Raphaëlle Duchemin : Le monde change, secoué par les crises qui bouleversent tout sur leur passage. Crises climatiques, crises géopolitiques, crises sanitaires, elles s'enchaînent et nous font prendre conscience qu'il faut durablement faire évoluer, voire radicalement modifier nos façons de faire. Facile à dire, mais comment faire et qui doit bouger ses lignes ? Je suis Raphaëlle Duchemin et dans cette série Décryptages, je vous emmène à la rencontre d’experts PwC qui vont vous aider à transformer vos modèles. Car on peut agir et le dirigeant a son rôle à jouer dans l'entreprise qu'il doit faire évoluer, bien sûr, pour le bien de sa société, mais aussi pour le bien commun. Bonjour Fabien Radisic.
Fabien Radisic : Bonjour Raphaëlle.
Raphaëlle Duchemin : Merci d'être avec nous. Vous dirigez les activités Développement Durable pour le cabinet d'avocats de PwC. À vos côtés également, Éric Hickel. Bonjour.
Éric Hickel : Bonjour.
Raphaëlle Duchemin : Associé PwC, société d'avocats spécialisée en droit des affaires, on va parler aujourd’hui de la responsabilité du dirigeant. Elle est multiple aujourd'hui. J'ai parlé des crises qui se sont additionnées. Cela a eu pour effet, évidemment, une prise de conscience, notamment sur le sujet environnemental. Le corollaire, c'est l'avalanche de normes qui en découlent. Il y en a de plus en plus. De plus en plus contraignantes aussi. On est en quelque sorte passés de l'incitation, Éric, à l'obligation.
Éric Hickel : Complètement, on parle, comme on le dit traditionnellement, de la “soft law” à la “hard law”, avec une avalanche de réglementations qui s'entrechoquent un petit peu, qui se combinent et qui sont devenues d'une grande complexité. À ce titre, le juriste est vraiment indispensable dans la mesure où il est un expert. Simplement, on le verra peut-être un peu plus tard, il n'a pas complètement pris sa place dans ce nouveau monde. L'ESG fait partie intégrante de la stratégie de l'entreprise.
Raphaëlle Duchemin : Comment on fait, Fabien, justement pour que le dirigeant s'habitue à cette nouvelle donne de normes qui est de plus en plus contraignante ?
Fabien Radisic : La question est compliquée parce qu'on change de monde, on change d'habitude. D'abord, il faut prendre conscience de l'ampleur de ces changements. La difficulté, vous l'avez dit, c'est qu'on est passé d'un monde où il n'y avait peut-être pas grand-chose à un monde où il y a beaucoup. La transformation est profonde, ça prend du temps, mais derrière ça, il faut surtout une prise de conscience et il faut que, quelque part, le dirigeant croit aussi en cette nécessité de transformer les choses. Parce que quand il y aura une adoption de cette compréhension, on pourra s'adapter.
Raphaëlle Duchemin : Adaptation ou adoption ? Parce qu'on se pose la question finalement.
Fabien Radisic : Il faut d'abord adopter pour s'adapter, parce que les changements sont profonds. L'activité d'une entreprise peut être finie pour des raisons qui lui sont externes.
Raphaëlle Duchemin : Cette surenchère de normes, elle pousse aujourd'hui, les entreprises à se conformer ou à, en tout cas, essayer de se conformer à ce nouveau cadre. Est-ce qu'elles sont toutes logées à la même enseigne ou est-ce qu'il y a encore des différences ? Est-ce qu'elles en ont toutes conscience ? Dans tout ça, comment est-ce qu'on arrive à se positionner et à y voir clair ?
Éric Hickel : Effectivement, c'est très délicat parce que d'abord, la notion d'ESG est elle-même protéiforme, c'est-à-dire qu'elle implique différentes disciplines, que ce soit évidemment le droit de l'environnement, matière à laquelle les projecteurs sont essentiellement tournés à l'heure actuelle.
Raphaëlle Duchemin : Mais pas que !
