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Le Conseil ECOFIN est parvenu à un accord sur la directive FASTER

Le conseil ECOFIN est parvenu à un accord sur la directive FASTER
  • Publication
  • 22 mai 2024

Le 19 juin 2023, la Commission européenne publiait sa proposition de directive dite FASTER (Faster and Safer Relief of Excess Withholding Taxes), dans l’objectif d’encourager les investissements transfrontaliers en diminuant le fardeau que peut représenter l’obtention d’un taux réduit de retenue à la source pour les investisseurs, tout en offrant aux Etats membres les outils pour lutter efficacement contre la fraude et les abus dans ce domaine. Le 14 mai 2024, le Conseil ECOFIN est parvenu à un accord sur le texte de compromis publié par la présidence belge le 8 mai 2024.

Si l’objectif d’ensemble est resté le même, dans ses grandes lignes la directive qui devrait prochainement être formellement adoptée par le Conseil de l’Union européenne est par certains aspects significativement différente de la proposition initialement formulée par la Commission européenne. La prochaine étape, une fois la directive adoptée, sera sa transposition par les Etats membres au plus tard le 31 décembre 2028 pour une application à compter du 1er janvier 2030.

I - La création d’un certificat de résidence fiscale numérique (CRFN)

Tous les Etats membres de l’Union européenne devront bien mettre en place une procédure automatique d’émission d’un certificat de résidence fiscale numérique (CRFN) pour les personnes physiques et entités considérées comme résidant dans leur juridiction à des fins fiscales. Il devra être délivré, sur la base des informations dont l’Etat membre émetteur a connaissance à la date de son émission, dans un délai maximum de quatorze jours calendaires suivant la date de demande par l’intéressé, et non plus d’un jour ouvré comme initialement pensé. Les informations qu’il devra obligatoirement contenir ont été étoffées pour inclure notamment, lorsqu’applicable, la mention d’une ou plusieurs conventions fiscales en vertu desquelles le contribuable demande à être considéré comme résidant à des fins fiscales dans l’Etat membre émetteur du CRFN. Le numéro d’identification fiscale des demandeurs de CRFN pourra être suppléé par tout équivalent utilisé à des fins fiscales pour ceux n’en disposant pas. La période de validité du CRFN ne pourra pas excéder un an calendaire ou l’année fiscale au titre de laquelle il est émis. Il restera valable sur cette période sauf à ce que l’État membre concerné dispose d’éléments prouvant que la personne à laquelle le CFRN fait référence ne réside pas à des fins fiscales dans sa juridiction pendant tout ou partie de la période couverte, auquel cas il pourra totalement ou partiellement l’invalider.

II - Les mesures applicables dans certains Etats membres seulement

Pour le reste, la plupart des mesures prévues par la directive ne seront finalement applicables que dans certains Etats membres de l’Union européenne seulement (ci-après « les Etats membres concernés »). A la date limite à laquelle la directive devra être transposée (i.e., le 31 décembre 2028), les Etats membres obligatoirement concernés par les mesures détaillées ci-après seront en effet ceux prévoyant l’application d’une retenue à la source sur les dividendes d’actions cotées dont le taux peut être réduit en application de leur droit interne ou des conventions fiscales qu’ils ont signées, et :

  • dont le ratio de capitalisation boursière1 aura été supérieur ou égal à 1,5 % pour chacune des quatre années consécutives comme indiqué dans les quatre dernières publications de l’AEMF disponibles à la date limite de transposition de la directive2, ou ;

  • ne disposant pas d’un système complet d’application des taux réduits à la source (« comprehensive relief at source system ») remplissant les critères définis à l’article 3, §(22a) de la directive. Ceux qui disposeraient d’un tel système sans avoir franchi le seuil de ratio de capitalisation boursière dans les conditions précitées, pourront irrévocablement choisir d’appliquer l’ensemble des mesures prévues par la directive.

Passée cette date, si quatre publications consécutives par l’AEMF font apparaître que le ratio de capitalisation boursière d’un Etat membre jusque-là exempté a atteint ou excédé le seuil d’1,5 %, il devra dans les cinq ans suivant la quatrième de ces publications mettre irrévocablement en œuvre l’ensemble des mesures prévues par la directive.

