Communication & Transparence fiscale : la Directive du "CbCR public" ne serait-elle qu'un début ?

06/01/22

La Directive sur le CbCR public à peine publiée, de nouvelles obligations de communication sur la fiscalité des grands groupes semblent déjà se dessiner. Cet article revient tout d'abord sur les précisions de calendrier apportées par la publication de la Directive, sur des questions encore en suspens autour de ses conditions d’application, ainsi que sur les discussions au sein d’instances européennes sur de nouvelles obligations de communication fiscale.

Publication de la Directive sur le CbCR Public au JOUE

Le 1er décembre 2021, la Directive sur le CbCR public – Directive (UE) 2021/2101 - a été publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne (JOUE). Cette publication officialise la date butoir de transposition dans le droit interne des Etats membres - fixée au 22 juin 2023 – et les dispositions de la Directive devront s’appliquer, au plus tard, aux exercices ouverts à compter du 22 juin 2024 (article 48 octies).

Le tableau suivant présente un calendrier possible de première publication, en fonction de plusieurs dates de clôture :


Date d'application (au plus tard)   Date d'ouverture du 1er exercice à déclarer Date de clôture du 1er exercice à déclarer Date butoir de publication
22/06/2024   01/07/2024 30/06/2025 30/06/2026
  01/10/2024 30/09/2025 30/09/2026
  01/01/2025 31/12/2025 31/12/2026
  01/04/2025 31/03/2026 31/03/2027

A noter que ces dates s’entendent « au plus tard » et sont susceptibles de changer, en fonction des dispositions prises par les Etats membres lors de la transposition.

Le texte de la Directive étant inchangé par rapport à celui adopté par le Conseil et le Parlement, plusieurs incertitudes sur les conditions d’application demeurent :

  • La source des données à publier n’est pas précisée ;
  • Le format de publication sera établi par la Commission, via un acte délégué ;
  • Les sanctions et pénalités en cas de non-conformité ne sont pas prévues dans la Directive ;
  • La notion de « préjudice commercial important » pour justifier l’utilisation du différé de publication (clause de sauvegarde) n’est pas clairement définie.

Si les sanctions et pénalités seront fixés par chaque Etat membre, les autres points concernant la source des données, le format de publication et les éclaircissements sur la notion de « préjudice commercial important » seront vraisemblablement fixés par la Commission, à une date inconnue à ce jour. La question du format de publication - qui doit être « lisible par une machine » - laisse toutefois sous-entendre un possible recours à un format de type XML (XBRL notamment), dans la même logique que d’autres reportings dématérialisés (ESEF pour les états financiers, DAC 6, etc…).

Si vous souhaitez en savoir plus sur le contenu de la Directive, nous vous renvoyons à notre eAlerte du 23 juin 2021 qui en détaille les dispositions essentielles. 

Pilier 2 de l’OCDE : une possible publication des taux effectifs d’imposition

Autre actualité importante du mois de décembre 2021 : la publication du modèle de règles pour l’application du Pilier 2 (« Tax Challenges Arising from the Digitalisation of the Economy Global Anti-Base Erosion Model Rules (Pillar Two) ») de la réforme fiscale internationale portée par l’OCDE (voir notre zoom dans ce même numéro). Pour mettre en œuvre la mesure phare de cette initiative qu’est le taux minimum d’impôt sur les sociétés de 15%, les groupes concernés devront calculer - selon des règles fixées par le modèle publié - un taux effectif d’imposition par juridiction et paieront un impôt additionnel si ce taux effectif pour la juridiction concernée est inférieur au fameux taux de 15%. 

En parallèle de ce projet à l’OCDE, la Commission Européenne avait indiqué en mai 2021 (« Communication from the commission to the european parliament and the council : Business Taxation for the 21st Century ») qu’elle souhaitait déposer une proposition législative en 2022 visant à demander aux groupes de publier les taux effectifs d’imposition de leurs activités dans les Etats membres de l’UE1, calculés selon la méthodologie développée pour les besoins de Pilier 2.

L’objectif avancé de cette publication est, pour la Commission, d’accroître la transparence sur l’empreinte fiscale des grands groupes, en réponse aux demandes de nombreuses parties prenantes, dont certaines considèrent que les informations disponibles aujourd’hui ne sont pas suffisantes pour mesurer la contribution aux finances publiques de ces grands groupes. 