Éric Hickel : Mais pas que, mais le droit social avec l'inclusion, le partage de la valeur, la parité hommes-femmes, le droit fiscal avec la transparence fiscale. Finalement, on se rend compte que toutes les branches du droit sont concernées et qu’il est très dur pour l'entreprise de savoir qui fait quoi, qui a la charge de quoi. Donc, il y a vraiment un sujet de positionnement qui est très délicat. Puis comme vous le disiez, la notion d'entreprise est elle-même protéiforme. C'est-à-dire qu'entre les sociétés du CAC 40 qui sont plutôt matures sur tous ces sujets, qui ont vu plutôt ce besoin de transformation comme une opportunité pour elles, à côté de ce pan de sociétés côtées et de grandes entreprises, on a toute une série de PME et d'ETI qui voient plutôt l'ESG comme une contrainte, effectivement comme un tsunami réglementaire et qui, à notre sens, n'a pas encore la maturité nécessaire pour affronter l'ensemble des réglementations qui arrivent.
Raphaëlle Duchemin : C'est intéressant que vous parliez de maturité. Comment on fait pour les aider à mûrir justement ? Qu'est-ce qu'on peut faire pour elles, pour les aider à adopter ou en tout cas à faire mieux connaissance avec ces nouvelles réglementations ?
Fabien Radisic : Il y a un travail, entre guillemets, d'éducation, d'apprentissage, mais du côté des conseils, il y a aussi un travail de pragmatisme. C'est-à-dire que les règles sont compliquées, mais si elles ne sont pas appliquées de façon intelligente, avec une certaine proportionnalité, ça devient très compliqué. Le volume de règles a explosé ces dernières années. C'est effrayant. Il y a beaucoup de dirigeants qui commencent à faire du “push back” sur tout ça en se disant : « C'est un délire bureaucratique, tout ce que vous souhaitez que l'on fasse. » Donc, la responsabilité du conseil, c'est de guider l'entreprise dans cette jungle réglementaire, si on emploie ces termes-là, mais aussi de faire en sorte que les choses soient appliquées de façon proportionnelle.
Raphaëlle Duchemin : Oui, j'imagine qu'il y a des priorités, il faut y aller étapes par étapes. Finalement, sur quoi exactement est-ce qu'elles doivent montrer patte blanche et jusqu'où vont dans ces normes les investigations ? Est-ce que le dirigeant doit être en mesure de garantir ce qu'il fait dans son entreprise, d'avoir une traçabilité, de s'engager aussi pour ses fournisseurs, le fameux scope 3 ? C'est vrai qu'on a l'impression qu'il y a des briques comme ça qui viennent systématiquement s'additionner.
Fabien Radisic : C'est un peu tout ça, Raphaëlle, et c'est ça la difficulté. Le développement durable dans l'entreprise touche à tout. Souvent, l'adaptation demande de mobiliser des personnes qui viennent d'univers différents : de la finance, des juristes, des opérationnels. C'est ça la difficulté, c'est que ça mobilise toutes les compétences de l'entreprise et il faut faire avancer tout le monde. Alors après, vous pouvez le prendre à l'envers. C'est aussi une opportunité parce que vous pouvez aussi créer par rapport à ça un chemin pour l'entreprise vers un modèle qui crée de l'adhésion.
Éric Hickel : La fidélité de tous ces textes, finalement, c'est la transparence et la comparabilité. Donc, les entreprises sont désormais scrutées, sanctionnées par les consommateurs, sanctionnées par le marché, sanctionnées par les investisseurs. Donc, oui, les obligations de reporting pour le dirigeant sont importantes et c'est pour ça que quand on parle de responsabilité des dirigeants, il y a une double responsabilité. Il y a la responsabilité au sens civil comme on l'entend classiquement, mais également la responsabilité de connaître son entreprise et de la transformer, d'avoir les bons outils, les bons reportings pour pouvoir accompagner la transition énergétique de son entreprise.
Raphaëlle Duchemin : Justement, vous dites responsabilité finalement à deux niveaux, qu'est-ce qu'il doit faire le dirigeant s'il n'est pas dans les clous ? Auditer, se faire auditer, mettre en marche ce fameux plan de transformation ? On commence par quoi ? Parce que tôt ou tard, finalement, il aura à rendre des comptes. Enfin, le fameux reporting dont vous parlez sur ce qu'on appelle aujourd'hui, de manière générale, l'extra financier.
Éric Hickel : Pour comprendre l'articulation entre les différents textes, la CSRD, c'est juste un squelette, c'est une obligation de déclarer.
Raphaëlle Duchemin : Elle est en cours de déploiement.
