Avec le dispositif « ATAD 1 », la déductibilité des charges financières reste un enjeu transactionnel majeur

Rappel des principales dispositions relatives au calcul de la capacité de déduction des charges financières nettes (« ATAD 1 »)

Les nouvelles règles applicables aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019 ont redéfini profondément le cadre applicable en matière de déduction des charges financières.

Ainsi, la capacité de déduction des charges financières, autrefois appréciée entité par entité, même au sein d’un même groupe d’intégration fiscale, s’apprécie désormais au niveau de ce groupe selon les modalités définies par l’article 223 B bis du CGI précisées par le BOI-IS-GPE-20-20-110 n° 130.

En outre, pour calculer la capacité de déduction dans le cadre du nouveau dispositif, trois éléments sont désormais à prendre en compte :

  • l’assiette des charges financières nettes ;
  • l’EBITDA fiscal (un nouveau ratio défini par les règles fiscales, et qui peut s’éloigner de l’EBITDA financier) ;
  • et les ratios consolidés, calculés sur la base de données issues de comptes consolidés additionnels uniquement établis à des fins fiscales (en plus de la consolidation légale et notamment, aux bornes du groupe d’intégration fiscale).

Les trois ratios consolidés prévus par le dispositif sont les suivants :

  • Le ratio permettant de déterminer si le groupe fiscal se trouve en situation de sous-capitalisation : rapport entre i) le montant moyen des dettes des sociétés du groupe fiscal vis-à-vis des sociétés liées extérieures au périmètre de l’intégration fiscale et ii) le montant des fonds propres consolidés du groupe fiscal (ratio d’endettement – CGI art. 223 B bis, VII-1) ;
  • Le ratio relatif à la clause de sauvegarde en cas de présomption de sous-capitalisation (c’est-à-dire si le ratio précédent excède 1,5) à comparer au ratio du groupe consolidé ultime : rapport entre i) le montant total des dettes et ii) le montant des fonds propres consolidés (ratio d’endettement global – CGI art. 223 B bis, VII-3) ;
  • Le ratio relatif à la clause d’autonomie financière, afin de bénéficier d’une déduction complémentaire au-delà de celle générée par le régime de droit commun, à comparer également au même ratio calculé au niveau du groupe consolidé ultime : rapport entre i) le montant des fonds propres consolidés et ii) le montant total des actifs (ratio d’autonomie financière – CGI art. 223 B bis, VI).

L’établissement de ces ratios permet de déterminer les règles applicables au groupe fiscal en matière de capacité de déduction des charges financières.

Ainsi, si le groupe d’intégration fiscale n’est pas sous-capitalisé, le régime de droit commun s’applique et permet de déduire les charges financières à hauteur du montant le plus élevé entre 3 M€ et 30 % de l’EBITDA fiscal du groupe fiscal.

Si la clause d’autonomie financière est applicable, la capacité de déduction peut être augmentée de 75 % des charges financières nettes restant à déduire après l’application du régime de droit commun.

Les charges financières nettes qui n’auraient pas pu être déduites sur l’exercice sont intégralement et indéfiniment reportables sur les exercices suivants.

En revanche, le régime de sous-capitalisation limite la capacité de déduction de la manière suivante :

  1. pour la fraction correspondant à la dette entraînant la situation de sous-capitalisation, c’est-à-dire la dette vis-à-vis d’entreprises liées (« mauvaise dette ») : au plus élevé des seuils de 1 M€ ou 10 % de l’EBITDA fiscal du groupe, ajusté au prorata de cette fraction de la dette ;
  2. la fraction de leur montant correspondant à la dette n’entraînant pas la situation de sous-capitalisation (« bonne dette ») reste déductible dans la limite du plus élevé des seuils de 3 M€ ou 30 % de l’EBITDA fiscal du groupe, ajusté au prorata de cette fraction de la dette ;
  3. le report des charges financières nettes est limité.

A noter qu’un groupe est considéré comme étant sous-capitalisé :

  1. lorsque son ratio d'endettement, défini comme le montant moyen des sommes laissées ou mises à sa disposition au cours d'un exercice par l'ensemble des entreprises qui lui sont directement ou indirectement liées (au sens du 12 de l'article 39 du CGI) divisé par ses fonds propres, est supérieur à 1,5 ;
  2. et qu’il n’est pas en mesure d’apporter la preuve que le ratio d’endettement global du groupe consolidé auquel il appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d’endettement global (clause de sauvegarde mentionnée au point 2. ci-avant).

Le schéma ci-après, établi par nos soins, présente une synthèse du dispositif précité :

Une société (ou un groupe d’intégration fiscale) sous-capitalisée étant fortement pénalisé par rapport à une société appliquant le régime de droit commun, l’appréciation de la sous-capitalisation et de l’applicabilité des clauses de sauvegarde est un enjeu majeur à anticiper dans le cadre de transactions.

