07/11/22
Comment et pour quels motifs révoquer le président d’une société par actions simplifiée ?
Il convient en premier lieu de rappeler que, par application de l’article L. 227-5 du Code de commerce, la réponse à cette question se trouve dans les statuts de la société par actions simplifiée, dans lesquels les associés organisent librement les modalités de révocation des dirigeants de la société.
Cette liberté propre à la société par actions simplifiée concerne tant le choix de l’organe habilité à décider cette révocation (I), que l’organisation de la procédure lui étant applicable (II). Il conviendra toutefois d’être vigilent à ce que la révocation du président ne revête pas un caractère abusif, pouvant donner lieu à l’indemnisation du dirigeant éconduit (III).
En société par actions simplifiée, les statuts peuvent attribuer la compétence de décider de la révocation du président à la collectivité des associés, auquel cas les conditions de quorum et de majorité requises seront celles applicables à toutes les décisions collectives d’associés, sauf régime spécifique propre à la révocation mis en place dans les statuts ; ou à un groupe défini d’associés (le groupe majoritaire par exemple) ; ou il sera encore possible d’attribuer cette compétence à tout organe statutaire contrôlant les décisions stratégiques de la société (conseil de surveillance, comité stratégique, etc.).
Relevons ici que dans l’hypothèse où la révocation du président relève d’une décision collective des associés, ces derniers ne pourront exclure le président concerné du vote portant sur sa propre révocation, si ce dernier est également associé. En conséquence, si le président associé se trouve être l’associé majoritaire de la société ou du moins l’associé détenant la majorité requise pour voter la décision de révocation le concernant, il ne sera pas possible de le révoquer si ce dernier s’y oppose.
Une autre alternative laissée aux associés permet de prévoir la révocation judiciaire du président, pour cause légitime ou pour toutes autres causes prédéterminées au sein des statuts.
Rien n’interdit enfin de confier la décision de révocation du président à un tiers non associé ou de prévoir la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de régler les conflits existants entre les associés et le dirigeant concerné.
Sur le plan des causes justifiant le départ du président, les statuts peuvent soit encadrer la révocation du président par l’existence de motifs définis, soit prévoir une révocation sans justes motifs.
Dans le premier cas, les associés devront prendre le soin, dans les statuts, de préciser les motifs justifiant la décision des associés. Il pourra s’agir par exemple de la non-atteinte des résultats financiers ou des objectifs fixés dans la décision de nomination du président ou dans son mandat social, de l’existence d’une dissension entre le président et les associés, ou encore d’un abus de pouvoir reproché au dirigeant.
En pratique, c’est la révocation sans juste motifs, dite ad nutum (littéralement « d’un mouvement de tête ») qui est davantage recommandée, dans la mesure où elle confère une totale liberté aux associés de révoquer le président sans avoir à qualifier de motif particulier pouvant donner lieu à discussion. Autrement dit, une telle révocation peut intervenir à tout moment, sans aucune justification particulière.
Il est acquis en jurisprudence qu’un dirigeant d’une société par actions simplifiée peut être révoqué sans juste motif dès lors que les statuts ne conditionnent pas la révocation des dirigeants à l’existence d’un juste motif. Ce principe a fait l’objet d’une confirmation récente de la Cour de cassation, appliquée à un directeur général, alors que les statuts de la société concernée prévoyaient que les dirigeants pouvaient être révoqués « à tout moment », sans autre précision (Cass. com., 9 mars 2022, n°19-25.795).
Dans les deux cas, les statuts préciseront l’application éventuelle d’une durée de préavis à respecter avant le départ du président éconduit.
Enfin, bien que cela soit hautement déconseillé, il est tout à fait envisageable de prévoir que le président sera irrévocable durant toute la durée de son mandat.
Les associés peuvent tout à fait convenir, au sein des statuts de la société par actions simplifiée, que le président révoqué percevra une indemnité de rupture, versée au moment de la cessation de ses fonctions.
Il sera recommandé dans ce cas de définir avec précision les éventuels motifs d’exclusion du versement de cette indemnisation statutaire (par exemple si la révocation du président est intervenue dans le contexte d’une faute grave ou lourde du dirigeant révoqué).
En tout état de cause, en société par actions simplifiée comme dans toute autre forme de société, l’usage abusif du droit de révocation d’un dirigeant peut donner lieu à une contestation judiciaire de cette décision et à l’allocation de dommages-intérêts au dirigeant révoqué.
Rappelons qu’une jurisprudence constante reconnait au dirigeant révoqué le droit de présenter ses observations préalablement à la décision de révocation le concernant. Cette application du principe du contradictoire concerne toutes les formes sociales et consiste à sanctionner l’usage abusif du droit à révocation.
A ce titre, la révocation du président est considérée comme abusive lorsqu’elle intervient dans des conditions contraires au respect du principe du contradictoire et de l’obligation de loyauté applicable à la société dans l’exercice du droit de révocation.
Le président révoqué pourra notamment avancer l’ignorance des motifs liés à sa révocation ou le fait qu’il n’aura pas été mis en mesure de présenter ses observations devant l’organe ayant pris la décision de le révoquer. A notamment été jugé abusif et déloyal le fait d'induire en erreur le président sur l'enjeu réel d'une réunion d’un comité de surveillance convoquée sans ordre du jour précis, alors qu'elle était en fait destinée à le révoquer.
Il pourra également qualifier de vexatoires, d’injurieuses ou de brutales les circonstances dans lesquelles la décision de révocation est intervenue dès lors que ces circonstances ont pu porter atteinte à sa réputation ou à son honorabilité. La jurisprudence en cette matière retient notamment les cas de dénigrement du président révoqué devant les salariés de la société, l’obligation faite au président de remettre immédiatement les clés des locaux après l’assemblée et de quitter lieux sans délai, ou encore l’existence de menaces physiques ou verbales accompagnant la décision de révocation.
En pratique, il sera donc conseillé de faire connaître au président les motifs de sa révocation suffisamment en amont de sorte qu’il se trouve en situation de présenter ses observations à l’organe concerné avant que la décision de révocation ne soit effective.
Précisons enfin qu’une révocation reconnue abusive permettra au dirigeant concerné de percevoir des dommages-intérêts dont le montant sera apprécié par les juridictions en fonction de l’ampleur et de la gravité du préjudice subi par le dirigeant révoqué.
Afin d’être opposable aux tiers, la décision de révocation du président devra faire l’objet d’une publicité auprès du registre du commerce et des sociétés dont dépend la société, étant précisé que les extraits de la décision concernée pourront ne pas faire figurer les motifs retenus pour la révocation du président concerné.