Les Etats membres qui le souhaitent pourront par ailleurs prévoir un système similaire en matière de retenue à la source sur intérêts de titres de dette cotés.

a. L’obligation pour certains Etats membres de proposer une procédure rapide d’application des taux réduits

En complément de la procédure standard de remboursement qu’ils peuvent prévoir, les Etats membres concernés devront obligatoirement mettre en place l’un des trois systèmes suivants au moins :

  • Une procédure d’application des taux réduits à la source (i.e., lors du versement du dividende), ou ;

  • Une procédure de remboursement rapide (Quick refund) : sous réserve d’avoir été demandé au plus tard au cours du second mois suivant celui au cours duquel le paiement de dividende ou d’intérêt aura eu lieu, le remboursement de la différence entre le taux de droit commun appliqué à la source et celui, réduit, auquel est éligible le propriétaire enregistré devra être effectué par l’Etat membre concerné dans un délai maximum de 60 jours calendaires après la fin de la période au cours de laquelle une demande pourra être présentée, ou ; 

  • Une combinaison des deux.

b. L’intervention nécessaire d’un intermédiaire financier certifié (IFC) pour l’application des procédures rapides

Les demandes d’application des taux réduits, à la source ou par remboursement rapide, dans les Etats membres concernés devront être présentées au nom et pour le compte du propriétaire enregistré qui l’y aura autorisé par l’intermédiaire financier certifié (IFC) dans les livres duquel sont détenus ou gérés ses titres financiers. La directive prévoit désormais que les Etats membres pourront permettre à un IFC d’assumer les obligations et responsabilités d’un intermédiaire financier non certifié dans les livres duquel les titres financiers d’un propriétaire enregistré sont détenus ou gérés, si tous deux en ont convenu ainsi.

L’IFC concerné sera pour ce faire tenu de collecter une déclaration du propriétaire enregistré, stipulant notamment, lorsque requis par l’Etat membre de source, qu’il est le bénéficiaire effectif des revenus en vertu de la législation nationale de ce dernier ou d’une convention fiscale qu’il a signée, et s’il a conclu ou non un accord financier lié à l’action cotée en bourse sous-jacente qui n’a pas été réglé ou n’est pas expiré ou résilié à la date de détachement du dividende. L’IFC sera également tenu d’établir l’éligibilité du propriétaire enregistré au taux réduit de retenue à la source auquel il prétend, et de vérifier notamment, sur la base des informations à sa disposition :

  • le CRFN du propriétaire enregistré ou la preuve de sa résidence dans un pays tiers à l’Union européenne considérée comme appropriée par l’Etat membre de source ;

  • la déclaration du propriétaire enregistré et sa résidence fiscale en confrontant ces informations à celles qu’il a obtenu ou est tenu d’obtenir par ailleurs, notamment afin de se conformer à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

  • ou encore le droit du propriétaire enregistré au bénéfice du taux de retenue à la source réduit auquel il prétend.

Les Etats membres concernés devront de leur côté établir et tenir à jour au moins une fois par mois un registre national des IFC, accessible au public sur un portail dédié. L’inscription sur un registre national sera obligatoire pour les grands intermédiaires financiers3 de l’Union européenne et les dépositaires centraux fournissant des services d’établissement payeur. Les Etats membres devront permettre aux intermédiaires financiers des pays tiers à l’Union et à ceux de plus petite taille de demander leur inscription sur leur registre s’ils remplissent certaines conditions. La directive prévoit désormais que les IFC devant obligatoirement s’inscrire sur un registre national pourront se voir interdire de demander l’application des procédures rapides, s’ils ont commis un ou plusieurs délits ou infractions ayant entraîné une perte de retenue à la source au cours des dix années précédentes, ou qu’une enquête est ouverte les concernant à propos d’une fraude ou d’un abus fiscal potentiel pouvant entraîner une telle perte. Les IFC autorisés à s’inscrire sur un registre national pourront quant à eux voir leur demande d’inscription rejetée ou en être retirés, pour les mêmes raisons.

