan fiscal, il devrait en être de même, l’écart de réévaluation étant dans ce cas amorti sur la durée probable d’utilisation restant à courir au moment de la réévaluation. Les commentaires du BOI-AMT-2010 n° 350 sont en ce sens.

Dépréciations

Cependant, sur le plan comptable, la comptabilisation d’une dépréciation a pour effet de réduire la base amortissable. Sur le plan fiscal, l’administration n’a pas expressément admis une telle modification du plan d’amortissement, de telle sorte que la dépréciation d’une immobilisation amortissable réévaluée pourra nécessiter certaines écritures de transfert de la dépréciation en amortissements afin d’assurer la poursuite du plan d’amortissement fiscal mis en place à la suite de la réévaluation (voir mémento Comptable n° 27785).

➔ Pour les immobilisations non amortissables

L’article 39, 1-5° du CGI précise que la provision éventuellement constituée en vue de faire face à la dépréciation d’éléments d’actifs non amortissables réévalués dans les conditions prévues à l'article 238 bis JB du CGI, est déterminée par référence à la valeur fiscale des actifs réévalués.

En effet, dès lors que l’article 238 bis JB du CGI instaure un régime de sursis d’imposition, la valeur fiscale des biens non amortissables réévalués correspond à la valeur d’origine de ces derniers et les provisions constituées ultérieurement en vue de faire face à la dépréciation de ces actifs doivent donc être calculées, sur le plan fiscal, à partir de leur valeur non réévaluée. Le BOFIP précise que la part de la provision qui excède la dotation fiscalement déductible doit être réintégrée extra-comptablement pour la détermination du résultat fiscal de l’exercice de constitution. Si l’évaluation de l’actif concerné à la clôture de l’exercice reste supérieure à sa valeur fiscale, aucune provision n’est déductible sur le plan fiscal, et la dotation est donc réintégrée en totalité (BOI-BIC-PROV-40-10-10 n° 425). Ces dispositions sont alignées sur celles qui régissent le traitement des immobilisations non amortissables en cas de fusion placée sous le régime de faveur et réalisée aux valeurs réelles. Ultérieurement, la reprise comptable de l'excédent non admis en déduction sera neutralisée par une déduction extra-comptable.

L’application du dispositif s’accompagne d’obligations formelles

Conformément aux dispositions de l’article 238 bis JB du CGI, l'entreprise qui pratique une réévaluation dans le cadre de ce dispositif joint à la déclaration de résultats de l'exercice concerné et des exercices suivants un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au calcul des amortissements, des provisions ou des plus-values ou moins-values afférents aux immobilisations qui ont fait l'objet d'une réévaluation.

Un modèle de cet état est fourni au BOI-FORM-000090. Cet état détaille :

  • Pour les immobilisations non amortissables, la valeur fiscale non réévaluée, la valeur comptable non réévaluée ainsi que la valeur comptable réévaluée,
  • Pour les immobilisations amortissables, la valeur d’origine et les amortissements à la date de la réévaluation, les valeurs comptable et fiscale réévaluées, le suivi de la réintégration de l’écart d’évaluation ainsi que le suivi des amortissements.

Aucune sanction spécifique n’étant prévue par le nouveau texte, le défaut de production de cet état serait soumis à l’amende de 150 euros prévue à l’art. 1729 B du CGI.

 

Des questions encore en suspens

On regrettera que les commentaires publiés n’abordent pas la question des modalités d’application du dispositif de l’article 238 bis JB du CGI dans le cadre des groupe intégrés.

Par ailleurs, il serait utile que l’administration se prononce de manière précise sur l’impact de l’option pour ce nouveau dispositif sur le calcul de la participation des salariés.

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