Régime fiscal d’une libéralité consentie par une SIIC à l’occasion d’une cession de titres

Art. 208 C CGI / Une insuffisance du prix de cession d'un bien immobilier qui trouve son origine dans une libéralité consentie par une SIIC à son acquéreur est imposable dans les conditions de droit commun 

CE 15 octobre 2020, n° 425150, Sté Kerry, mentionné au recueil Lebon

A l'issue d'une vérification de comptabilité, une société qui a opté pour le régime des SIIC est assujettie à une cotisation supplémentaire d’IS résultant de la remise en cause du prix de cession de deux appartements que l'administration estime anormalement minoré.

La société conteste l’imposition à l’IS de ce supplément de prix et demande qu’il puisse bénéficier de l’exonération qui s’applique aux plus-values réalisées par les SIIC.  

(Ndlr : On rappelle qu’en application de l’art. 208 C du CGI, les SIIC bénéficient sur option, sous certaines conditions, d’une exonération d’IS sur la fraction de leurs bénéfices provenant notamment des plus-values qu’elles réalisent lors de la cession d’immeubles).

La CAA accorde une décharge totale d’imposition à la société en jugeant que le rehaussement du prix de cession ne peut être imposé à l’IS quand bien même il trouve son origine dans une libéralité consentie par la société à l’acquéreur. 

Le CE casse l’arrêt de la CAA. Il juge que : 

  • Les minorations du prix de cession d'un élément de l'actif peuvent conduire, lorsqu'elles ne relèvent pas d'une gestion normale pour l'application des art. 38 et 209 du CGI ou constituent des bénéfices indirectement transférés au sens de l'art. 57 du même code, à un rehaussement du bénéfice de la société cédante, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, imposable dans les conditions de droit commun prévues par ces dispositions. 
  • Elles ne peuvent en revanche, dès lors qu'elles constituent des libéralités, être imposées ou exonérées selon les régimes particuliers applicables aux plus-values, en particulier celui prévu par l'art. 208 C du CGI en faveur des SIIC .
  • Il en résulte qu'en jugeant, 
    • au motif que la plus-value de cession en litige était exonérée en application des dispositions précitées de l'art. 208 C du CGI,
    • que la minoration du prix de cession ne pouvait donner lieu à un rehaussement du résultat imposable à l’IS, 
    • alors même que cette minoration trouvait son origine dans une libéralité consentie à l'acquéreur, 
  • La cour a commis une erreur de droit.

Renvoi devant la CAA.

Arrêt : lien

Le regard de nos experts 

Par cet arrêt, le Conseil d'Etat juge que la libéralité consentie par une société qui bénéficie du régime fiscal SIIC et résultant de la cession à un prix minoré de deux appartements doit être taxée à l'impôt sur les sociétés au taux normal (secteur taxable de la SIIC) et ne constitue pas une plus-value de cession exonérée (relevant donc du secteur exonérée de la SIIC). L'application du taux normal de l'impôt sur les sociétés est fondée sur la seule anormalité de l'opération et non sur la nature du produit correspondant (plus-value de cession d'actif). Cette décision s'inscrit dans le prolongement des jurisprudences Sté JPG-DS et Sté Alternance (respectivement CE 26 décembre 2018, n° 424570 et CE 6 février 2019, n° 410248) par lesquelles le Conseil d'Etat a jugé que le régime des plus-values à long terme sur titres de participation ne s'applique pas en cas de cession à prix minoré. En d'autres termes, la libéralité résultant de la cession à prix minoré d'un actif immobilisé ne peut bénéficier d'un régime d'exonération (secteur exonérée d'une société SIIC) ou d'un régime de faveur (régime des plus-values à long terme sur titres de participation). 

Philipe Emiel, Avocat

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