08/06/21
Sous l’impulsion de l’émergence au niveau international de modèles de contrôles continus des transactions (modèles CTCs : « Continuous Transaction Controls »), le gouvernement français entend généraliser à partir de 2023 le recours à la facturation électronique (ou « e-Invoicing ») ainsi que la transmission de données complémentaires (ou « e-Reporting »).
A cet effet, l’article 195 de la loi de finances pour 2021 prévoit que le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, devant intervenir au plus tard fin septembre 2021, toute mesure visant la mise en œuvre de ces obligations. En parallèle, l’AIFE devrait publier différentes notes précisant les spécifications fonctionnelles et techniques liées à ces obligations, notamment en ce qui concerne les formats sémantiques et syntaxiques retenus. En outre, un projet de loi de ratification devrait être soumis au Parlement d’ici fin décembre 2021.
Dans le cadre des réflexions menées sur la mise en œuvre de ces obligations, la DGFiP et l’AIFE, au travers de la « Mission Facturation Electronique », ont tenu un atelier de travail le jeudi 27 mai portant sur la double obligation de e-Reporting. Cette double obligation, comme le souligne le rapport remis au Parlement, accompagnera l’obligation de e-Invoicing afin de permettre un pré-remplissage et un contrôle des déclarations de TVA. La première obligation de e-Reporting devant porter sur les données de certaines transactions et la deuxième obligation de e-Reporting sur les données de paiement des factures.
Rappel : Le champ d’application de l’obligation de e-Invoicing ne devrait concerner que les flux B2B domestiques, quel que soit le régime de TVA (exonération de TVA, autoliquidation de la TVA par client, etc.), réalisés entre assujettis établis en France. A cet effet, le rapport indiquait notamment qu’il est « impossible d’imposer la facturation électronique à un opérateur étranger en absence d’harmonisation européenne ou multilatérale ».
L’ensemble des assujettis établis en France, réalisant ou non des opérations pour lesquelles ils sont redevables de la TVA, seront soumis à cette obligation. Ainsi, comme le précisait le rapport, devraient être concernés par cette obligation les micro-entrepreneurs ainsi que les assujettis bénéficiant du régime de la franchise en base.
Evolutions envisagées : Cette obligation ne devrait toutefois pas concerner les échanges réalisés avec Monaco qui par contre, comme indiqué ultérieurement, devraient relever de l’obligation de e-Reporting. Cependant, les livraisons de biens à destination et/ou en provenance des DROM devraient relever de cette obligation, quand bien même ces territoires sont considérés comme étant des « Etats tiers » au regard des règles de TVA en matière de livraison de biens.
Rappel : La dispense d’émettre une facture (article 289 du CGI) pour les opérations exonérées de TVA en application des dispositions des articles 261 à 261 E du CGI devrait être maintenue, comme le précisait notamment le rapport remis au Parlement.
Toutefois, les assujettis sont tenus de respecter les obligations qui leurs sont imposées par d’autres dispositions fiscales et/ou réglementaires (BOI-TVA-DECLA-30-20-10 n°30), notamment :
Interrogations : L’entrée en vigueur en 2023 de l’obligation de e-Invoicing (et de e-Reporting) peut s’avérer concomitante avec la mise en œuvre du régime de Groupe TVA. A cet effet, des discussions sont toujours en cours au sein de la DGFiP en ce qui concerne l’articulation entre ces dispositifs. L’ordonnance devant intervenir fin septembre 2021 pourrait malheureusement, comme indiqué par la DGFiP, ne pas apporter d’éclairage précis en la matière.
Rappel : En ce qui concerne la première obligation de e-Reporting, le rapport prévoyait initialement que seraient concernées les « données des transactions B2C » et « les données sur les ventes non domestiques (intracommunautaires et exportations) », excluant ainsi, comme l’avait rappelé la DGFiP en décembre 2020 lors de la présentation du rapport, les transactions effectuées à l’achat.
