Le devoir de vigilance bientôt étendu à l'Union européenne

16/06/23

eAlerte ESG

Proposée par la Commission européenne le 23 février 2022, la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, ou Corporate Sustainability Due Diligence Directive (dite directive CSDD), vise à imposer une obligation de vigilance au niveau européen. Voté par le Parlement européen le 1er juin 2023, le texte devrait être formellement adopté en 2024.

Pour rappel, la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre a intégré dans le code de commerce un devoir de vigilance imposé aux grandes entreprises.

Seuils d’application : quelles entreprises sont concernées ?

En droit français

L’article L225-102-4 du Code du commerce prévoit que les obligations tirées du devoir de vigilance s’appliquent à toutes les sociétés qui :

  • Emploient au moins 5 000 salariés en leur sein et dans leurs filiales, directes ou indirectes, et dont le siège social est en France ;
  • Emploient au moins 10 000 salariés en leur sein et dans leurs filiales directes ou indirectes, et dont le siège social est en France ou à l’étranger.

En droit européen

A ce stade, le projet de directive CSDD prévoit que les entreprises immatriculées dans l’Union européenne et les entreprises de pays tiers seront concernées par les nouvelles dispositions de durabilité.

Par rapport à la réglementation française, les seuils sont considérablement réduits puisque seront[1] assujetties aux nouvelles règles :

  • Les sociétés à responsabilité limitée employant plus de 250 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros à l’échelle mondiale (“Groupe 1”) ;
  • Les sociétés à responsabilité limitée n’atteignant pas ce premier seuil mais étant holding d’un groupe comptant au moins 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires net de plus de 150 millions d’euros à l’échelle mondiale (“Groupe 2”). Initialement, ce groupe devait concerner des entreprises de certains secteurs (le textile, l’agriculture, les exploitations minières etc.) mais cette sectorisation a été retirée par le Parlement européen.

Selon l’étude de la Commission européenne, le nombre de sociétés concernées serait d’environ 9 400 entreprises pour le Groupe 1 et 3 400 entreprises pour le Groupe 2.

Concernant les entreprises étrangères, seront concernées celles dépassant cumulativement les deux seuils de chiffre d’affaires suivants :

  • 150 millions d’euros dans le monde ;
  • 40 millions d'euros réalisés dans l’Union européenne.

De même, seront assujettie les holdings de groupe comptant au moins 500 salariés avec un chiffre d’affaires net mondial supérieur à 150 millions d’euros dont au moins 40 millions d’euros réalisés dans l’Union européenne.

Obligations prévues

En droit français

Les entreprises assujetties ont l’obligation de mettre en œuvre et de publier un plan de vigilance comportant la présentation des mesures de vigilance raisonnables propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers :

  • Les droits humains et les libertés fondamentales; la santé et la sécurité des personnes;  l’environnement,
  • Résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie.

Ce plan doit comporter cinq types de mesures :

  • Une cartographie des risques (identification, analyse et hiérarchisation de ces derniers) ;
  • Des procédures d’évaluation régulières de la situation des filiales, sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels une relation commerciale établie est entretenue ;
  • Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;
  • Un mécanisme d’alerte et de recueils des signalements relatifs aux risques ;
  • Un dispositif de suivi et d’évaluation des mesures mises en œuvre.

Ce qui est prévu par le projet de directive CSDD

La directive a pour ambition d’imposer aux entreprises concernées de mieux identifier et d’éviter les incidences négatives réelles et potentielles de leurs activités propres, mais aussi celles de leurs filiales et de leurs supply chains, sur les droits de l’homme et sur l'environnement, ainsi qu’à permettre l’engagement de leur responsabilité en cas de violation (article 1 § 1 (a) du projet de directive).

Le projet de directive définit la notion d’incidence négative comme la violation d’une interdiction ou obligations figurant dans des conventions internationales en matière d’environnement et droits de l’homme (article 3 (b) et (c)).

S’inspirant du dispositif français, la directive prévoit six mesures obligatoires à mettre en place (article 4) :

  • Intégrer le devoir de vigilance dans les politiques internes, avec une description de l’approche de l’entreprise en matière de vigilance, un code de conduite et une description des mesures de mise en œuvre. Cette politique devra être proportionnée à la probabilité et gravité des incidences négatives (article 5) ;
  • Recenser et évaluer les incidences négatives réelles ou potentielles de leurs propres activités, celles de leurs filiales et celles de leurs relations commerciales établies dans leur supply chain (article 6) ;
  • Prévenir et supprimer les incidences négatives avec notamment un plan d’action adapté aux activités et à la supply chain de l’entité concernée, des dispositions contractuelles avec les tiers, des modifications de projets, d’investissements, ou de gestion (articles 7 et 8) ;
  • Établir un système d’alerte professionnel interne (article 9) ;
  • Contrôler et vérifier l’efficacité des mesures de vigilance (article 10) ;
  • Communiquer publiquement le devoir de vigilance (article 11).

Enfin, le projet de directive, toujours à l’instar du droit français, instaure une responsabilité civile de la société en cas de défaut dans la mise en œuvre de son plan de vigilance (article 22).


[1] Conformément à l’article 2 du projet de directive, tel qu’amendé par le Parlement européen

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Fabien Radisic

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Avocat, Associé, ESG Leader, PwC Société d'Avocats

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