La réforme du système fiscal international avance !

02/07/21

eAlerte Fiscale

Le 1er Juillet 2021, une Déclaration acceptée par 130 des 139 membres du cadre inclusif OCDE/G20 approuve les éléments principaux des deux Piliers de la réforme dont :

  • Pour le Pilier 1, l'instauration d'un mécanisme de partage d'une portion des profits consolidés des plus grandes entreprises multinationales (i.e. celles réalisant un chiffre d'affaires de plus de 20 milliards d’euros (dans un premier temps) et dont la rentabilité est supérieure à 10 % ) ;
  • Pour le Pilier 2, la fixation du taux minimum d’impôt sur les sociétés à « au moins 15 % ».

Depuis plusieurs années, l’OCDE œuvre à réformer le système fiscal international d’imposition des multinationales. Le Cadre inclusif sur le BEPS qui regroupe désormais 139 pays s’était mis d’accord, en mai 2019, sur un Programme de travail pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie.

Au terme de ce programme, une solution de long terme devait être approuvée par consensus fin 2020. Le calendrier était alors jugé « extrêmement ambitieux » au regard des incidences importantes qu’elle aurait sur le système fiscal international. La crise sanitaire et certains blocages politiques avaient différé cette réforme.

En 2021, le soutien politique des Etats-Unis, de l’Union européenne et récemment du G7 a  permis d’aboutir, le 1er Juillet 2021, à une Déclaration acceptée par 130 des 139 membres du cadre inclusif OCDE/G20, approuvant « une solution reposant sur deux piliers pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie ». Cette Déclaration reprend les principales composantes de chaque Pilier.

Les ministres des finances du G20 se réuniront  les 9 et 10 juillet 2021 et leur soutien politique à l’initiative fait peu de doute notamment eu égard au fait que l’ensemble des pays du G20 ont accepté la Déclaration.

Même si le soutien du G20 fait peu de doute, il convient néanmoins d’attendre l’issue de cette réunion et la rédaction du communiqué final sera déterminante pour évaluer le soutien politique à cette Déclaration et notamment à ses éléments chiffrés (i.e. taille des entreprises concernées, pourcentage d’allocation des profits aux juridictions de marché, taux plancher).

Ensuite, un plan de mise en œuvre détaillé ainsi que les questions en suspens seront finalisés pour octobre 2021. Le projet devrait alors être soumis aux ministres des finances du G20 lors d’une réunion qui se tiendra mi-octobre 2021.

Enfin, selon la Déclaration, la mise en œuvre se ferait selon le calendrier (ambitieux) suivant :

  • Pour le Pilier 1 : un instrument multilatéral serait élaboré et ouvert à la signature en 2022 et le Montant A (voir ci-dessous) prendrait effet en 2023 ;
  • Pour le Pilier 2 : un plan de mise en œuvre serait déterminé et publié pour envisager une transposition en droit en 2022 pour une entrée en vigueur en 2023.

Nous reprenons ci-dessous les grandes lignes de la Déclaration sur chacun des deux Piliers.

I.      Pilier I : vers une allocation accrue de profits imposables aux juridictions dites « de consommation »

Au-delà de la confirmation d’un calendrier très volontariste, la Déclaration vient formaliser les contours d’une réforme consensuelle de la fiscalité internationale, laquelle vise à ce que les plus grandes entreprises multinationales opèrent un partage de leurs profits consolidés plus favorable aux pays sur les marchés desquels elles opèrent.

Initialement dédiée aux seules entreprises du secteur numérique (« GAFA »), cette nouvelle approche s’est vue successivement étendue, en premier lieu, sur la base du constat d’une numérisation de l’économie dans son ensemble, puis en visant également tout type d’opérations dès lors qu’elles étaient destinées aux consommateurs.

La Déclaration marque une nouvelle étape dans la mesure où les seuls critères retenus pour l’application du Pilier 1 résident dans la taille et le niveau de rentabilité du groupe multinational quelle que soit la nature des activités déployées, à la seule exception des industries extractives et des services financiers réglementés.

Ainsi, le Pilier 1 propose une solution multilatérale, qui vise à se substituer aux initiatives de taxation unilatérales, telles que les taxes dites « digitales », et qui réalloue aux juridictions du consommateur le droit d’imposer une part des bénéfices (« Montant A ») réalisés par les multinationales générant un chiffre d'affaires consolidé de plus de 20 milliards d’euros et dont la rentabilité (comptable, sous réserve de certains ajustements) est supérieure à 10 %.

A horizon de 7 ans, le seuil de chiffre d’affaires pourra être réduit à 10 milliards d’euros, ce qui resterait bien supérieur à celui, initialement envisagé, de 750 millions d’euros.

En pratique, pour ces sociétés, entre 20 et 30 % du bénéfice consolidé dit « résiduel », c’est-à-dire excédant le seuil de 10 %, sera attribué (selon une clé de répartition fondée sur le chiffre d’affaires) aux juridictions dans lesquelles les biens ou les services sont utilisés ou consommés.