Evolutions envisagées : Lors de l’atelier de travail portant sur le champ d’application et les modalités de transmission des données du premier e-Reporting, la DGFiP et l’AIFE ont cependant présenté un champ d’application élargi qui devrait dorénavant couvrir :
La mise en œuvre de cette obligation devrait s’effectuer progressivement entre 2023 et 2025 à l’instar de l’obligation d’émission dans le cadre de l’obligation de e-Invoicing et devrait concerner la transmission des données des transactions n’entrant pas dans le champ d’application de l’obligation de e-Invoicing.
Champ d’application – opérations B2B
Précisions et évolutions envisagées : Tout d’abord, en sa qualité de vendeur, l’assujetti devrait transmettre les informations relatives à certaines opérations B2B, à savoir les données liées :
Interrogations : Cette définition du champ d’application soulève cependant certaines interrogations générales, parmi lesquelles :
Précisions et interrogations : Il a par ailleurs été indiqué que les opérations exonérées de TVA en application des articles 261 à 261 E du CGI (formation, activités médicales, certaines opérations financières et bancaires, etc.) et bénéficiant d’une dispense de facturation, devraient être exclues du champ d’application de l’obligation de e-Reporting (et du e-Invoicing). Cette exclusion méritera toutefois d’être confirmée dès lors que l’administration fiscale se prive notamment de données lui permettant de pouvoir contrôler le prorata de TVA déductible.
Par ailleurs, la doctrine administrative (BOI-TVA-DECLA-30-20-10) rappelle que ne sont pas visées par cette dispense de facturation « les opérations qui sont situées hors de France en application des règles de territorialité ». A cet effet, en cas d’opérations rendues à un assujetti établi dans un autre Etat membre et dans la mesure où l’opération ne donne pas lieu localement à autoliquidation de la TVA, les règles de facturation de cet autre Etat membre trouvent à s’appliquer. Dès lors, il conviendra de porter une attention particulière à l’inclusion ou l’exclusion de ces opérations dans l’obligation de e-Reporting, notamment eu égard aux interrogations générales présentées précédemment. Cette réflexion pourrait également être étendue à l’ensemble des prestations de services rendues à des assujettis établis dans d’autres Etats membre et bénéficiant d’une exonération de TVA (par exemple : prestations de transports internationaux, etc.).
Données à transmettre – opérations B2B
Précisions et interrogations : Dans le cadre des opérations B2B, les données à transmettre devraient être identiques à celles de l’obligation de e-Invoicing. Pour conforter leur position, la DGFiP et l’AIFE indiquent à cet effet que « ce sont les règles de facturation françaises qui s’appliquent » à ces opérations.
Toutefois, l’application des règles de facturation françaises peuvent ne pas trouver à s’appliquer dans certaines situations et notamment en cas de prestations de services rendues à un assujetti établi dans un autre Etat membre lorsqu’un mandat d’autofacturation a été confié à l’acheteur. En effet, dans de tels scénarios, ce sont les règles de facturation de l’autre Etat membre qui s’appliquent (lieu où est réputée située l’opération).
Modalités de transmission des données – opérations B2B
Précisions : En ce qui concerne les modalités de transmission des données, la DGFiP et l’AIFE indiquent qu’elles devraient suivre le « même circuit qu’en e-Invoicing », à savoir, la « transmission de la facture électronique à la plateforme ».
L’élaboration des formats sémantiques est en cours de réflexion par la DGFIP et l’AIFE et devrait fortement s’inspirer des formats sémantiques retenus dans le cadre de l’obligation de e-Invoicing.
Interrogations : Ces modalités soulèvent toutefois certaines interrogations, notamment dans la mesure où le client non établi en France est en droit de pouvoir refuser une facture électronique (article 232 de la Directive TVA). Le fournisseur pourra dès lors être amené à continuer à émettre et transmettre des factures sous format électronique non structuré mais également sous format papier.
Ainsi, il conviendrait tout d’abord de préciser ce qu’englobe la notion de « facture électronique », notamment eu égard à la notion de facture originale qui devra être archivée par le fournisseur et le client.