Éric Hickel : Exactement. Elle est applicable depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, mais après elle entre progressivement en vigueur pour un nombre croissant d'entreprises. C'est juste un cadre. La CS3D, c'est l'obligation de faire. Donc, il y a l'obligation de dire et l'obligation de faire. Finalement, le cadre est déjà assez clair. Dans le rapport de gestion, il y a une section extra-financière dans laquelle l'entreprise déclare un certain nombre de choses : son impact sur l'environnement, les mesures correctives qui sont prises, les mesures de suivi et tout ça est certifié par un commissaire aux comptes. Donc, on arrive à un stade où le reporting extra-financier devient aussi important que le reporting financier.
Raphaëlle Duchemin : Ça, avant, le dirigeant, en avait vaguement conscience, mais ne connaissait pas les effets que ça pouvait avoir sur lui. Comment ça se passait dans le monde d'avant ?
Fabien Radisic : Avant, c'est vrai qu'on était focalisé exclusivement sur les indicateurs financiers. Aujourd'hui, on se pose un peu plus la question de l'impact de l'entreprise sur son environnement, sur ses parties prenantes à la vie de l'entreprise. Que ces parties prenantes soient en interne, salariés, actionnaires, ou alors tous ces fournisseurs. Quand on voit les obligations que l'on a aujourd'hui, tout ce qui tourne autour de la traçabilité et du devoir de vigilance, tout ça est énorme en termes de regard qu'un dirigeant doit porter sur son écosystème.
Raphaëlle Duchemin : Puisque vous parlez du devoir de vigilance, justement, il a évolué. Il y a des choses qui se sont mises en place, et nous, en France, on a été parmi les pionniers en 2017. Ce devoir de vigilance, aujourd'hui, il est étendu au niveau européen, mais aussi étendu dans ce qu'il signifie. Concrètement, pour un entrepreneur en responsabilité, ça veut dire quoi, et surtout, ça impose quoi ?
Éric Hickel : Ça impose une vigilance de l'entreprise non seulement sur son propre fonctionnement, mais également celui de tous ses fournisseurs, sous-traitants. Ça va très loin. Il y a un caractère d'extranéité qui est très important et qui, évidemment, peut être anxiogène pour les entreprises puisqu'il faut aller voir tous ces fournisseurs, y compris dans des pays éloignés. Avec des sanctions à la clé qui sont à la fois des sanctions administratives avec des autorités de contrôle, c'est là où on va beaucoup plus loin que le devoir de vigilance français, et évidemment des sanctions civiles. Il y a toute une série de mécanismes qui devront être mis en place sur toute la chaîne de valeur.
Raphaëlle Duchemin : C'est là effectivement qu'il y a quand même un flou artistique, parce que c'est à la fois précis et imprécis ce qu'on attend de ce devoir de vigilance. J'ai l'impression que tout le monde s'y perd un peu et que finalement, même les spécialistes n'ont pas forcément tous les tenants et les aboutissants.
Fabien Radisic : Je pense qu'il y a un guide. C'est de se dire : « Moi qui suis l'entreprise, qui suis en bout de chaîne, je ne peux pas faire des déclarations en disant que sur telle et telle norme, je suis aligné avec ce qu'il faut faire, sans regarder comment se comportent tous les gens qui travaillent avec moi. » Parce que sinon vous avez un problème d'incohérence. Or ce qui est sanctionné aujourd'hui, c'est quand une entreprise donne des messages qui sont incohérents par rapport à ses déclarations. Je vais prendre un exemple. Vous ne pouvez pas dire le matin : « Je suis un bon citoyen parce que par rapport à l'environnement, par rapport aux personnes que je fais travailler, je fais ce qu'il faut, et l'après-midi, faire de la fraude fiscale. » C'est cette incohérence-là qui doit être le guide aussi du dirigeant par rapport à son comportement en général.
Raphaëlle Duchemin : Est-ce qu'on sait clairement dire aujourd'hui jusqu'où la maison mère, le donneur d'ordre, doit avoir connaissance d'eux pour ne pas engager sa responsabilité ?
Éric Hickel : C'est toute la difficulté. On va voir effectivement comment s'est transposé dans les différents droits nationaux. Parce que je pense qu'il y aura des écarts. Les concepts sont à la base plutôt des concepts anglo-saxons. On va voir comment c'est répercuté dans les différentes juridictions et comment le droit français va appréhender tous ces concepts.
