Les directions juridiques, traditionnellement centrées sur la conformité et la gestion des risques, commencent à réaliser l’importance des enjeux ESG-RSE. Le baromètre révèle que les juristes estiment la maturité de leur entreprise sur ces sujets à seulement 5,5 sur 10. Cette évaluation, bien en deçà des attentes, montre que les entreprises perçoivent encore l’ESG-RSE principalement comme un enjeu de conformité (3,53 sur 10), suivi par des enjeux réputationnels, business, et enfin stratégiques. La maturité des équipes juridiques sur les sujets ESG-RSE est également faible, avec une note de 4,96 sur 10. Ce constat souligne que les sujets ESG-RSE ne sont pas encore pleinement intégrés dans les pratiques juridiques quotidiennes.
Un des enseignements majeurs du baromètre est le désalignement entre les priorités ESG-RSE des entreprises et l’implication des directions juridiques. Les entreprises se concentrent principalement sur les aspects environnementaux de l’ESG, tandis que les directions juridiques sont davantage impliquées dans les questions de gouvernance. Ce décalage s’explique en partie par une assimilation culturelle et naturelle de la gouvernance au domaine juridique « corporate ». Les juristes perçoivent que leur implication sur les sujets ESG-RSE va augmenter dans le futur, notamment sur les aspects environnementaux (de 5,4 à 7) et sociaux (de 4,8 à 6,3). Cependant, pour se réaligner avec les priorités de l’entreprise, les directions juridiques devront développer une vision plus large et stratégique des enjeux environnementaux et sociaux au-delà de la seule vision juridique.
L’ESG-RSE a eu jusqu’à présent un impact limité sur la perception stratégique du rôle des directions juridiques, avec une note de 5,22 sur 10. Les entreprises les plus matures en termes d’ESG-RSE sont celles qui valorisent le plus le rôle stratégique potentiel des directions juridiques. Pour renforcer leur rôle stratégique, les juristes doivent développer des compétences transverses et « non-juridiques », telles que la gestion de projets, la communication et la transversalité, et la compréhension des enjeux business. Pour ce faire, les directions juridiques sont appelées à se transformer, à se former… Et, dans la mesure du possible, à sortir de la Confort-mité. Par nature, l’ESG n’est pas seulement juridique, ses finalités sont également stratégiques et sociétales. Aussi, le juriste doit dépasser l’approche juridique parfois réductrice des enjeux ESG afin de pouvoir mieux les anticiper, les accompagner et jouer son rôle de catalyseur.
Les juristes priorisent le renforcement de leurs compétences juridiques et réglementaires sur les sujets ESG-RSE. Cependant, ils doivent également développer des compétences non-juridiques pour aborder des sujets transverses et variés. Le baromètre identifie un corpus de quatre types de compétences essentielles pour les juristes : Legal, Business, Behavior (comportementales) et Digital (LBBD). Les directions juridiques s’appuient majoritairement sur des formations externes pour développer leurs compétences ESG-RSE. Seule une entreprise sur deux organise des formations ESG-RSE en interne, ce qui ne favorise pas l’acquisition de compétences en interne, ni le développement d’une culture et d’une vision stratégique transversales à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
À ce jour, l’ESG-RSE a entraîné des modifications limitées dans les directions juridiques. Pour la moitié des répondants, l’ESG-RSE n’a entraîné aucune modification dans l’équipe juridique. Cependant, 77 % des juristes pensent que la structure organisationnelle et la gouvernance de leur direction juridique doivent évoluer avec les sujets ESG-RSE. Paradoxalement, 78 % ne pensent pas recruter de juriste spécialisé ESG-RSE dans le futur.
Le baromètre identifie cinq facteurs clés de succès pour renforcer le rôle des directions juridiques sur les sujets ESG-RSE : compétences et formation, gouvernance et stratégie, ressources et outils, intégration et collaboration et gestion des risques et conformité. Quatre profils de directions juridiques sont également définis :
1 - Entreprise non mature et direction juridique non mature : sensibiliser et former les juristes et les autres directions, se positionner comme acteur de la conformité et de la gestion des risques.
2 - Entreprise mature et direction juridique mature : maintenir et actualiser les compétences, assurer la conformité, anticiper et gérer les risques, se positionner comme partenaire stratégique.
3 - Entreprise mature et direction juridique non mature : sensibiliser et former les juristes, définir et communiquer le rôle de la direction juridique, intégrer les enjeux ESG-RSE dans les contrats et transactions.
4 - Entreprise non mature et direction juridique mature : sensibiliser et former les autres directions, assurer la conformité, anticiper et gérer les risques, se positionner comme moteur de transformation.
Le Baromètre ESG-RSE 2024 révèle que les directions juridiques ont un potentiel important à exploiter pour accompagner la transition ESG-RSE des entreprises. Cependant, elles doivent se transformer et se former en profondeur pour devenir des contributeurs stratégiques incontournables. Les juristes d’entreprise doivent développer des compétences transverses, clarifier leur positionnement, et se doter d’outils de veille et de reporting pour renforcer leur rôle et leur légitimité sur les sujets ESG-RSE. Les juristes d’entreprise ont l’opportunité d’être reconnus comme des contributeurs clés, des catalyseurs grâce à leur capacité à gérer la complexité, les risques, les opportunités et le retour sur investissement liés au sujet ESG, ce, en adoptant une approche transversale, inclusive et pluridisciplinaire des enjeux. Ainsi, l’histoire de la transformation des directions juridiques face aux enjeux ESG-RSE continue, avec des défis à relever et des opportunités à saisir pour un avenir plus durable et responsable.