A titre d’exemple : En Italie lorsque le fournisseur choisi, pour les opérations réalisées avec un assujetti non établi, d’émettre une facture via la plateforme nationale SdI (à la place de transmettre les données via l’obligation de e-Reporting « Esterometro »), le fournisseur peut également être amené à transmettre une copie de la facture sous format papier. Le fournisseur doit à cet effet indiquer sur le document transmis au client qu’il s’agit d’une copie de la facture originale émise via la plateforme nationale SdI. Ce choix actuellement offert en Italie devrait être généralisé à l’horizon 2022.
En France, il conviendra donc de déterminer si le fournisseur :
Champ d’application – opérations B2C
Précisions : Outre les données liées aux opérations B2B décrites précédemment, l’assujetti en sa qualité de vendeur, devra également transmettre les informations relatives aux opérations B2C suivantes :
Modalités de transmission des données – opérations B2C
Précisions : Les modalités de transmission des données dépendraient des outils utilisés par l’assujetti.
En effet, si l’assujetti a recours à un logiciel de caisse, le bas du ticket Z devrait obligatoirement être déposé, sous format structuré, sur la plateforme publique.
Interrogations : En revanche, si l’assujetti n’a pas recours à un logiciel de caisse, il pourrait être envisagé la possibilité de lui offrir le choix :
Des réflexions sont actuellement menées par la DGFiP afin de déterminer si l’assujetti serait effectivement libre de son choix ou s’il conviendrait pour ce dernier d’obligatoirement utiliser le même canal de transmission que pour les factures B2B dès lors qu’il émet une facture.
A titre d’exemple : En Italie, dès lors qu’une facture est émise au titre d’une opération réalisée auprès d’un non-assujetti, la facture doit obligatoirement être émise via la plateforme publique SdI et en parallèle l’assujetti émet pour son client une copie de la facture.
Champ d’application
Evolutions envisagées : Lors de l’atelier du jeudi 27 mai, la DGFiP et l’AIFE indiquaient qu’en sa qualité d’acheteur, l’assujetti devrait également transmettre les informations relatives aux transactions à l’achat suivantes :
1. Aux « acquisitions intracommunautaires de biens et de services, qu’elles soient réalisées en France ou non »
2. Aux « acquisitions de biens et de services à des opérateurs hors UE (hors importations) qu’elles soient réalisées en France ou non » et
3. Aux « opérations en provenance de Monaco »
Interrogations : Outre une extension envisagée du champ d’application de l’obligation de e-Reporting à certains flux achats, la définition des flux concernés soulève de nombreuses interrogations et complexités potentielles :
Par ailleurs, l’obligation de e-Reporting ne couvre pas, selon la définition présentée, les achats de biens et de services domestiques réalisés par un assujetti établi dans un autre Etat membre et pour lesquels l’assujetti acheteur établi, ou simplement immatriculé à la TVA en France, est redevable de la TVA au titre du mécanisme d’autoliquidation (par exemple article 283, 1 al.2 du CGI). En revanche les données de ces transactions réalisées auprès d’un opérateur hors UE devraient être transmises à l’administration en application du 2. ci-dessus.
Modalités de transmission des données
Interrogations : Dès lors que les factures ne sont pas émises par l’acheteur (sous réserve de l’autofacturation) et que les règles de facturation de ces opérations ne relèvent en principe par des règles de facturation françaises, les données ainsi que les modalités de transmission de ces dernières devront être précisées. En effet, ces dernières n’ont pas été présentées explicitement lors de l’atelier qui s’est tenu le jeudi 27 mai 2021.
Précisions : En ce qui concerne la périodicité, la transmission des données devrait s’effectuer au travers d’un reporting :
Evolutions envisagées : Cette obligation de e-Reporting devrait également concerner les assujettis non établis en France réalisant des opérations imposables en France au profit de non-assujettis, sauf s’ils sont enregistrés auprès d’un guichet unique européen de TVA.
Interrogations : L’extension de cette obligation de e-Reporting à certains assujettis non établis en France soulève des interrogations complémentaires :
Rappel : Le deuxième e-Reporting, non abordé dans le cadre de l’atelier qui s’est déroulé le jeudi 27 mai, viserait quant à lui à transmettre les données liées au paiement des factures ainsi que certains statuts.