c. Une obligation de déclaration pesant sur les IFC

Les IFC inscrits sur un ou plusieurs registres nationaux des Etats membres concernés devront fournir à l’autorité compétente gérant le registre du pays où leurs clients ont investi ou, le cas échéant, à l’établissement payeur de ce pays, une déclaration leur permettant de reconstruire la chaîne de paiement et d’identifier l’investisseur final. La directive prévoit désormais que la déclaration devra être transmise, dans un format standardisé défini par la Commission européenne, au plus tard au cours du second mois suivant celui au cours duquel le paiement du revenu a eu lieu, et non plus 25 jours après la date d’arrêté des positions (record date) au plus tard, sauf circonstances particulières, comme dans sa première version. Elle devra notamment a minima contenir des informations sur l’identité des intervenants dans la chaîne de paiement et du récipiendaire du revenu payé par l’IFC, sur l’émetteur du titre, le montant brut du revenu, son montant net, les dates pertinentes le concernant (i.e., date de détachement, date d’enregistrement, et date de paiement), le taux de retenue à la source appliqué ou à appliquer, le montant de retenue à la source, la base légale d’application du taux de retenue à la source ou encore sur l’existence de tout accord financier impliquant l’action cotée en bourse sous-jacente qui n’a pas été réglé ou n’est pas expiré ou résilié à la date de détachement du dividende.

En cas de défaillance dans l’exécution de leurs obligations, complète ou partielle, les IFC pourront être responsables des pertes de recettes fiscales subies par les Etats membres lors de l’application des procédures rapides. Les Etats membres seront également tenus de prévoir des pénalités en cas d’infraction aux mesures de droit national adoptées en vue de transposer la Directive.

Prochaines étapes

Saisi pour avis consultatif, le Parlement européen avait émis un avis favorable à l’adoption de la proposition de directive le 28 février 2024 tout en proposant des amendements. Compte tenu des changements significatifs apportés lors des négociations, le texte sur lequel le Conseil ECOFIN est parvenu à un accord lui sera de nouveau soumis pour avis. Après avoir subi un contrôle linguistique juridique, il devra faire l’objet d’une adoption formelle par le Conseil de l’Union européenne. Une fois la directive adoptée, les Etats membres devront la transposer dans leurs droits internes au plus tard le 31 décembre 2028 pour une application à compter du 1er janvier 2030.


Le ratio de capitalisation boursière d’un Etat membre sera déterminé par l’AEMF (Autorité Européenne des Marchés Financiers) en faisant le rapport entre sa capitalisation boursière, entendue comme la valeur totale des actions de sociétés cotées de l’Etat membre, et la capitalisation boursière globale de l’Union européenne.

2 La France fera partie des Etats membres obligatoirement tenus d’appliquer l’ensemble des mesures prévues par la directive, dès lors que selon les premiers chiffres (non officiels) de l’AEMF, son ratio de capitalisation boursière pour 2022 était de 25,43 %. V. Council Directive on Faster and Safer Relief of Excess Withholding Taxes - General Approach, p. 11.

3 Au sens de l’article  4, § 1, point 146) du règlement (UE) du PE et Cons. UE n° 575/2013, 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement tel que modifié par le règlement (UE) n° 2019/876 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019. Il s’agit des établissements d’importance systémique mondiale au sens du règlement, des établissements recensés en tant qu’autre établissement d’importance systémique conformément à l’article 131, § 1 et 3 de la directive 2013/36/UE, des établissements qui sont, dans l’État membre où ils sont établis, l’un des trois plus grands établissements en termes de valeur totale des actifs, ou des établissements dont la valeur totale des actifs, sur base individuelle ou, le cas échéant sur la base de leur situation consolidée conformément au règlement et à la directive 2013/36/UE, est égale ou supérieure à 30 milliards d’euros.

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Séverine Defert

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Avocat, Associée, PwC Société d'Avocats

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Avocat, Associé, PwC Société d'Avocats

Maud Poncelet

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Avocat, Associée, PwC Société d'Avocats

Emilie  Dussau

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Tax Manager, Département Doctrine, PwC Société d'Avocats

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