Raphaëlle Duchemin : Justement, en termes de responsabilité, on voit que le dirigeant est concerné. C'est la responsabilité de l'entreprise, c'est la responsabilité du dirigeant qui va être engagée dans toutes ces nouvelles contraintes ?
Éric Hickel : En premier lieu, c'est la responsabilité de l'entreprise qui est recherchée. Le droit français est relativement rétif à la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants. Mais évidemment, au bout du bout, comme on le disait tout à l'heure, le dirigeant est tenu de transformer son entreprise et de l'accompagner dans la transition énergétique. Au bout du bout, sa responsabilité pourrait être recherchée.
Raphaëlle Duchemin : Quels sont les garde-fous qu'il peut mettre justement pour se protéger lui et protéger son entreprise ?
Fabien Radisic : Je pense que la responsabilité du dirigeant peut être engagée s'il savait qu'il devait faire et qu'il n'a pas fait. La première responsabilité du dirigeant, c'est de se mettre à niveau, de connaître à peu près les normes... Alors bien entendu, il ne va pas tout connaître comme un juriste doit le connaître, mais il doit se connaître comme un dirigeant doit connaître ces sujets-là. C'est-à-dire qu'il ne doit pas les écarter et il doit mettre au niveau de son entreprise les ressources nécessaires pour que les sujets soient traités. Je pense que la première responsabilité du dirigeant, c'est celle-ci. C'est-à-dire que face à ce développement de ces normes aujourd'hui, face à la transformation que cela implique, s'il ne fait rien... elle est là sa responsabilité. Après, faire quelque chose, ça ne veut pas dire qu'il faut faire les choses à 1000 %, mais il faut faire les choses de façon proportionnée, en fonction de la taille de l'entreprise et en fonction de la taille et la nature de son activité.
Raphaëlle Duchemin : Être en capacité de prouver qu'on a au moins essayé de faire. Est-ce qu'il peut s'exonérer, Éric ? Est-ce qu'il peut faire valoir sa bonne foi, montrer qu'il a délégué ?
Éric Hickel : Évidemment. C'est d'ailleurs le but de certains outils juridiques comme la délégation de pouvoir. Oui, on raisonne au cas par cas, donc si on voit qu'un certain nombre de mesures ont été mises en place, évidemment ça permet de minimiser ses responsabilités. Cependant, une fois encore, il est impératif de préparer l'entreprise, c'est-à-dire que chacun se forme : former les autres, former ses pairs, former les opérationnels, former ses sous-traitants, former ses fournisseurs pour que finalement l'ESG soit chez tout le monde, que ce soit l'affaire de tous, et se transformer, donc former et transformer.
Raphaëlle Duchemin : Vous avez parlé tout à l'heure d'écoblanchiment. On dit écoblanchiment aujourd'hui, on ne dit plus greenwashing, mais finalement, c'est la même chose. Les dirigeants doivent aussi, dans leur plan de transformation, prévoir tous ces axes de communication aujourd'hui. Autrement, les textes se durcissent sur ces notions-là. C'est un risque pour l'entreprise, c'est aussi un risque pour la réputation de l'entreprise et de la marque.
Fabien Radisic : On en revient au sujet de cohérence. C'est exactement ça. Vous ne pouvez pas prétendre laver plus blanc que blanc si derrière vous n'êtes pas en mesure de le démontrer, ou pire, si vous racontez n'importe quoi. C'est pour ça que l'entreprise doit mettre en place aussi les systèmes de contrôle nécessaires, les systèmes de communication nécessaires pour s'assurer que quand on dit quelque chose, c'est démontrable. On a vu des compagnies aériennes récemment qui avaient été sanctionnées sur leurs campagnes de pub par rapport à leur empreinte carbone.
Éric Hickel : Dans certains domaines comme l'énergétique, c'est très compliqué de savoir ce qui est vertueux ou pas. Enfin, je veux dire, les avis sont partagés sur l'éolien, sur le nucléaire. Certains vont trouver telle ou telle énergie vertueuse et ce sera un avis qui ne sera pas partagé par d'autres. Donc, c'est très, très délicat de trouver le bon niveau de curseur.
