Comme chaque année, le Représentant du Commerce Américain (USTR) a publié le 31 mars dernier le rapport sur les barrières du commerce extérieur1. D’après ce dernier, bien que l’Union européenne applique un tarif moyen (MFN) assez faible à hauteur de 5 %, certains produits surtout agroalimentaires sont soumis au calcul spécifique de la table de Mersing qui différencie le tarif définitif en fonction de la composition du produit importé. A titre de comparaison, le taux moyen MFN pratiqué par les Etats-Unis est l’un des plus faibles au monde 3,3 %2.
L’USTR cite également les obstacles techniques comme les exigences sanitaires et phytosanitaires, les règlements sur les produits chimiques, sur la classification, l'étiquetage et le packaging des produits chimiques dangereux. Les engagements écologiques de l’Union européenne traduits par le Règlement déforestation, le Règlement sur les emballages et les déchets ou la directive sur les énergies renouvelables, sont également perçus comme des initiatives empêchant les produits américains d’accéder au marché européen.
Les constats du rapport incluent également les difficultés d’accès aux marchés publics pour les sociétés hors-UE, les divergences de traitement de l’investissement étranger par les Etats membres et les subventions d’Etat notamment dans le secteur aéronautique.
Une grande section du rapport sur l’UE est consacrée au secteur pharmaceutique et les politiques protectionnistes de certains Etats, l’absence de transparence des prix et des règles de remboursements.
Sur la base de l'ensemble de ces mesures tarifaires et non-tarifaires, les Etats-Unis ont conclu que l’Union européenne appliquait 39 % de droits incluant « manipulation de devise et barrières commerciales ». A titre comparatif, les taux suivants ont été retenus à l’égard des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis : 67 % pour la Chine, 46 % pour le Japon, 10 % pour le Royaume-Uni, 61 % pour la Suisse.
Par « l’Executive Order » du 2 Avril 20253, le Président Trump a décidé d’appliquer deux types de taux en fonction de la balance commerciale et de la gravité des obstacles commerciaux mis en place par les divers pays.
Un droit additionnel général de 10 % applicable sur tous les produits importés sur le territoire des Etats-Unis à partir du 5 avril prochain.
Ensuite, à compter du 9 avril prochain, des droits additionnels personnalisés correspondant à environ la moitié du pourcentage des barrières commerciales estimé pour le pays d’origine des biens. Ainsi, tous les biens d’origine européenne importés aux Etats-Unis à compter de cette date seront soumis à 20 % de droits additionnels. D’autres partenaires commerciaux seront soumis à des taux variés, notamment la Chine – 34 % en complément du taux de 20 % déjà applicable, le Japon – 24 %, la Suisse 31%, l’Inde – 26 %. La présente analyse s'appuie sur les informations publiées à l'Annexe I de l'Executive Order ci-dessus mentionné. A noter qu'une liste non officielle circule actuellement (publiée sur le compte Truth Social du Président Trump) sur laquelle figurent, à titre individuel, notamment, certains départements et régions d'Outre-mer français (par exemple, la Guadeloupe et la Réunion), qui seraient concernés par un taux différent que celui de l'Union européenne / France métropolitaine.
Restent soumis à des taux spécifiques conformément aux «Executive Orders » déjà publiés :
l’acier et l’aluminium, ainsi que leurs produits dérivés soumis à 25 % de droits additionnels depuis le 12 mars dernier ;
les véhicules automobiles et les composants du secteur automobile soumis à 25 % de droits, respectivement à partir du 3 avril et 3 mai 2025 ;
les marchandises originaires du Canada et du Mexique soumises déjà au taux de droits additionnels de 25 %, à l’exception des biens éligibles au traitement préférentiel sous l’ACEUM (USMCA). Une fois ces «Executive Orders » expirés ou suspendus, le taux sera diminué à 12 % ad valorem.
Plus généralement, les taux de ces droits additionnels ne s’appliqueront qu’au contenu non américain d’un article, à condition qu’au moins 20 % de la valeur de l’article en question soit d’origine américaine (produit entièrement ou substantiellement transformé aux Etats-Unis).
L’un des objectifs principaux du Président Trump est de diminuer l’importation des produits finis et relancer la production nationale dans les industries variées.
