Constitutionnalité des clauses d’exclusion adoptées à la majorité des associés dans les SAS

04/07/23

La société par actions simplifiées (SAS) est un choix populaire lors de la création de société en raison de sa flexibilité et de sa capacité à adapter les règles internes à ses besoins spécifiques.

Depuis la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, dite loi Soilihi, qui a modifié l’article L. 227-19 du Code de commerce, se posait la question de la constitutionnalité de l’alinéa 2 de ce même article concernant les clauses d’exclusion des associés adoptées à la majorité des associés au sein de la SAS.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er octobre 2022 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, du second alinéa de l’article L. 227-19 du Code de commerce, dans sa rédaction résultant la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019. 

Procédure d’exclusion d’un associé

Selon l’article L. 227-16 du Code de commerce, « Dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions » (rédaction issue de l’ordonnance du 18 septembre 2000). Un associé peut être contraint à céder ses actions et a fortiori à être exclu de la société. Ce mécanisme de cession forcée permet soit de remédier à une situation de blocage entre associés, soit d’être une source de sanction lors d’une faute d’un associé.

Comme l’indique l’article L.227-16 du Code de commerce, les conditions dans lesquelles l’associé peut être tenu de céder ses actions sont indiquées dans les statuts. Ces derniers doivent également prévoir les motifs de l'exclusion qui doivent être précis, clairs et transparents. L'exclusion peut par exemple résulter d'un comportement fautif de l’associé telle qu’une infraction aux statuts ou un manquement à une obligation d’exclusivité.

Les statuts doivent également déterminer la procédure d’exclusion de l’associé. Ils désignent l’organe compétent et le déroulement de la procédure. Cette procédure doit respecter les droits de la défense de l’associé soumis à cette procédure d’exclusion, elle doit donc respecter le principe du contradictoire. Les modalités de vote sont précisées ainsi que les modalités de rachat des actions. Enfin, l’associé évincé doit avoir la possibilité de contester la décision d’exclusion.

Adoption ou modification d’une clause d’exclusion

Initialement, pour être valable, la clause d’exclusion devait avoir été introduite dans les statuts de la société lors de sa constitution, ou lors d’une modification ultérieure des statuts par décision unanime des associés.

Cette exigence d’unanimité a été supprimée par la loi Soilihi. En effet, selon la nouvelle rédaction de l’article L. 227-19 du Code de commerce, les clauses d’exclusions peuvent désormais être adoptées ou modifiées « par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts ».

La simplification des conditions d’exclusions des associés signifie principalement qu’une clause statutaire pouvant exclure un associé peut être adoptée ou modifiée sans recueillir l’unanimité des associés. Un associé peut ainsi être exclu de la société par une clause à laquelle il n’aurait pas consenti.

Cette nouvelle disposition entraîne une précarisation des associés minoritaires et pouvait être considérée comme une atteinte à la propriété de l’associé exclu. En effet, aux termes de l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ».

Question de constitutionnalité

Toutefois, dans sa décision du 9 décembre 2022 (n° 2022-1029 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré l’alinéa 2 de l’article L. 227-19 du Code de commerce conforme aux dispositions des articles 2 et 17 de la DDHC. Cette décision est fondée sur les motifs suivants :

Tout d’abord, selon le Conseil constitutionnel ces dispositions ont pour seul objet de permettre à une société d’exclure un associé en application d’une clause statutaire et que s'il en résulte pour ce dernier une contrainte de céder ses actions, cette exclusion n’entraine pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la DDHC.

Par ailleurs, avec cette nouvelle disposition, le législateur a eu pour objectif d’intérêt général de garantir la cohésion de l’actionnariat et la poursuite de l’activité de la société. Cela afin d’éviter les situations de blocage pouvant résulter de l’opposition d’un associé minoritaire en permettant aux associés majoritaires de prendre des mesures pour préserver les intérêts de la société.

De plus, le Conseil constitutionnel relève qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Cassation que la décision d'exclure un associé ne peut résulter que d'une procédure prévue par les statuts qui ne doit pas être abusive et qu'elle doit reposer sur un motif stipulé par ces derniers, conforme à l’intérêt social et à l’ordre public.

Par ailleurs, le prix de rachat des actions de l’associé évincé est fixé en application de modalités prévues par les statuts de la société ou à défaut par un accord entre les parties, ou par un expert désigné.

Enfin, cette procédure d’exclusion ainsi que le prix de cession peuvent être contestés par l’associé évincé devant le juge « auquel il revient alors de s’assurer de la réalité et de la gravité du motif retenu ».

Ainsi, le Conseil constitutionnel ayant déclaré conforme les dispositions de l'article L. 227-19 du Code de commerce et ce sans émettre de réserves, une clause d’exclusion adoptée ou modifiée sans unanimité ne porte pas atteinte disproportionnée au droit de propriété de l’associé exclu.

Pour aller plus loin

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Selma Rousselle

Selma Rousselle

Avocat, Associate, PwC Société d'Avocats

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