Raphaëlle Duchemin : Aujourd'hui, si je vous ai bien suivis, finalement, la transformation est à tous les niveaux : elle est juridique, elle est opérationnelle, parce qu'elle doit infuser à tous les niveaux de l'entreprise, mais elle est aussi dans les mentalités. Ça, c'est peut-être le plus important et le plus difficile à faire évoluer ou, en tout cas, à avoir la même vision. Comment on fait pour avoir cet autre regard sur le business et pour embarquer tout le monde ? Ça aussi, c'est de la responsabilité du dirigeant.
Fabien Radisic : Plus que la norme, c'est la prise de conscience qui va faire changer l'entreprise. C'est : est-ce que tout le monde a un constat qui est : « Oui, j'ai besoin de changer parce que si je continue à avancer dans ce modèle-là, l'impact que j'ai sur mon environnement, mais pas environnement au sens nature, mais mon environnement de façon générale, est négatif pour moi sur le long terme. » Après, les normes ne font qu'accompagner. La difficulté qu'on a aujourd'hui, c'est que les normes sont montées en puissance de façon très rapide, que ce tsunami qui est en train de déferler sur les entreprises effraie tout le monde parce qu'on nous dit : « Vous devez vous transformer, mais en plus, vous devez vous transformer rapidement. » Si on y allait peut-être de façon un petit peu plus progressive, on aurait une adhésion plus forte qui permettrait d'aller peut-être dans une transformation plus profonde.
Éric Hickel : Qui est la politique des petits pas. Il faut impliquer dans l'entreprise ceux qui ont une vraie conviction ESG, je pense. Il n'y a pas forcément des gens qui ont la casquette ESG. Ça peut être un fiscaliste, ça peut être un travailliste. Il faut se donner des objectifs réalistes et compter effectivement sur les gens qui croient fortement au besoin de transformation.
Fabien Radisic : Parce que ce besoin de transformation, ça peut être aussi un catalyseur de beaucoup de bonne volonté dans l'entreprise. Quand on regarde toutes les études sur la recherche de sens qui remonte chez les plus jeunes, aujourd'hui, entrer dans une entreprise, c'est aussi adhérer à un projet. Ce projet, s'il repose sur du développement durable, les dirigeants doivent aussi peut-être se poser la question de savoir si ce n'est pas bon pour leur entreprise en termes d'attractivité.
Raphaëlle Duchemin : Comment réagissent aujourd'hui les entreprises ? Qu'est-ce qu'elles vous disent, celles que vous accompagnez ?
Fabien Radisic : Il y a de la crainte face à ce tsunami réglementaire. Beaucoup se disent : « Voilà, il y a beaucoup de travail devant nous parce qu'il va falloir qu'on se transforme dans des délais qui sont relativement courts. » Il y a des gens qui n'y adhèrent pas et qui n'y adhéreront pas. Puis il y a des gens qui y voient l'opportunité peut-être de transformer un petit peu leur business et de donner un peu plus de sens à leur projet d'entreprise. Parce qu'ils voient derrière ces transformations un sens à donner à des équipes et à les mobiliser après les périodes que l'on vient de vivre et qui ont été quand même relativement compliquées.
Éric Hickel : Il y a une corrélation évidente entre le degré de maturité d'une entreprise et son chiffre d'affaires. Donc, honnêtement, on n'est pas inquiet sur les grandes entreprises qui connaissent les procédures NFRD, donc qui sont déjà relativement matures, et les PME et les ETI qui ne sont pas du tout prêtes objectivement. L'autre chose qu'on a observée, c'est que dans les plus grandes entreprises, à peu près un tiers des entreprises a mis en place une direction RSE. Il y a plutôt peut-être un regret, une volonté de revenir en arrière. En fait, ça a tendance à déresponsabiliser tout le monde. L'idée étant que le ESG doit être l'affaire de tous. Si on crée une direction ad hoc, ça déresponsabilise un peu les autres directions qui disent : « Ce n'est pas dans mon camp, je ne m'en occupe pas. » Une fois encore, je pense que la matière doit être extrêmement transverse, collective.
Raphaëlle Duchemin : Merci messieurs.
Fabien Radisic : Merci Raphaëlle.
Raphaëlle Duchemin : Merci d'avoir été nos invités dans le podcast Décryptages. Vous pouvez le retrouver bien sûr sur pwc.fr ainsi que tous les épisodes précédents.