Ainsi, certaines marchandises visées par l’annexe II de l’Executive order sont exclues des droits additionnels4, notamment certaines nomenclatures relevant des secteurs du sel, des combustibles minéraux, divers produits chimiques, matières plastiques, caoutchouc, bois, produits d’édition, métaux précieux et métaux communs5. A ce stade, les produits pharmaceutiques du Chapitre 30 du HTSUS6 ont été exclus des droits additionnels. Toutefois, le Président Trump a souligné que l’autonomie dans le secteur pharmaceutique est l’une de ses priorités. D’après l’Eurostat, le secteur des produits médicaux et pharmaceutiques est le premier en termes des biens exportés par l’UE vers les Etats-Unis (55,6 milliards € pour 2023), les médicaments arrivent en 3ème place (36,1 milliards € pour 2023) et les instruments et appareils médicaux arrivent en 9ème place (10,2 milliards € pour 2023)7. Ainsi, bien que les médicaments échappent pour l’instant aux droits additionnels, il n’en n'est pas de même pour les articles, appareils, prothèses ou complément alimentaires classés dans d’autres nomenclatures.
De surcroit, les divers dispositifs à semi-conducteur échappent également aux droits additionnels du fait de leur caractère essentiel pour diverses industries américaines.
La franchise de minimis utilisée largement dans le secteur de l’e-commerce reste applicable malgré les droits réciproques. Ainsi, les envois dans la limite de 800 USD par jour et par importateur restent exclus des droits additionnels précités.
Cependant, la suspension initiale prévue pour les produits envoyés de la Chine ou d'Hong Kong finira le 2 mai prochain, conformément à « l’Executive Order » publié le 2 avril dernier8.
Ainsi, les transporteurs en charge des envois par le réseau postal international à partir de la Chine ou d’Hong Kong doivent collecter soit 30 % des droits ad valorem, soit 25 USD par colis postal et à partir du 1er juin, 50 USD par colis postal. Ces opérateurs sont soumis à l’obligation de mettre en place une garantie douanière aux Etats-Unis pour assurer le paiement des droits.
A ce stade, l’Union européenne prépare une contre-attaque ciblée (voir notre e-Alerte précédente). Les mesures contre les produits américains devraient entrer en vigueur le 14 avril prochain.
La Présidente de la Commission européenne a rappelé ses annonces concernant le soutien aux divers secteurs essentiels notamment, l'automobile et l'acier, déjà soumis aux droits additionnels de 25 %. Dans sa déclaration, elle rappelle la nécessite du dialogue, sans exclure la possibilité de mesures réciproques9. Le Président du Comité du Commerce International du Parlement européen, lors de la conférence de presse, a exclu à ce stade, l’utilisation de l’instrument d’anti-coercition en le considérant comme la mesure de dernier recours si les négociations échouent10.
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Les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de l’UE, avec plus de 500 Md€ de valeur d'exportation au titre de l’année 202311. Les entreprises qui exportent vers les Etats-Unis doivent se préparer aux droits additionnels de 20 %. Entre autres, le plus touchés seront le secteur de l'aéronautique (10,5 Md€), les navires, bateaux et structures flottantes (9,3 Md€), les alcools et spiritueux (8,2 Md€), les équipements de télécommunication (6,3 Md€)12, ou encore le luxe. Cette préparation exige non seulement une approche stratégique en termes de réorganisation de la « supply chain», mais surtout la prise en compte des enjeux douaniers et fiscaux.
[1] 2025 National Trade Estimate Report on Foreign Trade Barriers of the President of the United Stats on the Trade Agreements Program, 31 mars 2025
[5] Chapitres du Système Harmonisé visés par l’annexe II : sel, soufre, terres et pierres, plâtres, chaux et ciments, minerais, scories et cendres, combustibles minéraux, huiles minérales et produits de leur distillation, matières bitumineuses, cires minérales, produits chimiques inorganiques; composés inorganiques ou organiques de métaux précieux, d'éléments radioactifs, de métaux des terres rares ou d'isotopes, produits chimiques organiques, engrais, extraits tannants ou tinctoriaux; tanins et leurs dérivés, pigments et autres matières colorantes; peintures et vernis; mastics; encre, agents de surface organiques, Ferrocérium et autre alliages, produits divers des industries chimiques, matières plastiques et ouvrages en ces matières, caoutchouc et ouvrages en caoutchouc, bois, charbon de bois et ouvrages en bois, liège et ouvrages en liège; ouvrages de sparterie ou de vannerie, produits de l'édition, de la presse ou des autres industries graphiques; textes manuscrits ou dactylographiés et plans, argent et Or sous forme brute, platine, sous formes brutes ou mi-ouvrées, ou en poudre, métaux communs.
[6] Harmonized Tariff Schedule of the United States
[7] Eurostat, EU Trade with United States, 2023
[11] Conseil de l’Union européenne, Échanges commerciaux entre l'UE et les États-Unis, 17 mars 2025
[12] Eurostat, données sur les exportations de l’Union européenne vers les Etats-Unis pour 2023
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