Selon la Déclaration, une juridiction pourrait prétendre à l’attribution du Montant A si la multinationale concernée y réalise au moins 1 million d’euros de ventes (montant réduit à 250 000 euros pour les juridictions dont le PIB n’excède pas 40 milliards d’euros).

Par ailleurs, il est précisé que la détermination du chiffre d’affaires attribuable localement devrait faire l’objet de règles détaillées prenant en compte la nature des transactions, ainsi que les faits et circonstances propres à chaque entreprise multinationale.

Enfin, un nombre important de mesures techniques vise à éviter les doubles impositions résultant notamment d’activités de commercialisation et de distribution déjà fiscalisées dans le territoire.

Un second volet, dit « Montant B » vise à régler une ancienne source de conflits entre administrations fiscales et contribuables, voire même entre administrations, à savoir le correct niveau de marge opérationnelle pour des opérations de marketing et de distribution réalisées par des filiales ou succursales. A ce stade, la déclaration de l’OCDE s’en tient à préciser que l’application du principe de pleine concurrence aux activités de commercialisation et de distribution de référence sera simplifiée et rationalisée. Ces travaux devraient être achevés en 2022.

Finalement, les procédures de compliance fiscale devraient être simplifiées (y compris les obligations déclaratives), et devraient permettre aux multinationales de se conformer à leurs obligations par l’intermédiaire d’une seule entité.

II.      Pilier 2 : vers un taux d’imposition minimum mondial

Le Pilier 2 se compose de deux éléments : les règles GloBE et la RAI.

Les règles GloBE

Les règles GloBE (règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition) comprennent :

  • une règle primaire – la règle d’inclusion du revenu (RDIR) – permettant à l’Etat de résidence du groupe de prélever un impôt supplémentaire équivalent à la différence entre le taux minimum (qui serait d’au moins 15 %) et le taux effectif d’imposition sur les bénéfices de ses filiales (les « entités constitutives »).
  • une règle secondaire – la règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII) refusant la déductibilité lorsque le revenu faiblement imposé d’une entité constitutive n’est pas assujetti à l’impôt au titre de la règle primaire (RDIR).

Ces règles sont fondées sur une approche commune. Les Etats membres du cadre inclusif ne sont pas tenus d’adopter ces règles mais :

  • s’ils le font ils doivent les suivre ;
  • ils acceptent que d’autres Etats membres du cadre inclusif les appliquent.

Les règles s’appliqueront aux multinationales ayant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros mais les Etats de résidence du groupe peuvent décider d’appliquer la RDIR aux entreprises dont le chiffre d’affaires serait inférieur.

Si le taux effectif d’imposition – dont les modalités de calcul seront harmonisées – du groupe dans une juridiction est inférieur au taux minimum d’au moins 15 %, l’impôt complémentaire sera prélevé par le biais de la RDIR ou de la RPII.

Il faut souligner qu’un revenu de « substance » - égal à au moins 5 % (au moins 7,5 % pendant une période de transition de 5 ans) de la valeur amortissable des actifs corporels et de la masse salariale - ne sera pas soumis à l’impôt complémentaire quand bien même il serait assujetti à un taux effectif d’imposition inférieur au taux minimum.

Les règles GloBE comporteront une exclusion de minimis. Il n’y a à ce stade aucune indication sur la forme qu’elle prendra (sachant qu’en octobre 2020 l’OCDE mentionnait, à titre illustratif, la possibilité d’exclure les juridictions dans lesquelles le groupe réalise soit un profit de moins de 100 000 euros, soit un profit de moins de 2,5 % des profits du groupe, ou une combinaison de ces deux éléments). D’autres mesures de simplifications devraient être prévues mais ne sont pas précisées à ce stade dans la Déclaration.

LA RAI

La règle d’assujettissement à l’impôt est une règle conventionnelle accordant aux Etats sources un droit d’imposition limité sur certains paiements entre parties liées,  imposés entre les mains du bénéficiaire à un taux inférieur au taux minimum. Il convient de noter que les membres du cadre inclusif qui appliquent à certains paiements des taux nominaux d’IS inférieurs au taux minimum de la RAI (compris entre 7,5 % et 9 %) mettraient en œuvre la RAI dans le cadre de leur convention fiscale avec les pays en développement membres du cadre inclusif à leur demande.

III.      Mise en œuvre des Piliers 1 & 2

Un plan de mise en œuvre sera déterminé et publié pour envisager une transposition en droit dès 2022, pour une entrée en vigueur en 2023. Il contiendra :

  • un modèle de règles GloBE ainsi que des règles de coordination et, le cas échéant, un instrument multilatéral
  • un modèle de disposition concernant la RAI ainsi qu’un instrument multilatéral
  • des règles transitoires, lesquelles pourraient prévoir le report de la mise en œuvre de la RPII.

La coexistence des règles GloBE avec le régime GILTI des Etats Unis sera prise en compte afin de garantir des règles du jeu équitables.

La Déclaration inclut, dans son dernier paragraphe, un engagement de poursuivre les discussions en vue de prendre une décision définitive sur ces éléments conceptuels dans le cadre défini d’ici octobre.

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