A cet effet, l’acheteur et le vendeur devraient, soit via leur plateforme soit via téléprocédure, transmettre à l’administration certaines données (date de paiement, montant du paiement, etc.).
Nouveauté suite à l’atelier de travail du jeudi 10 juin 2021 : il ne serait finalement envisagé qu’une obligation de e-Reporting des données de paiement au niveau du vendeur.
Par ailleurs, la transmission des données de paiement par ce dernier pourrait ne concerner que les factures de prestations de services (ou opérations mixtes devant être regardées comme des prestations de services), lorsqu’il n’a pas opté pour la gestion de la TVA sur les débits.
Il conviendra toutefois selon nous que cette nouvelle approche soit confirmée, notamment eu égard au droit à déduction de la TVA de l’acheteur et aux potentiels impacts par rapport aux informations déclarées par son vendeur.
Cette obligation, dont la date de mise en œuvre pourrait être 2023 pour l’ensemble des assujettis, devrait notamment permettre à l’administration fiscale de pouvoir contrôler l’exigibilité de la TVA sur les prestations de services et conditionner le droit à déduction de la TVA et à la DGCCRF de contrôler le respect des délais de paiement.
Nouveauté suite à l’atelier de travail du jeudi 10 juin 2021 : dès lors qu’il ne serait finalement envisagé qu’une obligation de transmission des données de paiement côté vendeur, la mise en œuvre pourrait être progressive entre 2023 et 2025, à l’instar de l’obligation de e-Invoicing et de l’obligation de e-Reporting des données des transactions non couvertes par la première obligation.
En parallèle, les assujettis en leur qualité de vendeur et d’acheteur, devraient également transmettre certaines données liées au statut des factures (dépôt de la facture, transmission, acceptation, en cours de traitement, payé, etc.) et la date associée. Les différents statuts et leurs modalités de transmission devront toutefois être précisés et pourraient également être abordés lors de l’atelier de travail portant sur les données de paiement.
Nouveauté suite à l’atelier de travail du jeudi 10 juin 2021 : En ce qui concerne le statut des factures, il serait envisagé l’obligation de transmettre à la plateforme publique, pour transmission à l’administration fiscale, à minima 3 statuts :
En ce qui concerne le statut « encaissée », et les données associées qu’il conviendra de transmettre, la DGFiP et l’AIFE entendent finalement, après réflexion interne, limiter cette obligation aux seules opérations qualifiées de prestations de services (ou opérations mixtes devant être regardées comme des prestations de services), lorsque le vendeur n’a pas opté pour la gestion de la TVA sur les débits.
Toutefois, outre ces statuts obligatoires, d’autres statuts, de nature recommandé ou libre, ont été présenté. La transmission de ses statuts à la plateforme publique étant envisagé comme devant être uniquement facultative.
L’absence de caractère obligatoire du statut « Mise en paiement » (côté acheteur), et la transmission des données associées, méritera selon nous d’être confirmée.
Cette réforme profonde, dont la date d’entrée en vigueur approche rapidement, soulève de nouveaux enjeux fiscaux, IT/Data, opérationnels et organisationnels pour l’ensemble des assujettis.
La maitrise et la visibilité des « données », placées au cœur de la réforme, ont vocation à devenir un enjeu majeur afin de fiabiliser les déclarations fiscales/TVA, grâce à un renforcement de la gouvernance TVA et des contrôles internes associés visant notamment à sécuriser la Piste d’Audit Fiable .
Ainsi, si la mise en œuvre de cette réforme soulève toujours de nombreuses questions pour lesquelles des précisions devront être apportées, la réalisation d’un diagnostic 360 doit être mené dès à présent en collaboration avec les tiers de confiance et les éditeurs de solution. Ce diagnostic vise à recenser l’existant, identifier les points de blocage potentiels, notamment au travers des cas métiers spécifiques, et appréhender l’ensemble des enjeux décrits précédemment, pour une mise en œuvre, au cours de l’exercice 2022, d’un Modèle sécurisé et conforme. Une phase intermédiaire consolidation de l’existant et des axes d’adaptation identifiés devra toutefois être réalisée à l’issue de la publication de l’ordonnance fin septembre 2021.