Ainsi, il s’agit de s’assurer que :

  • le financement mis en place permettra de déduire les charges financières nettes ;
  • la cible sera bien en mesure de continuer à déduire ses charges financières nettes une fois intégrée à la nouvelle structure.

Les ratios : une donnée structurante

Le calcul des ratios est une donnée clé du calcul de la capacité de déduction des charges financières nettes car il permet de déterminer si le groupe d’intégration fiscale est sous-capitalisé ou non, et s’il peut bénéficier de la clause d’autonomie financière et ce faisant, d’une déduction additionnelle.

Dans le cadre des transactions, il est donc important d’anticiper les impacts de la transaction envisagée sur le calcul de ces ratios.

Différents éléments sont susceptibles de modifier le calcul de ces ratios, notamment :

  • la structure de financement et la répartition entre financement par capital et financement par emprunt, qui impactera les données « capitaux propres » et/ou « endettement financier » ;
  • la structure du groupe après l’opération.

En effet, si le groupe d’intégration fiscale réalise une acquisition conduisant à intégrer de nouvelles entités dans son périmètre, il devra alors s’interroger sur les impacts sur sa consolidation et celle du groupe ultime de ces nouvelles entités.

Il est important de pouvoir anticiper ces impacts. Nous recommandons donc de préparer une projection de la consolidation du nouvel ensemble au niveau du groupe ultime et au niveau de l’intégration au moment de la structuration du financement afin de pouvoir estimer les ratios et leurs conséquences en termes de déductibilité des charges financières nettes.

Si le groupe d’intégration fiscale est racheté par un autre groupe, il conviendra de s’interroger sur les impacts :

  • d’un éventuel changement de référentiel comptable pour établir les consolidations additionnelles ;
  • du changement de groupe auquel le groupe d’intégration fiscale doit désormais se comparer : est-il plus ou moins endetté/capitalisé que le groupe précédent ? Cela impacte-t-il l’application des clauses de sauvegarde pour le groupe d’intégration fiscale ?
  • des nouvelles valorisations des actifs de sociétés membres de l’intégration fiscale dans les comptes consolidés, à la suite de l’exercice d’allocation du prix d’acquisition.

Le référentiel comptable de la consolidation

Lorsqu’un groupe français est intégré à une nouvelle consolidation, il se peut que son référentiel comptable de consolidation soit modifié si le l’acquéreur prépare ses comptes dans un référentiel différent de celui appliqué précédemment.

Ainsi, les référentiels français, IFRS, luxembourgeois et américains (notamment), présentent des différences de principes dont les impacts devront être anticipés afin d’en connaitre les conséquences sur les comptes consolidés de l’intégration fiscale.

Par ailleurs, si les sociétés du groupe d’intégration fiscale détiennent des titres dans d’autres sociétés, leurs modalités de valorisation dans les comptes consolidés de l’intégration fiscale dépendent directement du référentiel comptable retenu (en ce sens, BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n° 270).

Aussi, ils seront valorisés pour leur valeur nette comptable (valeur historique diminuée d’éventuelles dépréciations) si la consolidation est préparée selon le référentiel de consolidation français (en ce sens, Mémento Comptes Consolidés, Ed. Francis Lefebvre 2021, n° 2566), alors qu’ils seront valorisés pour leur valeur réelle selon le référentiel IFRS (en application de la norme IFRS 9 « Instruments financiers »).

Cette différence de traitement peut avoir des conséquentes importantes sur le calcul des ratios dans la mesure où ces ajustements de valeur impactent les données « total des actifs » et « fonds propres ».

L’allocation du prix d’acquisition

Dans le cadre d’une nouvelle acquisition, les règles comptables de consolidation imposent de réaliser un exercice d’affectation du prix d’acquisition qui entraîne dans les comptes consolidés une constatation des actifs et passifs acquis à leur juste valeur à la date d’acquisition.

Le BOI-IS-BASE-35-40-10-20 n°260 précise que, pour le calcul des ratios des entités seules (et par renvoi, de l’intégration fiscale), « il convient de retenir la valeur de ces actifs qui figure dans les comptes consolidés du groupe ».

Ainsi, la valeur des actifs des sociétés de l’intégration fiscale à considérer pour les ratios pourra évoluer par rapport à celle retenue les années précédentes ce qui entraînera une modification des ratios du groupe d’intégration fiscale.

EBITDA fiscal : une donnée difficile à anticiper

Enfin, la capacité de déduction des charges financières nettes dépend également du niveau d’EBITDA fiscal de l’intégration fiscale.

Aussi, pour les groupes dont la capacité de déduction dépend de manière significative du niveau d’EBITDA fiscal, il est nécessaire de s’interroger sur l’impact de l’entrée de nouvelles sociétés dans le groupe d’intégration sur cet agrégat afin d’éviter de mauvaises surprises. Une modélisation de l’EBITDA projeté est donc indispensable.

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Bénédicte le Maux

Bénédicte le Maux

Associée Audit, PwC France et Maghreb

Julie Lordereau

Julie Lordereau

Directrice, PwC Société d'Avocats

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