La même communication de la Commission incluait la proposition visant à limiter l’usage abusif des sociétés-écrans (« the fight against the abusive use of shell companies »), dont le projet de Directive a été publiée fin décembre 2021. Avec la récente publication du modèle de règles pour l’application de Pilier 2 et l’objectif affiché par les instances de l’UE de les adopter le plus rapidement possible, il est donc très probable que nous voyions la question de la publication des taux effectifs revenir en discussion au sein des instances de l’UE. 

Le calendrier de première application d’une telle mesure reste néanmoins une inconnue importante, tout comme son articulation avec la directive sur le CbCR public, qui n’est pas sans poser de nombreuses questions de comparaison des différentes informations publiées. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés des discussions et développements à venir.

Taxonomie sociale : la responsabilité et la transparence fiscale parmi les enjeux fondamentaux de la nouvelle taxonomie

Dans le cadre de la stratégie de l’UE en matière de finance durable, la Commission Européenne a entériné, en 2020, le renforcement des obligations de communication des entreprises sur le volet environnemental. Ces obligations - issues du règlement2 aussi appelé « Taxonomie verte » - sont le résultat de nombreuses consultations sur les informations à donner aux investisseurs et parties prenantes au regard des activités des grands groupes et de leurs impacts environnementaux. Adopté en 2020, le règlement impose la publication de ces nouvelles informations dès 2022, sur la base de l’exercice 2021. L’objectif de cette Taxonomie verte est double : 

  • établir un système européen de classification des activités durables, afin de faciliter les comparaisons entre activités et entre les groupes ; et ainsi 

  • favoriser la réorientation des investissements de capitaux vers les activités dites « durables ». 

Au sein de cette stratégie en matière de finance durable, cette Taxonomie verte n’était, en réalité, qu’un des premiers jalons et la « Taxonomie sociale » est l’une des prochaines étapes de ce projet porté par la Commission Européenne. En juillet 2021, elle a ouvert une consultation sur cette Taxonomie sociale, dont les principes sont explicités dans un rapport dédié (« Draft Report by Subgroup 4: Social Taxonomy, July 2021 »), sans que ce dernier n’expose toutefois un détail précis des nouvelles obligations. 

Cette Taxonomie sociale entend, elle-aussi, uniformiser les standards de reporting sur les impacts sociaux des grands groupes et orienter les comportements de ces groupes ainsi que les décisions d’investissements. Parmi les sujets abordés par cette Taxonomie sociale figure la fiscalité, et plus particulièrement le rôle central qu’elle joue dans le financement des Etats. Le rapport avance ainsi que toute pratique des groupes visant à diminuer artificiellement leur contribution aux finances publiques serait fortement dommageable pour les investissements des Etats ou encore pour les mécanismes de protection sociale. 

Ainsi, ce rapport indique deux actions permettant d’atteindre l’objectif fixé de mettre fin à ces pratiques dommageables : 

  • La Transparence fiscale (« Tax Transparency »), par les chiffres et en particulier, le CbCR public ; 

  • La Vision de la fiscalité (« Tax Approach »), qui doit exposer la position de l’entité face aux pratiques pouvant être jugées comme dommageables (implication de la gouvernance, intention de respecter la lettre et l’esprit de la loi, l’alignement entre fiscalité et activités opérationnelles, etc.). 

Si l’action en faveur d’une plus grande transparence fiscale semble bien en marche avec le CbCR public (et la possible publication des taux effectifs d’imposition calculés pour Pilier 2, cf supra.), l’action sur la vision de la fiscalité ne s’est pas, pour l’heure, traduite par de nouvelles obligations au sein de l’UE. Elle existe, en revanche, depuis 2016 au Royaume-Uni, sous la forme de la publication annuelle de la Politique fiscale3, sur le site internet de la société, avec des rubriques imposées sur lesquelles le groupe doit se positionner : comment le groupe évalue et répond aux risques liés à la fiscalité, gère l’incertitude sur l’application des textes fiscaux ou encore comment le groupe voit les relations avec les autorités fiscales. 

Aucun calendrier n’est connu, à ce jour, pour la traduction du rapport de Taxonomie sociale en nouvelles obligations de communication et nous ne manquerons pas, là encore, de vous tenir informés des discussions et développements à venir.

Sources

 1 §3.1 Ensuring fair and effective taxation, d’après la communication officielle de la Commission Européenne du 18 mai 2021 : « Communication from the commission to the european parliament and the council : Business Taxation for the 21st Century »

2 Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088

3 “Section 161 of the Finance Act 2016”

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François Roux

François Roux

Directeur, PwC Société d'Avocats

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